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jacques chirac

  • Mortelle cohabitation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Frédéric Rouvillois, cueilli sur Causeur et consacré à la question de la cohabitation.Professeur de droit public à l’université Paris Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (2006), Histoire du snobisme (2008),  tous deux diponibles en format de poche dans la collection Champs Flammarion, ou L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (Flammarion, 2011).

     

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    Mortelle cohabitation

    Le problème de la cohabitation empoisonne la vie politique française depuis qu’en 1978, le président Giscard d’Estaing déclara qu’il resterait à l’Élysée en cas de victoire de la gauche aux élections législatives, et surtout, depuis qu’en 1986, Jacques Chirac, leader de la nouvelle majorité à l’Assemblée nationale, accepta de devenir premier ministre de François Mitterrand en vue de la présidentielle de 1988, mais au risque, assumé, d’abîmer en profondeur la Ve république. Avec ses chausse-trappes, ses pièges innombrables, ses poignards dissimulés dans des bouquets, ses byzantinismes et ses non-dits, ses jeux tortueux autour de la lettre et de l’esprit de la constitution, avec le capiteux parfum d’hypocrisie qui l’accompagne toujours, on conçoit que l’homme de Jarnac, le plus florentin de nos chefs d’État, dût en raffoler. Mais on imagine à quel point la couleuvre fut dure à avaler pour un Chirac qui se donnait encore, à l’époque, pour un gaulliste pur sucre, et qui se vit obligé, à trois reprises, de sacrifier ses convictions sur l’autel de ses ambitions. Et tel est encore le sentiment que donne le plaidoyer pour la cohabitation qu’Henri Guaino a fait paraître dans Le Figaro du 24 mai.

    Interrogé par un journaliste qui n’y va pas par quatre chemins en lui demandant carrément si la cohabitation n’est pas nocive, celui qui fut jadis l’homme lige de Philippe Séguin répond, un peu gêné : « C’est aux Français d’en décider ! Je n’imagine pas leur dire : « Ne votez pas pour nous, parce que la cohabitation, ce n’est pas bien.» Ce qui serait nocif, ce ne serait pas la cohabitation, poursuit Guaino, ce serait que les socialistes aient tous les pouvoirs pour appliquer leur programme. » Donc, qu’il n’y ait pas de cohabitation, laquelle, par comparaison, lui paraît bénéfique… En acceptant de se présenter aux élections, Guaino se condamnait à prendre de telles positions. Pourtant, nul doute qu’au fond de lui-même, il ait bien conscience que, dans le cadre de la Ve république, une telle cohabitation serait désastreuse à long terme, et sans grand intérêt à brève échéance.

    A court terme, en effet, les bénéfices politiques d’une cohabitation seraient peu significatifs. Elle aurait évidemment l’avantage, et ce n’est pas rien, avouons-le, de permettre aux personnalités éminentes qui siégeaient dans le précédent gouvernement, les Frédéric Lefebvre, les Éric Besson, les NKM, les David Douillet, les Benoist Apparu, de retrouver les maroquins dont une décision inconsidérée des Français vient de les priver indûment; peut-être même permettrait-elle à François Fillon de retourner à Matignon, ce qui aurait au moins l’intérêt d’apaiser la guéguerre des chefs qui se profile à l’UMP. Mais sur le fond, une telle cohabitation aurait surtout pour effet de « rétablir un équilibre », comme le soulignent fréquemment les ténors de la droite modérée, c’est-à-dire, en clair, d’instituer au sommet de l’État une situation de paralysie. D’un côté, en effet, le président de la république se verrait effectivement privé de la plupart des fonctions qu’il assume en temps ordinaire, lorsqu’il dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale, et donc, d’un premier ministre et d’un gouvernement de la même couleur politique que lui. On retrouverait ainsi, pour cinq ans, la figure pathétique du roi fainéant telle que l’assuma Jacques Chirac entre 1997 et 2002. Mais en face, la droite modérée, majoritaire à l’Assemblée et en mesure d’imposer un premier ministre, se retrouverait elle aussi dans une situation inconfortable, dans la mesure où elle resterait par ailleurs minoritaire au Sénat.

