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  • Face au bloc anglo-saxon, n’est-il pas temps pour la France de changer de politique étrangère ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Chauvancy cueilli sur le site Theatrum Belli et consacré à ce que révèle la crise des sous-marins australiens. Ancien officier général de l'Armée de Terre, François Chjauvancy est un spécialiste des questions stratégiques et a enseigné dans plusieurs universités.

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    Face au bloc anglo-saxon, n’est-il pas temps pour la France de changer de politique étrangère ?

    Le 4 juillet 1999, au grand déplaisir des militaires britanniques présents à Tirana (Albanie), les militaires français dont je faisais partie comme adjoint à la cellule « communication » de l’AFOR, une opération humanitaire de l’OTAN sous commandement britannique (moins d’une centaine de personnels sur 8 000 militaires) trinquaient chaleureusement avec les représentants des États-Unis à leur ambassade pour célébrer leur fête nationale. Très clairement, les relations particulières et historiques entre la France et les États-Unis s’exprimaient dans cette célébration de la défaite du Royaume-Uni lors de la guerre d’indépendance. Le ferions-nous aujourd’hui ?

    En effet, la trahison, car la dénonciation du contrat sur les sous-marins vendus par la France n’est pas qu’un « simple coup de poignard dans le dos », de l’Australie, sinon des États-Unis et du Royaume-Uni, constitue l’affirmation d’un nouvel acteur international, le « bloc anglo-saxon ». En perte de puissance, cet ensemble civilisationnel reconstitue sa cohérence. Il vise à réorganiser les relations internationales en établissant pour son seul profit un nouveau rapport de forces au niveau mondial, certes pour répondre à la menace chinoise mais aussi pour retrouver une puissance sinon une hégémonie que le Royaume-Uni hier, les États-Unis aujourd’hui ont perdue.

    Après avoir manœuvré pour demeurer le leader de l’Occident, le monde anglo-saxon s’érige désormais comme un acteur indépendant qui conduit la France à redéfinir une politique étrangère plus pragmatique et moins confiante dans ses alliés.

    Une stratégie des Anglo-saxons visant à garder le leadership des relations internationales

    Depuis 1945, succédant au Royaume-Uni, les États-Unis ont conduit les relations internationales de l’Occident. Ils ont entraîné derrière eux notamment les démocraties européennes au modèle politique similaire. Pourtant les Anglo-saxons ont multiplié les entorses à la souveraineté de leurs alliés. Aujourd’hui, face à la remise en cause de l’hégémonie américaine, le monde anglo-saxon fédère ses intérêts stratégiques pour affirmer son unité dans le jeu des relations internationales au prix d’une trahison qui redonne en particulier au Royaume-Uni un rôle à la hauteur de ses ambitions et au détriment de la France.

    Les entorses au respect dû à leurs alliés ou leurs partenaires ont été nombreuses.

    Elles ont bénéficié d’une grande complaisance notamment de la part des européens en termes de rétorsion, situation qui exprime bien la faiblesse ou la soumission des États de l’Union européenne. Ainsi, les relations transatlantiques ont été l’objet de nombreuses tensions avec les États-Unis comme les lois d’extraterritorialité ou les normes ITAR qui soumettent au veto de Washington toute exportation de matériel d’armement contenant un composant américain. L’exportation du Rafale a été retardée pendant trois ans jusqu’à ce que l’unique pièce américaine soit remplacée. L’espionnage a aussi été de rigueur. E. Snowden a dénoncé en 2013 l’ampleur des renseignements collectés par les services secrets américains et britanniques : programme PRISM de collecte des informations en ligne, espionnage des câbles sous-marins de télécommunications intercontinentales, du Conseil européen à Bruxelles, de l’ONU. Les dirigeants européens y compris la chancelière Merkel ont été écoutés par la NSA. Les multiples critiques de l’ancien président américain Donald Trump à l’encontre de l’Europe pendant quatre ans ont aussi accru les tensions entre les États-Unis et leurs alliés européens.

    De fait, les principales puissances de l’ancien empire britannique ont recréé une unité de vue stratégique.

