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jean-dominique merchet

  • 2017: l'année de tous les dangers ?...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°12, janvier-février-mars 2017), dirigée par Pascal Gauchon, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré aux enjeux de l'année 2017.

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    Au sommaire de ce numéro :

    ÉCHOS

    ÉDITORIAL

    Le message des Anglo-Saxons, par Pascal Gauchon

    ACTUALITÉ

    ENTRETIEN

    Jean-Dominique Merchet. L'homme qui lève le "secret défense"

    PORTRAIT

    L'inquiétant héritage de Boutlefika, par Frédéric Pons

    ENJEUX

    Guinée-Bissau, un narco-Etat, par Tigrane Yégavian

    ENJEUX

    Le groupe de Visegrad. Une autre Europe, par Thierry Buron

    ENJEUX

    Micro-états, micro-puissances ?, par Didier Giorgini

    ENJEUX

    Géopolitique du droit américain, par Olivier de Maison Rouge

    ENJEUX

    Les États-Unis et les routes maritimes de la Chine, par Jean-Yves Bouffet

    TOUT LE MONDE CROIT SAVOIR QUE...

    L'arme atomique ne sert plus à rien !, par Pierre Royer

    IDÉES

    La géopolitique au service du libéralisme, par Florian Louis

    GRANDE STRATÉGIE

    Quand l'Angleterre inventait la diplomatie des droits de l'homme, par Charles Zorgbibe

    GRANDE BATAILLE

    Yorktown (1781). La France accouche les États-Unis, par Pierre Royer

    GEOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Brexit, Trump. Face à un monde de risque, la revanche des frontières ?, par David Simmonet

    GEOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Entretien avec Alain Juillet. Mondialisation : un combat au couteau

    GEOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Entretien avec Robin Rivaton. L'économie française face au défi du Brexit

    L'HISTOIRE MOT À MOT

    "Vers l'Orient compliqué, je volerai avec des idées simples", par Pierre Royer

    LA LANGUE DES MEDIAS

    Trump, candidat des médias malgré eux, par Ingrid Riocreux

    BOULE DE CRISTAL DE MARC DE CAFÉ

    Spécialistes, experts. La défaite de la pensée, par Jean-Baptiste Noé

    BIBLIOTHÈQUE GÉOPOLITIQUE

    La vérité sur le "royaume", par Gérard Chaliand

    CHRONIQUES

    LIVRES/REVUES/INTERNET /CINÉMA

    GÉOPO-TOURISME

    Le Caire. La caserne et la mosquée, par Thierry Buron

     

    DOSSIER : 2017. L'année de tous les dangers

    2017. L'année de tous les dangers, par Pascal Gauchon

    Europe : y a-t-il une vie après le Brexit et avec Trump ?, par Hadrien Desuin

    2017. Quelles menaces ?

    Lucio Caracciolo : Le chaos

    Gérard Chaliand : Nous-mêmes !

    Paul Coyer : Le risque financier

    Vers un nouvel afflux de "migrants" en Europe ?, par Julien Damon

    Troisième guerre mondiale ou querelle d’ilots ?, par François Godement

    La Corée du Nord : trublion ou véritable danger ?, par Jean-Marie Bouissou

    Vaincre l'Etat islamique et après ?, par Frédéric Pichon

    Ou va la Turquie ?, par Tancrède Josseran

    L'Afrique du Nord sous tension, par Bernard Lugan

    La menace djihadiste a-t-elle disparu au Sahel ? , par Olivier Hanne

    Ukraine, vers la victoire de Moscou ?, par Xavier Moreau

    Amérique latine. les lendemains qui déchantent ? , par Didier Giorgini

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  • Incroyable ! On meurt à la guerre...

    Nous reproduisons ci-dessous un bon point de vue de Jean-Dominique Merchet, cueilli sur Marianne et consacré à la perception de la guerre par les médias français...

     

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    Incroyable ! On meurt à la guerre...