    Dans ces conditions, elle ne pourrait pas réviser la constitution, et, par exemple, imposer la fameuse « règle d’or » : pour cela, il lui faudrait en effet l’appui du président et de la majorité du Sénat. Elle ne pourrait plus légiférer à sa guise par voie d’ordonnances comme elle en a pris l’habitude ces dernières années, les ordonnances exigeant la signature du chef de l’État. Elle se verrait, enfin, considérablement bridée en matière de politique étrangère et européenne, laquelle, même en période de cohabitation, relève en partie du domaine réservé du président. En somme, même à ne considérer que le court terme, une cohabitation ferait entrer la France dans un état de coma politique – jusqu’à ce que le Président se décide enfin à dissoudre l’Assemblée nationale. A tout cela, de bons esprits pourront évidemment rétorquer qu’une majorité de droite à l’Assemblée aurait au moins l’intérêt d’empêcher la gauche de réaliser son programme : certes, mais vu ce qui sépare objectivement le programme de la droite modérée post-sarkozyste de celui de la social-démocratie à la Hollande, on est en droit de se demander ce que cela change.

    Plus fondamentalement, alors que les avantages immédiats s’avèrent bien maigres, les inconvénients à long terme paraissent considérables – du moins, aux yeux de personnalités que l’on peut supposer attachées à l’héritage du général De Gaulle.
    Au regard du principe démocratique, d’abord, il paraîtrait assez choquant que le président, que la majorité du peuple vient d’élire afin qu’il puisse agir et gouverner, se trouve aussitôt dans l’incapacité d’assurer le mandat qui lui a été confié du fait d’élections législatives dont le résultat dépend largement des modalités du découpage électoral, des déséquilibres démographiques, de questions de lieux et de personnes, bref, des innombrables considérations locales ou conjoncturelles qui président à la désignation des 577 membres de l’Assemblée. Qu’on le regrette ou non, la valeur démocratique de l’élection présidentielle est sans commune mesure avec celle des législatives : c’est pourquoi il serait en définitive attentatoire au principe démocratique que celles-ci puissent invalider celle-là.

    Mais le pire est ailleurs : dans l’altération profonde de la fonction présidentielle et de la stature du chef de l’État qui résulterait inévitablement d’une cohabitation longue. C’est ce qu’ont pu constater les Français en 2002, lorsque Jacques Chirac fut réélu après cinq ans de cohabitation avec Lionel Jospin : à la place du président de plein exercice qu’ils avaient connu en 1995, ils se sont retrouvés avec un homme habitué à jouer les potiches et à inaugurer les chrysanthèmes, bref, avec un président paresseux qui laissera la bride sur le cou à Raffarin, à Villepin et à Nicolas Sarkozy. La cohabitation longue, c’est, à terme, le risque de voir renaître ce que l’on appelait dans les années 1950 « les délices et les poisons » du parlementarisme absolu et du régime des partis. C’est la possibilité de voir disparaître cette « monarchie populaire », selon le mot du général De Gaulle, qui constitue l’essence et fait tout l’intérêt de la Ve république.

    Au total, plutôt qu’une cohabitation forcément désastreuse, sans doute serait-il plus raisonnable de laisser à la gauche le risque de gouverner, à la droite, la possibilité de se recomposer, et à la Ve république, une chance de survivre.