    Jusqu’à aujourd’hui, le monde anglo-saxon a soutenu un occident conforme à sa vision du monde et à ses ambitions. Désormais, dans une approche civilisationnelle, une unité de vue stratégique s’affirme sans complexe au détriment même de ses alliés les plus fidèles. Outre le fait que cet objectif a été favorisé par une culture et une langue communes, celle-ci étant d’ailleurs imposée à leurs alliés dans l’OTAN et donc les opérations, l’Union européenne ou à l’ONU, elle a été renforcée notamment par cette organisation du renseignement anglo-saxon depuis plus de soixante-dix ans au sein des « five-eyes only » qui réunit États-Unis, Australie, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande et Canada. Cette convergence des intérêts s’exprime désormais avec ce pacte de l’AUKUS qui, certes, vise d’abord à faire face aux ambitions régionales de Pékin mais prévoit aussi une collaboration en matière de cyberdéfense, d’intelligence artificielle et de technologies quantiques.

    Enfin, le pacte AUKUS et l’affaire des sous-marins vendus par la France à l’Australie ont concrétisé la fondation d’un acteur international aux valeurs et aux intérêts partagés.

    Les États-Unis reconstituent un front uni sous leur autorité malmenée depuis plusieurs années. L’Australie se repositionne sous la protection américaine. Le Royaume-Uni, un passager clandestin, peut revendiquer une puissance retrouvée par ce succès diplomatique. Dans son histoire, la culture « anglaise » qui irrigue ces États a rarement eu l’ambition de coopérer dans la défense d’intérêts communs qui ne soient pas dans leur approche civilisationnelle. Le rôle des États-Unis est connu. L’Australie est fortement liée au Royaume-Uni et aux États-Unis rejetant aujourd’hui la stratégie franco-australienne lancée en 2012 qui devait lui donner une certaine liberté d’action dans la zone indo-pacifique. Cependant, le rôle du Royaume-Uni doit être mis en exergue et la France ne doit pas oublier la stratégie immuable de la « perfide Albion ». Les entraves britanniques pour affaiblir l’Union européenne, y compris dans le domaine de la défense, ont été systématiques. Elles ont été poursuivies après le Brexit pour modifier des conditions pourtant acceptées, certes encouragées par la complaisance de l’Union européenne toujours à la recherche de compromis bien souvent à son détriment. Dans le domaine de l’armement, peut-on oublier le fiasco de la construction en commun de porte-avions (Cf. La Tribune du 10 février 2014) entre la France et le Royaume-Uni, affaire qui rappelle bien étrangement ce qui vient de se passer avec l’Australie, symbolisant cette naïveté bien française de faire confiance au monde anglo-saxon ? Le choix britannique du F-35B américain confirmera la préférence indéfectible donnée à ce lien avec les États-Unis. Enfin, peut-on se fier aux affirmations du Premier ministre britannique le 19 septembre sur son « indéfectible amitié pour la France », chacun sachant que ses propos sont rarement fiables ? Enfin, la préméditation du pacte AUKUS et la duplicité de l’Australie ont été confirmées. Dès mars 2020, le Premier ministre australien organisait la trahison (Cf. Le Figaro du 21 septembre 2021).

    En bref, le monde anglo-saxon a l’objectif stratégique aujourd’hui de retrouver collectivement une puissance perdue face aux nouvelles puissances, sans doute pour ne pas dépendre de décisions multilatérales par exemple des Européens dont l’efficacité est souvent mise en échec. Cette situation apparue brutalement impose une analyse de ses conséquences.

    L’unité du monde occidental fracturée par cette stratégie anglo-saxonne

    La nouvelle stratégie au premier abord concentrée sur la zone indo-pacifique n’est que le long aboutissement d’une dégradation de l’unité de l’Occident que ce soit dans les domaines économiques, militaires, juridiques. Cette dégradation est désormais actée avec la signature du pacte stratégique de l’AUKUS. Celui-ci consacre la distanciation entre le monde anglo-saxon et le monde occidental « européo-centré » qui paie lourdement ses faiblesses géopolitiques. Pour sa part, la France se trouve mise en échec dans son ambition d’être un acteur majeur de la sécurité internationale notamment dans la zone indo-pacifique.

    La création de l’AUKUS crée une fracture dans le monde occidental en faisant évanouir l’illusion de la défense d’intérêts communs au sein de la zone indo-pacifique.

    Toutes les démocraties occidentales ont pourtant senti le danger de la montée en puissance de la Chine dans cette région. Cette convergence aurait dû conduire à une forte coopération. Au contraire, le bloc anglo-saxon a créé une fracture stratégique. En 2011, Obama avait lancé l’axe indo-pacifique qui a été prolongé par une stratégie développée par D. Trump en 2018. Le Quad ou dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Cf. The Quad in the Indo-Pacific : What to Know), sans être une alliance, a été mis en place et comprend les États-Unis, l’Australie, l’Inde et le Japon. Il vise à s’opposer à l’expansionnisme chinois. La France refuse cependant de s’y associer mais publie sa propre vision stratégique (Cf. Ministère des armées, « La France et la sécurité en Indo-pacifique », 2019).