    « La guerre se durcit. Un soldat français tué au Mali ». Ces mots font peur à lire. Peur parce qu’ils sont le titre d’un journal sérieux, en l’occurrence Le Monde (1). Peur parce qu’ils témoignent d’un manque de recul sur ce qu’est la guerre.  Toute notre époque médiatique est là : dans le perte de la mesure et, disons-le, du sens commun. Un mort à la guerre et la voilà qui se durcit ! On se pince… 
     

    Il se trouve qu’en effet, on meurt à la guerre. C’est même une vieille histoire, qui remonte plus haut que le néolithique.  Les soldats ne s’en étonnent pas. S’ils pleurent leurs camarades tombés au champ d’honneur, l’évocation d’un « durcissement » de la guerre, après qu’un sergent-chef des commandos ait été mortellement touché, ne provoquerait que soupirs ou éclats de rires dans les popotes.  Plus que jamais, les médias ressemblent à ces fidèles que Bossuet moquaient dans ses sermons : « On n’entend dans les funérailles que des paroles d’étonnement de ce que ce mortel est mort »
     

    La nouveauté radicale des guerres contemporaines est bien que les militaires y meurent peu. Mais de là à s’étonner qu’il y ait encore des morts…  Pour s’en tenir aux Français, depuis le 11 janvier, deux militaires ont été tués dans les combats du Mali.  En Libye, aucun mort ni blessé. En Afghanistan, 88 morts mais en dix ans…  Comparons simplement ce chiffre aux 24.000 militaires décédés durant la guerre d’Algérie, sur une période plus courte.  Sans parler des 900 morts par jour de la Première guerre mondiale. 
     

    Certes, tout ce qui est rare est cher. La perte d’un seul militaire est ainsi devenu un événement national – qui justifie un tweet de l’Elysée et une cérémonie officielle. Il est légitime que la nation honore ceux qui tombent en son nom, mais l’émotion ne doit pas systématiquement prendre le pas sur la raison. Si l’on s’engage dans un conflit armé – et l’on doit s’interroger sur la nécessité de le faire – il faut quand même en accepter les conséquences. Et la première d’entre elles, c’est qu’il y aura des morts et que la guerre ne se durcira pas au deuxième d’entre eux. 
     

    Cette attitude infantile, qui consiste à s’étonner de la conséquence de ces actes, on la retrouve malheureusement dans les piaillements de la presse sur  la couverture des événements du Mali. Lundi, un autre journal sérieux, Libération, titrait : « Où est passée la guerre ? » Sous-entendu : on nous cache tout, on nous dit rien.  Le gouvernement et l’armée ne communiquent pas et les journalistes ne peuvent pas travailler correctement. Le reportage en zone de guerre est un exercice compliqué, dangereux.  Et le dialogue entre militaires et journalistes est par nature l’objet de tensions. Les uns ont besoin des autres et réciproquement, car une guerre moderne se gagne aussi sur le terrain médiatique. 
     

    Mais la guerre - tous les militaires de tous les temps l’ont toujours su – est essentiellement faite de longs moments d’ennuis au cours desquels ils ne se passent rien et de très brefs moments d’action, de violence et de peur. Ce sont eux, et eux seulement, qui intéressent les médias. Or, la réalité des opérations au Mali – sur lesquelles on dispose d’informations très complètes – est qu’il y a peu d’opérations... et, qui plus est, qu’elles se déroulent sur un territoire immense.  Quelques patrouilles des forces spéciales dans le nord-est. Parfois un accrochage. Des frappes aériennes ciblées.  Au fond, pas grand chose à montrer.
     

    Prenons une frappe aérienne : qu’est ce que c’est ? L’imagination du public, nourrie de films de guerre, nous fait volontiers imaginer un avion arrivant dans un grand vacarme et larguant ses bombes sur une colonne de pick-up en fuite. Vous n’y êtes pas !  Si vous êtes en l’air, c’est un échange de coordonnées sur ordinateur,  le « clang » que fait la munition quand elle se détache pour se diriger vers sa « target » à plus de dix de kilomètres. Si vous êtes au sol, vous ne voyez pas la bombe arriver et  soudain c’est une grosse explosion. Personne ne s’est même rendu compte qu’un avion était là…  Efficace, mais moins spectaculaire qu’un Stuka en piqué toute sirène hurlante.
     

    On nous dit rien, on nous cache tout ? Faisons simplement l’effort de comprendre que les guerres réelles ne sont pas celles que nous fantasmons.  On y meurt toujours, mais ce n’est pas non plus le grand barnum auquel les médias aspirent. 