    Frédéric Rouvillois (Causeur, 26 mai 2012)

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  • Deux poids, deux mesures...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Christian Millau, cueilli sur Atlantico  et consacré à la troublante différence de traitement entre Maxime Brunerie, jeune militant de la droite radicale connu pour avoir tenté de tirer sur Jacques Chirac en 2002, à l'occasion du défilé du 14 juillet, dont l'intégration dans le jury d'un prix littéraire de seconde zone a suscité une violente polémique, et Cesare Battisti, terroriste d'extrême gauche, accusé d'avoir froidement assassiné un policier et un gardien de prison dans les années 70 en Italie, et , par ailleurs, auteur de polars et coqueluche du milieu littéraire germanopratin... 

     

    Battisti - Brunerie.jpg

     

    Pourquoi les bonnes âmes préfèrent-elles un Battisti en cavale et non repenti, à un Brunerie ayant purgé sa peine et revenu de ses erreurs ?

    S’avisant au tout dernier moment que Maxime Brunerie, le jeune homme qui avait tenté de tuer Jacques Chirac le 14 juillet 2002, faisait partie du jury du Prix littéraire du Savoir et de la Recherche , David Le Breton, le lauréat pressenti, a refusé d’être couronné, l’Université Paris-Descartes a rompu son partenariat et de nombreux jurés ont démissionné. Un passé d'extrême droite exclut-il tout droit à la rédemption ?

    Maxime Brunerie ? Pour moi, c’était un jeune homme dérangé qui avait voulu descendre Jacques Chirac avec un 22 long rifle et qui a été libéré en 2009, après sept ans de réclusion. J’apprends que la romancière Laurence Biava, fondatrice de ce nouveau prix, faisant sa connaissance au Salon du Livre où il présentait son récit autobiographique, Une vie ordinaire, avait été séduite par sa "brillante intelligence" et sa volonté de rédemption. Il lui avait expliqué qu’il ne rêvait pas de tuer Jacques Chirac mais d’être lui-même abattu par le GIGN. Un peu compliqué, mais pourquoi pas ? Ce n’était sûrement pas pour rien qu’au moment de son procès, il avait été soumis à un examen psychiatrique. Il en avait néanmoins pris pour dix ans.

    Quoiqu’il en soit le problème n’est pas là. Que Brunerie ait été sérieusement fêlé et ne le soit plus, qu’il regrette sincèrement ou non son geste, les jurés de ce Prix s’en contrefichent. La clé de toute cette (mince) affaire se trouve dans le titre de la dépêche de Rue89 :« Brunerie, l’ancien facho qui voulait tuer Chirac ». Eh oui, un ancien facho ! Autrement dit, une ordure (un ancien stalinien étant, lui, des plus convenables). Et qu’avait-il fait d’affreux et d’inexcusable dans sa vie, l’ancien facho ? Il avait été candidat du parti de Bruno Mégret aux municipales (un diable, Mégret ? Plutôt un pauvre diable) et fréquenté les milieux d’extrême droite. En juillet dernier, il avait voulu adhérer au Modem de François Bayrou ! Vous savez, ce mouvement terroriste de lanceurs de bombes ? Bref, le dernier des salauds.

    Je précise que je ne connais pas ce type, que je n’ai jamais tiré sur un président de la République et que j’ai envie de vous dire : vous voyez ce que la politique mal comprise peut faire d’un jeune homme cultivé qui se voyait sans doute un grand destin.

    Peu importe qu’il ait purgé sa peine et ait droit à la mansuétude - si souvent proclamée par la gauche – de ses compatriotes. Un repenti de l’extrême droite ? Mon dieu, quelle horreur ! Pour Me Emmanuel Pierrat, avocat et élu PS, qui a les idées larges en ce qui le concerne et étroites en ce qui concerne les autres, Eliette Abecassis, philosophe et romancière à succès, Mazarine Pingeot, Arnaud Viviant (ce "héros" qui a craché sur la dépouille de Philippe Muray), Fabrice Lardreau, jeune romancier qui combat l’exclusion (à l’exception de ceux qu’il exclut lui-même) et quelques autres, pas question de mêler leurs voix à celle d’une pareille vermine.