    En mars 2020, Downing Street avait publié pour sa part la « revue intégrée de défense, de sécurité et de politique étrangère » qui dressait les priorités du Royaume-Uni pour les dix prochaines années. L’importance géopolitique désormais centrale de la zone indo-pacifique, et sur les conséquences à en tirer était soulignée, et le pays devait y renforcer considérablement sa présence. Faisant suite au pacte AUKUS, le Premier ministre rappelle donc  la « nouvelle manifestation de l’engagement britannique de long terme dans la zone indo-pacifique et de sa volonté d’aider un de ses plus anciens alliés à préserver la stabilité régionale. »

    Pour sa part, le Premier ministre australien a justifié sa décision pour ce nouveau pacte et pour la dénonciation du marché d’armement en raison d’une part d’un intérêt limité de la France pour les enjeux stratégiques de la région, d’autre part de besoins militaires n’étant plus les mêmes. Il s’appuie par ailleurs sur des problèmes techniques et des retards de mise en oeuvre du marché. Cela ressemble pourtant bien à une campagne de désinformation préparant ce coup de Trafalgar si l’on se réfère au calendrier politique de l’opération qui se dévoile peu à peu. Le jour même de la déclaration de l’annulation du contrat le 15 septembre, un courrier de satisfaction australien était reçu par Naval Group selon le porte-parole du ministère des armées français.

    L’Union européenne est pour sa part peu impliquée collectivement dans l’Indo-pacifique.

    Comment s’étonner que d’Obama à Biden en passant Trump, les États-Unis n’ont cessé de montrer leur désintérêt pour un acteur international aussi peu crédible en termes de sécurité ? L’Union européenne n’est pas réellement affaiblie dans cette crise car elle n’existe pas dans la zone indo-pacifique. Elle n’a pas été informée de la signature du pacte de sécurité AUKUS et ses membres ont été particulièrement silencieux face à l’affront fait à la France. Seule Ursula von der Leyen a exprimé clairement un mécontentement européen. Pourtant, le manque de fiabilité de l’allié américain devrait faire réagir l’Union européenne. L’abandon brutal de l’Afghanistan par les États-Unis suite aux accords de février 2020 à Doha signés uniquement entre Talibans et Américains, sans consultation de leurs alliés, qu’ils fassent partie de l’OTAN et/ou de l’Union européenne, a été le dernier signal d’alerte après bien d’autres. Les capacités militaires restreintes britanniques sont désormais focalisées sur l’Indo-pacifique et devraient peu participer à une défense de l’Europe. Reste le débat renouvelé sur une force de réaction rapide européenne (Cf. Mon interview sur RT du 3 septembre 2021) pour assurer une défense militaire crédible y compris dans l’espace hors-européen. L’interview de Josep Borrel publiée le 14 septembre (Cf. Le Monde, « Une Europe de la défense plus forte est dans l’intérêt de l’OTAN ») prend ainsi une autre dimension avec l’annonce du pacte AUKUS ce 15 septembre.

    Puissance moyenne mais non négligeable, la France doit modérer son anglophilie.

    La diplomatie française a-t-elle subi un échec dans la vente des douze sous-marins ? Certes, la déconvenue est forte mais que peut-on faire contre la trahison d’alliés de longue date ? Surtout, comment comprendre que les diplomates n’aient rien vu venir ? De même, la DGSE n’a-t-elle pas cette mission de renseignement y compris envers les alliés ? Certes on n’espionne pas les alliés mais la DGSE est-elle si naïve ? Nous pouvons en douter d’autant qu’elle est aux ordres du pouvoir politique … (Cf. Le Monde du 26 juin 2015)

    Sans doute que la diplomatie, à force d’être « diplomate » s’illusionnait sur le fair-play anglo-saxon, valorisant les dirigeants démocrates américains par opposition aux Républicains. Ainsi, s’opposer à Bush et à Trump et porter au pinacle B. Obama puis J. Biden était sans doute enthousiasmant mais c’est bien Obama qui, en 2013, a rendu l’action militaire française impossible contre Bachar Al Assad et J. Biden qui, sans consulter ses alliés, a quitté l’Afghanistan laissant aussi bien l’OTAN que ses alliés face à la débâcle du retrait.