    Jean-Dominique Merchet (Marianne, 21 février 2013)

     

    Note :

    (1) Le titre complet de la Une du journal daté du jeudi 21 février est «  Otages, combats rapprochés : la guerre se durcit. Une famille française enlevée dans la nord du Cameroun, un soldat français tué au Mali. »

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  • Tour d'horizon... (40)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Le Monde et sur Secret défense, Rémy Ourdan et Jean-Dominique Merchet rendent un bel hommage à Yves Debay, lansquenet et reporter de guerre, bien connu des amateurs de la chose militaire...

    Yves Debai, fou de guerre et aventurier iconoclaste

    La mort d'Yves Debai, reporter de guerre

     

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    - sur Marianne, Marc Crapez, chercheur en sciences politiques, exprime ses réserves sur l'intervention française au Mali

    Intervention au Mali, quel contrecoup ?

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  • Une « guerre contre le terrorisme », version François Hollande ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue très clair de Jean-Dominique Merchet, cueilli sur Marianne et consacré à la volonté du gouvernement français de criminaliser, sans le nommer pour ce qu'il est, l'ennemi qu'il a choisi, au demeurant légitimement, de combattre. Néo-conservatisme, quand tu nous tiens...

    Jean-Dominique Merchet, journaliste à Marianne, est, par ailleurs, l'animateur de l'excellent blog Secret défense.

     

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    La « guerre contre le terrorisme », version François Hollande

    Au Mali, nous voilà donc en guerre contre les « terroristes » : c’est en tout cas ainsi que le chef de l’Etat désigne nos ennemis, ceux que les hélicoptères et les avions français attaquent. Mieux, ce sont des « terroristes criminels », martèle le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius.

    Au Mali, nous voilà donc en guerre contre les « terroristes » : c’est en tout cas ainsi que le chef de l’Etat  désigne nos ennemis, ceux que les hélicoptères et les avions français attaquent. Mieux, ce sont des « terroristes criminels », martèle le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius. 
     
    Dans les conflits contemporains, la manière de nommer son ennemi en dit long On se souvient de la « guerre contre le terrorisme », la Global War On Terror de George W. Bush, au lendemain du 11 septembre. Barack Obama abandonna ses mots, sans pour autant se monter faible. A-t-il eu tort ?
     
    Désigner notre ennemi comme « terroriste » présente un avantage : il évite de le définir plus précisément ! Or, qui sont les hommes que nous combattons au Sahel ? Des islamistes radicaux, des djihadistes, majoritairement d’origine arabe et touareg. Mais les « éléments de langage » des dirigeants français évitent avec le plus grand soin de le dire : les mots « islamistes » ou « djihadistes » ne sont pas employés. Comme si, par souci de ne pas « stigmatiser » les musulmans, il ne fallait surtout pas utiliser de mots trop « connotés » ! 
     
    C’est assez ridicule et potentiellement dangereux. Assez ridicule, car nos ennemis ne se battent pas au nom du « terrorisme », mais bien d’une vision de l’Islam – une vision contestée par nombre de musulmans. Les djihadistes sont une minorité dangereuse mais numériquement faible. Faisons l’effort de les écouter, de les comprendre, ne serait-ce que pour mieux les combattre !  
     
    Le terrorisme n’est pas une idéologie, c’est une méthode, une technique d’usage de la violence. Qui n’a pas été terroriste ? Yasser Arafat ne fut-il pas un terroriste, comme le furent les chefs de l’Irgoun en Israël ? Les indépendantistes irlandais ? Et les résistants français,  aux yeux de Vichy et de l’occupant allemand ?  Notre histoire devrait nous inciter à une certaine prudence de langage.
     
    Car, en l’occurrence, depuis la semaine dernière, nous n’avons pas à faire à des terroristes, mais à des combattants réguliers. Des « maquisards », des « guérilleros », comme on disait en d’autre temps et d’autres lieux.  Au Mali, ils ne commettent pas d’attentats et ne conduisent pas des opérations clandestines. Ils se battent à découvert, à la loyale, avec leurs colonnes de 4X4 très bien armés et, semble-t-il, bien commandés. Nous avons à faire à des soldats  – qui, certes, propagent une  vision du monde que nous rejetons, mais à des soldats quand même.
     
    Certes, les combattants djihadistes que nos forces affrontent ne sont pas des enfants de chœur. Ils sont, pour une part, liés à Al-Qaïda et n’hésitent pas à tuer, à prendre des otages, voire à commettre des attentats – s’ils en avaient les moyens. Mais par plus d’un trait, ils ressemblent aux Talibans afghans : ce sont des fanatiques, mais ils ne sont pas étrangers dans leur pays.  Ainsi, leur chef, Iyad ad Ghali, est chez lui là où il combat : c’est un touareg malien, pas un combattant internationaliste venu du Moyen-Orient ou d’une banlieue française.
     