    Bien-sûr, je ne conteste à personne le droit de refuser un prix  ou de le donner, mais imaginons un instant un autre scénario. Cette fois, il ne s’agit pas d’un facho mais d’un ancien militant de l’extrême gauche italienne – celle-là même qui exécuta Aldo Moro - fondateur des Prolétaires Armés, condamné par contumace  par la justice italienne à la perpétuité pour  l’assassinat d’un gardien de prison et d’un policier, ainsi que pour complicité dans les meurtres d’un boucher et d’un bijoutier de Milan dont le fils, rescapé de la fusillade, est resté tétraplégique. Césare Battisti – vous l’avez reconnu –échappant pour la seconde fois à l’extradition (la première grâce à François Mitterrand) vit, à présent, libre au Brésil, sans s’être jamais repenti de quoi que ce soit.

    Tant qu’il n’aura pas été jugé, il faut se garder de se prononcer sur sa culpabilité ou son innocence. En tout cas, si cet assassin présumé, image sainte de notre gauche bien pensante – de Fred Vargas à Guy Bedos – pouvait revenir en France et si on l’invitait à participer au  jury du Prix du Savoir et de la Recherche, on peut être certain que ni Mazarine Pingeot, ni  Emmanuel Pierrat ou Arnaud Viviant ne claqueraient la porte. Avec Libération, Rue89, Médiapart et tout le lobby des intellos "comme il faut",, le retour du héros serait salué comme une victoire de la démocratie .

    Christian Millau (Atlantico, 23 novembre 2011)

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  • L'imagination au pouvoir ?...

    Nous vous signalons la parution au mois de juin dernier d'une bande-dessinée assez savoureuse, publiée au éditions Delcourt dans la collection Jour J et intitulée L'imagination au pouvoir ? Les auteurs, Duval, Pécau et Mr Fab, ont imaginé un polar politique dans une France uchronique où mai 68 a dégénéré en guerre civile. Un ancien de l'OAS, un peu rude mais sympathique, qui a été trahi par des jeunes loups de la droite gaulliste, revient après quelques années d'absence et arpente un Paris reconstruit dans une architecture psychédélique pour régler quelques comptes... On croise au fil des pages François Mitterrand, Jacques Chirac, Daniel Cohn-Bendit, Serge July, Bob Woodward, Brigitte Bardot et d'autres... Ceux qui connaissent l'histoire politique des années 70 apprécieront les clins d'oeil !... 

     

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    Mai 68. La chienlit est partout. Craignant de se retrouver dans une situation pire qu’en Mai 40, le Général De Gaulle décide de faire convoyer le plus discrètement possible pendant les « évènements » 200 millions de francs vers le château de Vincennes pour parer à une aggravation de la situation... Mais celle-ci dérape plus vite que prévu : De Gaulle meurt dans un crash d’hélicoptère en allant voir le général Massu et les 200 millions disparaissent dans un casse mené de main de maître. Des manifestations populaires on passe rapidement à une révolution parisienne puis à une guerre civile : Massu envoie les chars et l’armée nettoyer Paris. Dans la tourmente, l’un des braqueurs est laissé pour mort avant de réapparaitre cinq ans plus tard et de réclamer sa part du gâteau à ces anciens collègues. Oui mais voilà, ceux-ci gravitent désormais au plus haut de l’Etat et ne sont pas particulièrement ravis de le revoir… Savoureuse « re »lecture de la scène politique française post-68, ce Jour J est, à mes yeux, le meilleur du lot : Graphismes sublimes et sublimés par Mr Fab, polar bourré de références à peine voilées sur les mœurs de nos princes, et réflexion lucide et désabusée sur le pouvoir et ce qu’on est prêt à faire pour l’obtenir ou le garder. Une œuvre forte, cynique, aboutie et menée à 100 à l’heure.

    Bernard Campeis (Actusf, juin 2011)

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