    Il en est de même pour les relations entre la France et le Royaume-Uni. Il est en effet temps pour une partie de l’élite française de modérer son anglophilie et donc son aveuglement. Il est vrai que lorsque la France peut commémorer Trafalgar, une défaite navale française et non une victoire comme Austerlitz, tout est dit. Or, ces relations bilatérales ont toujours été empreintes d’hypocrisie et notre histoire commune le prouve. Que ce soit l’économie ou les contrats d’armements, « Britain first » a toujours été la règle pour le Royaume-Uni. Peut-on dans ce cas faire confiance aux Britanniques pour un engagement commun pour ce grand projet de corps expéditionnaire franco-britannique lancé en 2010 et dans lequel les forces armées françaises sont très engagées ?

    La réalité de cette nouvelle fracture occidentale est désormais une faiblesse grave. L’AUKUS et le contrat dénoncé des sous-marins français remettent ou devraient remettre en cause notre stratégie.

    La nécessité de reconstruire une politique étrangère conforme à nos intérêts

    Félicitons-nous du geste symbolique du rappel pour consultation de nos ambassadeurs en Australie et aux États-Unis. Certes, dans nos calculs diplomatiques, toujours dans le ménagement de nos alliés même déloyaux, l’ambassadeur de France au Royaume-Uni a été « oublié ». Témoignage encore de notre aveuglement sinon d’une anglophilie illusoire et persistante. Un nouveau rapport de force s’est installé avec ce bloc anglo-saxon dont il faut extraire des conclusions pour notre politique étrangère et la défense aussi de notre souveraineté dans le Pacifique. La France doit retrouver sa place de puissance, notamment à travers les organisations que ce soit l’OTAN ou l’Union européenne. Elle doit enfin renforcer sa puissance militaire dans la zone indo-pacifique.

    Renforcer la singularité française

    Le bloc anglo-saxon prétend défendre la paix et la sécurité face à la Chine sans finalement rendre de compte. L’AUKUS montre à l’évidence que la France notamment n’est pas un allié suffisamment fiable pour l’associer à cette stratégie. Affichons donc désormais nettement que nous ne nous impliquerons pas dans une quelconque action internationale engagée par ce bloc en cette zone indo-pacifique (Cf. Mon interview du 16 septembre 2021 sur RT). Une diplomatie active vers d’autres d’acteurs régionaux doit être entreprise sans nier le fait qu’elle sera entravée par le bloc anglo-saxon. La France a des relations privilégiées avec l’Inde. Poursuivons avec d’autres Etats asiatiques.

    Cela ne signifie pas que la menace chinoise soit ignorée. Elle existe mais proposer une voie moins anglo-saxonne mais déterminée qui s’appuie sur une force militaire crédible, notamment navale sans doute à accroître, peut inciter des États à rejoindre une alliance spécifique ou à améliorer des partenariats sous la forme de relations bilatérales. La duplicité du bloc anglo-saxon est suffisamment visible et persistante pour inciter des États à se tourner vers un État plus fiable d’autant qu’il peut mobiliser une entité économique et politique, pourquoi pas militaire comme l’Union européenne. Ce que le bloc anglo-saxon a accompli aujourd’hui se reproduira demain, ne nous faisons aucune illusion.

    Reconfigurer les alliances et engager l’Union européenne dans la zone indo-pacifique

    Afin d’avoir une influence sur les relations internationales, il est donc temps pour la France de redevenir cet allié exigeant tel que le général de Gaulle l’était dans cette logique de la troisième voie. Elle peut agir notamment au sein du conseil de sécurité des Nations unies. Les cinq membres permanents constituent désormais trois entités : un bloc des États autoritaires (Chine et Russie), un bloc anglo-saxon (Etats-Unis et Royaume-Uni) et la France qui peut aussi bien défendre les intérêts français que les intérêts de l’Union européenne.

    Concernant la défense de l’Europe, le président Macron avait évoqué la mort cérébrale de l’OTAN. Il s’agit aujourd’hui de prendre nos responsabilités dans l’OTAN et de diminuer l’emprise anglo-saxonne. Instrumentalisant des alliés peu méfiants et tellement heureux du retour des Etats-Unis à des relations apaisées, la décision d’inscrire la Chine comme une menace dans le communiqué final du sommet de l’OTAN du 14 juin 2021 à Bruxelles (Cf. Le Monde du 16 juin 2021) peut aujourd’hui être interprétée comme l’anticipation du pacte AUKUS du 15 septembre. Or, la Chine ne devient une menace pour l’OTAN que lorsqu’elle se déploie ou agit dans la zone géographique définie par le traité de l’Atlantique Nord (articles 6 et 14). Ainsi, si elle en a la volonté, seule l’Union européenne est légitime en termes de sécurité pour agir hors de cette zone. Ce n’est en revanche pas une mission de l’OTAN et la France doit s’y opposer.