    Les qualifier de « terroristes criminels », c’est, au fond, emprunter à la rhétorique du discours néo-conservateur. Les guerres d’aujourd’hui sont toutes marquées par le « criminalisation » de l’ennemi. Les opérations militaires finissent par devenir des opérations policières contre des « hors la loi », contre des gens qui violent la morale commune.  La guerre n’est plus la continuation de la politique par d’autres moyens, elle est devenue la poursuite de la Justice par d’autres moyens. Or, on le voit en Irak, en Afghanistan et désormais au Mali, il ne peut y avoir de solutions durables que politiques – qui passent, à un moment, par la discussion avec l’ennemi. Mais peut-on discuter avec des « terroristes criminels » ?
     
    Jean-Dominique Merchet (Marianne, 14 janvier 2013)
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  • Les grandes funérailles d'une poignée de morts...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Jean-Dominique Merchet, cueilli sur Ria Novosti et consacré à la capacité de notre pays à supporter la mort de ses soldats au combat. Directeur-adjoint de la rédaction de Marianne, responsable du blog Secret Défense,  Jean-Dominique Merchet est l'auteur de nombreux ouvrages sur les questions militaires et collabore à la revue Guerres & Histoire.

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    Les grandes funérailles d'une poignée de morts

    Samedi 9 juin 2012: quatre militaires français sont tués en Afghanistan. A peine la nouvelle connue, la Présidence de la République prend les choses en main et François Hollande annonce lui-même qu’un « hommage national » aura lieu cinq jours plus tard aux Invalides (Paris). N’est-ce pas un peu exagéré?

    Certes, il s’agissait des « premiers morts » d’un chef de l’Etat tout récemment élu, qui ne fait que suivre l’exemple de son prédécesseur Nicolas Sarkozy, d’ailleurs présent à la cérémonie religieuse, militaire et politique – qui s’est tenue avec toute la pompe dont un vieux pays comme la France est capable. Mais au-delà de l’émotion et des considérations politiques (la France était à la veille du second tour des élections législatives…), cette cérémonie pose des questions essentielles : quatre morts à la guerre sont-ils devenus à ce point hors du commun qu’il faille aussitôt déployer ce que le poète Charles Péguy nommait « l’appareil des grandes funérailles » ? Les démocraties modernes ne peuvent-elles plus supporter l’idée que leurs soldats meurent à la guerre ? Est-ce là le signe d’un affaiblissement politique qui minerait, à terme, la capacité de nos pays à peser sur les affaires du monde ?

    Pour tenter d’y répondre, quelques chiffres et un peu d’histoire. En moins de onze ans de présence militaire en Afghanistan, l’armée française a perdu 87 hommes, dont certains par accident. Elle compte environ 700 blessés, dont plusieurs dizaines très grièvement, sans compter les blessures psychologiques, impossibles, pour l’heure, à estimer sérieusement. Sur la durée de la guerre, cela fait moins d’un mort toutes les six semaines… Certes, les opérations ne se sont vraiment durcies qu’à partir de 2008 et plus de la moitié des pertes ont eu lieu au cours des deux dernières années (45 sur 87). Sur cette seule période, on en reste quand même à un mort tous les seize jours.

    La France est un pays qui a perdu 1,3 millions de ses soldats au cours de la Première guerre mondiale (1914-18), comme en témoignent les Monuments aux morts dans toutes les villes et villages du pays. C’est 900 hommes tués tous les jours pendant quatre ans ! Et que dire des pertes immenses de l’Armée soviétique durant la Grande Guerre Patriotique (1941-45) ? Si l’on estime les pertes démographiques totales de l’URSS à près de 27 millions, le général Alexandre Kiriline, qui s’en tient aux seuls militaires, avance le chiffre d’«environ 8,8 à 8,9 millions de personnes tués, dont 2,5 millions de prisonniers de guerre et 6,4 millions de tués sur le champ de bataille ». Soit 4500 tués chaque jour au Front pendant quatre ans ! Ces chiffres donnent littéralement le vertige.