    Enfin la France est-elle capable de provoquer cette distanciation avec les Anglo-saxons et d’entraîner derrière elle des Etats européens, y compris dans la zone indo-pacifique ? Nos intérêts économiques sont convergents notamment dans le domaine maritime et la protection de nos voies de communication. L’Union européenne peut à ce titre avoir un rôle sécuritaire. La création d’une réelle force navale dans le cadre de la coopération renforcée, donc avec les États qui veulent bien s’engager, serait un projet marquant et significatif. Elle pourrait s’appuyer du point de vue logistique notamment sur les territoires français du Pacifique.

    Renforcer nos moyens militaires dans l’Indo-Pacifique

    En effet, la France doit réorganiser sa sécurité dans cette zone : diplomatie, moyens navals, terrestres, aériens et sans aucun doute renseignement et guerre de l’information. En son temps, l’Australie a bien tenté de déstabiliser la Nouvelle-Calédonie dont l’avenir sera clarifié le 12 décembre 2021. N’étant plus intégrée dans la stratégie anglo-saxonne de containment, donc en première ligne, la France est désormais en seconde ligne dans l’objectif de défendre ses intérêts de souveraineté et en limitant à ce seul objectif ses engagements notamment militaires par exemple dans le cas d’exercices militaires communs.

    La France a identifié mais d’une manière dogmatique les défis sécuritaires en Indo-pacifique qui ne pouvaient être surmontés que par la voie de la coopération, avec une vision pacifique pour bénéficier de la prospérité économique de la région. Cette approche s’appuyait bien entendu sur un autre dogme, celui du multilatéralisme qui ne doit pas faire oublier ce que la France représente. Elle possède la deuxième zone économique exclusive au monde (11 millions de km²) après celle des États-Unis, pour l’essentiel située dans le Pacifique (67 %) et dans l’océan Indien (26 %), contrôle 465 422 km² (avec la Terre Adélie) en océan Indien et dans le Pacifique. 200 000 expatriés sont présents dans les États de l’Indo-Pacifique. En 2017, 33,7 % de ses exportations hors Union européenne étaient destinées à cette région et 41% de ses importations en provenaient.

    Comme l’évoquait le document « La France et la sécurité en Indo-pacifique » (2019), l’établissement d’une relation de confiance entre la France et ses partenaires constituait « un préalable nécessaire aux contrats d’armement qui engagent les parties sur une longue durée et impliquent pour l’importateur un investissement budgétaire, technique et humain souvent élevé. L’objectif recherché est de créer un lien étroit, destiné à s’inscrire dans la durée afin de créer des conditions favorables à la conclusion d’accords commerciaux structurants pour la relation bilatérale ». L’échec est donc flagrant et elle ne peut plus compter sur des alliés peu fiables qui n’hésiteront pas à faire disparaître la France de cette zone d’avenir s’ils en ont l’opportunité.

     

    Pour conclure, agir comme une puissance

    La trahison des Anglo-saxons a déchiré le voile de l’illusion qui satisfaisait nombre d’Etats. En paraphrasant ce qu’exprimait jadis un homme politique, « Quand on a des alliés comme cela, on n’a pas besoin d’ennemi ». Il faudra sans aucun doute une longue période avant que la confiance ne revienne. Dans l’immédiat, il est temps de comprendre que nous avons des ennemis, des adversaires, des compétiteurs. Il est temps de changer de paradigme et de modèle géopolitique pour faire face aux nouvelles menaces dans notre environnement.

    La France doit revoir ses alliances et avoir plus le souci de ses intérêts nationaux que des intérêts internationaux pour lesquels elle se sent concernée par solidarité comme elle l’a fait pour l’Afghanistan. Ses moyens sont limités mais loin d’être négligeables. Si elle a la volonté et la capacité de persuasion d’entraîner dans une stratégie constructive ses partenaires européens, sinon même asiatiques, elle peut constituer un bloc qui peut modérer les ambitions de puissance aussi bien du bloc anglo-saxon que de la Chine tout en préservant ses intérêts et ceux de l’Union européenne.

    François Chauvancy (Theatrum Belli, 22 septembre 2021)

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