    Toutes les guerres ne donnent pas lieu à de tels massacres : au Vietnam, les Américains ont perdu 58.000 hommes et les Français en Algérie (1954-1962) environ 25.000, dont 15.000 au combat. Soit, quand même, douze quotidiennement. Un jour de la guerre d’Algérie équivaut donc à un semestre en Afghanistan : où étaient alors les hommages nationaux et les interventions solennelles du président de la République ?

    Nos sociétés ont-elles si radicalement changées en un demi-siècle ? Le colonel Michel Goya, chercheur à l’Ecole militaire, considère que « la résilience politique aux pertes est de plus en plus faible », mais il la distingue de « celle de l’ensemble de la nation, en général plus forte ». La classe dirigeante, politique et médiatique, encaisse donc plus mal les morts à la guerre que le pays dans ses profondeurs, qui sait bien, notamment pour en avoir payé de longue date le prix fort, qu’il n’y a pas de guerre sans mort ! L’on voit, certes, quelques familles de soldats tués s’en prendre à l’armée devant la justice, mais ce n’est là qu’une façon moderne, pour elles, de tenter de faire leur deuil avec l’aide intéressée de quelques avocats médiatiques.

    Deux choses essentielles ont pourtant changé la donne. Depuis 50 ans, c’est-à-dire la fin de la guerre d’Algérie, aucun jeune Français n’a été obligé de partir à la guerre. Depuis cette date, seuls les volontaires et les professionnels se battent et risquent leur vie. Autre nouveauté, tout aussi radicale au regard de l’histoire française : depuis 20 ans, plus aucune armée étrangère ne menace le territoire national, alors que depuis la Révolution française (Valmy, 1792), la Nation vivait dans l’idée d’une invasion possible en provenance de l’Est. Et l’on pourrait remonter jusqu’à Attila, battu en 451, aux Champs catalauniques, là où l’on se battait encore en 1918…

    Depuis 20 ans, donc, les militaires français sont envoyés combattre loin des frontières du pays (Guerre du Golfe, Balkans, Afrique, Afghanistan, Libye). D’où la gêne des politiques : ces guerres sont-elles suffisamment légitimes, même si elles sont légales au regard du droit international, pour que de jeunes Français y perdent la vie ? Dans le cas de l’Afghanistan, l’opinion publique en doute fortement. Tous les sondages traduisent le fait que les Français ne souhaitent pas la poursuite de cette guerre. Nicolas Sarkozy puis François Hollande l’avaient d’ailleurs parfaitement compris en accélérant le calendrier de retrait des troupes, l’un d’un an, l’autre de deux.

    « Pour qui meurt-on ? » se demandait en 1999, le général français Emmanuel de Richoufftz dans un livre de réflexion sur le sens de la guerre. En effet ! C’est la question que se posent les citoyens – dont les militaires - et c’est aux dirigeants politiques, visiblement embarrassés, de leur fournir une réponse. Pourquoi nos soldats tombent-ils en Afghanistan ? Les réponses fournies ne sont guère plus convaincantes que celles qui l’étaient, aux Soviétiques, au temps de leur intervention en Afghanistan. Certes, la guerre d’alors fut beaucoup plus meurtrière et les Afghantsy n’étaient pas tous volontaires ! En dix ans, l’armée soviétique a perdu (au moins) 15 400 hommes sur le terrain. En une décennie également, la coalition occidentale en aura perdu, elle, 3050, soit cinq fois moins.

    Pour quel résultat ? C’est parce que les dirigeants d’aujourd’hui, et notamment les Français, gauche et droite confondues, peinent à répondre sur le fond qu’ils en font sans doute un peu trop sur la forme. D’où « l’appareil des grandes funérailles » déployé dans la cour, grandiose et austère, des Invalides.

    Jean-Dominique Merchet (Ria Novosti, 19 juin 2012)

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  • "Raymond Aubrac était un agent communiste"...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien du journaliste Jean-Dominique Merchet avec l'historien Stéphane Courtois, cueilli sur le blog Secret Défense et consacré à Raymond Aubrac. Stéphane Courtois, spécialiste du communisme, nous rappelle que ce personnage qu'on nous présente, à l'occasion de sa mort, comme un grand résistant patriote était avant tout un agent d'influence soviétique. Il rappelle aussi que les conditions de sa libération à la suite de son interpellation par la Gestapo à Caluires avec Jean Moulin sont pour le moins controversées...

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    "Raymond Aubrac était un agent communiste"

    Directeur de recherches au CNRS, l'historien Stéphane Courtois est un spécialiste du communisme. Elève d'Annie Kriegel, il a été le maître d'oeuvre du Livre noir du communisme. Ses derniers livres sont "le Bolchevisme à la française" (Fayard)  et, sous sa direction, "Sortir du communisme, changer d'époque" (PUF). Historien engagé, mais grand connaisseur des archives, il nous décrit la face cachée d'un personnage aujourd'hui encensé.

    Qui était vraiment Raymond Aubrac ?
    Un agent soviétique, mais pas au sens où il aurait travaillé pour les services d'espionnage de l'Union soviétique. Il était plutôt un membre important du réseau communiste international, un sous-marin communiste si l'on veut ; en tout cas, beaucoup plus qu'un agent d'influence. Un homme comme lui avait évidemment un correspondant à Moscou.

    En a-t-on des preuves ?
    Nous n'avons pas de documents, comme par exemple dans le cas de l'ancien ministre radical Pierre Cot. Toutefois, l'ancien dissident tchèque Karel Bartosek avait découvert dans les archives du PC à Prague des documents qui montrent qu'Aubrac y était reçu par Klement Gottwald, le chef historique du PC tchécoslovaque, qui fut aussi un agent du Komintern.

    Mais Aubrac a toujours expliqué qu'il n'avait jamais été membre du PCF ?
    (Rire). C'est exact, formellement, mais tout cela est cousu de fil rouge. Il faisait partie de ce qu'on appelle les "hors-cadres", des gens de haut niveau dont le PCF n'avait pas besoin qu'ils prennent leur carte. Ils leur étaient plus utile à l'extérieur. Aubrac était un ingénieur, sorti de l'Ecole des Ponts et Chaussées, et le PCF ne voulait pas le mettre en avant. Ce qui ne l'empêchait pas de participer à des réunions de cellules comme "observateur". Avant guerre, sa future épouse Lucie était elle-même communiste, proche d'André Marty - qui fut représentant du PCF au Komintern.

    Ses biographes le présentent comme une sorte d'industriel à la tête d'une entreprise d'urbanisme. Qu'en est-il ?
    La société qu'il dirigeait était le Berim - le Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne. Placé sous la responsabilité de Jean Jérôme, l'und es hommes les plus importants et les plus secrets du PCF - cette société servait aussi de pompe à finances au Parti. C'est, par elle, que passait une partie des financements en provenance de l'Est - sous la forme de contrats plus ou moins bidons. Même chose avec les maires communistes.

    On apprend qu'il était à Saïgon lors de l'arrivée des chars du Nord-Vietnam en 1975. Qu'y faisait-il ?
    Aubrac a joué un rôle très particulier dans l'affaire du Vietnam. Lorsque le dirigeant communiste Hô Chi Minh vint en France en 1946, il fut hébergé par les Aubrac à la demande de Jacques Duclos. Puis il servit de contact entre l'appareil communiste international et Henry Kissinger lui-même. Du sérieux, on le voit.

    Son rôle durant la Résistance a fait l'objet de polémiques. On se souvient d'un procès contre l'historien Gérard Chauvy et d'une table ronde organisée en 1997 par Libération. Qu'en pensez-vous ?
    Pendant longtemps, Aubrac et son épouse Lucie ont raconté qu'il s'était évadé à la suite d'une opération de la Résistance. Or, Arthur Kriegel - qui a participé à cette action commando - assurait qu'Aubrac n'était pas là quand elle eut lieu. Puis Aubrac a reconnu dans la biographie "autorisée" que Pascal Convert lui a récemment consacrée qu'il ne s'était pas évadé, mais qu'il avait été libéré.
    Un autre épisode pose problème. A la Libération, il est commissaire régional de la République à Marseille. Or De Gaulle va le virer sans ménagement et sans explication.  A Marseille, il avait créé des CRS (Compagnies républicaines de sécurité) dont on découvrit plus tard qu'elles étaient entièrement infiltrées par le PCF.
    Quant à la table ronde de Libération, une anecdote est significative : Aubrac s'est mis en colère au moment même où Daniel Cordier lui a demandé d'avouer enfin qu'il était communiste. Jusqu'au bout, il l'aura nié. C'était un gros poisson de l'appareil, très bien camouflé, en particulier derrière l'image de son épouse Lucie.

    Stéphane Courtois, propos recueillis par Jean-Dominique Merchet (Secret défense, 11 avril 2012)

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