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  • La grande peur des clercs bien-pensants...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Idiocratie consacré à une tribune de juristes bien-pensants appelants à faire barrage au RN, comme il se doit...

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    La grande peur des clercs bien-pensants

    Visiblement indignés, rebutés, effrayés certainement, enhardis parfois, par la perspective d’une victoire électorale du Rassemblement National aux législatives du 30 juin 2024, plusieurs centaines d’« enseignants-chercheurs en droit » ont commis ces jours-ci une magnifique tribune, véritable condensé de politiquement correct, chef-d’œuvre de démonstration de bonne volonté qui vaudrait – nous l’espérons – un zéro pointé à tout dissertant en sciences politiques, en théorie de l’État ou même en philosophie du droit – tribune reproduite en fin d’article.

    C’est qu’on en frétille, on s’en gargarise avec un air grave de circonstances, de pouvoir draper son activisme de technicien de l’ordre juridique dans de belles considérations morales. On rajuste ses bésicles, on prend son air mi-sévère, mi-débonnaire de demi-sachant, et on lève l’index pour commenter doctement les commentaires du commentaire de l’agitation d’épouvantails politiciens.

    Cela nous change un peu d’aller trifouiller de la loi, du décret, des circulaires, de la norme, des recommandations, des rapports, de la décision, du jugement à n’en plus finir. On vibre, le pouls s’accélère, la poitrine se gonfle, il est temps de monter sur l’estrade, de revêtir l’habit d’officier de l’avant-garde éclairée.

    L’ennemi est désigné. Il ne devrait pas y avoir d’ennemi, comprenez, mais enfin l’ennemi est là tout de même, et c’est – coïncidence – précisément celui qui veut qu’il y en ait, des ennemis. Schmitt ressurgit (il y a toujours un autre qui est ennemi), l’essentiel est de lui donner raison tout en fondant ses prises de positions sur la prétention inverse. 

    Nous n’avons guère de sympathie pour le techno-populisme turbo-souverainiste sauce « french dream » du RN. Un intérêt d’ethnologue amateur et amusé, à la rigueur, et une forme de solidarité humaniste (oui, oui !) avec ceux qui croient encore pouvoir faire changer quelque chose, et qui nous sont rendus d’autant plus touchant que leur élan les distingue irrémédiablement de toute l’autorité et la fatuité recuites de ceux qui récitent un catéchisme devenu gnose mortifère.

    C’est que tout y passe dans cette tribune, ou presque, une bonne page (souvent la même, d’ailleurs) du catalogue des « libertés publiques », dont la remise en cause serait immédiatement corrélées (on n’ose dire « attribuées », tant la démonstration scientifique brille par son absence) à des faits arbitrairement relatés et généralisés.

    Mais tout de même, osons demander : la démocratie ne serait-elle donc pas la démocratie ? Ne peut-on plus, a minima, interroger la légitimité de la prophétie auto-réalisatrice de l’État de droit, de ses normes, de ses institutions ? De l’adéquation de leurs formes et de leurs contenus actuels aux aspirations majoritairement et récemment exprimées par l’universalité des citoyens français ? La « démocratie continue » est-elle à ce point sclérosée ?

    De quoi ont-ils peur, tous ces fieffés clercs de l’État de droit ? Que le Parlement, bicaméral, corseté par le parlementarisme rationalisé et la Constitution normative, se remette à effectuer un ou deux choix politiques ? Nos représentants élus ne sont-ils pas précisément là pour en débattre ?

    Faut-il donc qu’ils soient demeurés et inaptes, ces citoyens et électeurs pour qu’on ait tant besoin de leur tenir la main, de leur rappeler qu’en dehors d’un libéralisme hémiplégique du dernier homme, il n’y a rien qui vaille. Faut-il considérer que le gouvernement représentatif est devenu sans objet ? Sans sujet, sans contenu même ?

    Conjuguant à merveille le statisme à l’étatisme, ces apôtres du meilleur des présents nous expliquent donc (nous « décodons ») :

    - que la représentation nationale est devenue sans objet (« vouloir pour la nation »), puisque que sa réalisation est devenue inéluctable, automatique : l’État de droit est là, et il ne pourra que progresser vers sa propre perfection, vers un stade total, à savoir toujours plus de droits « à », pour toujours plus d’ayants-droits ;

    - que la représentation nationale est devenu sans sujet, puisque la force morale des préceptes constitutifs de cette doxa de l’État de droit et des libertés publiques fait des électeurs des êtres cybernétiques, dont la conscience comme la responsabilité (laquelle ? devant qui ?) ne peuvent conduire qu’à un certain nombre de choix, préprogrammés ;

    - que la représentation nationale, enfin, est désormais sans contenu propre, puisqu’elle ne peut qu’entériner le droit, les droits, le choix de société, dictés par les « valeurs » auxquelles il est fait référence, et qui les rendraient donc digne d’estime. Seule compte qu’elle fasse œuvre de « justice », qu’elle répète, toujours mieux, toujours plus et dans tous les domaines, les principes de l’État de droit, et surtout ceux que les enseignants-chercheurs en droit (sont-ils donc, ex officio, des représentants voire des constituants ?) estiment être les plus importants.

    Comprenne qui pourra : le droit, les droits, sont « des choix de société », des valeurs qui pourraient ne plus en être (si elles n’étaient plus « choisies » par la « société » ?) mais qui ne peuvent que le demeurer, au nom du fait qu’elles … existent ? Sont sanctionnées en droit ?

    En réalité, il y là un cas topique d’étalage sans vergogne d’épistocratie spéculaire (écrire « démocratie » n’aurait à ce stade plus aucun sens) : l’argumentation est insaisissable, le propos se dérobe, seul le miroir reste, et le reflet fugace de normativisme qu’il paraît nous renvoyer. La « société » désirée n’est pas présente, elle est montrée – instituée – mais de façon cléricale : elle n’accède à l’existence en tant que collectivité politique, ce qui est toujours une opération abstraite en soi, que grâce à l’enseignement de ses « représentants » de fait, qui lui donnent à voir ce qu’elle est et sera, ce qu’elle doit être et rester, et ce qu’elle ne peut pas être. Qu’on ne s’y trompe pas : l’existence même de leur cléricat est légitimée par la figure active (j’ergote donc je suis) de la « société » qu’ils produisent (l’État de droit, « le tas de droit »), et non pas par son mode de fonctionnement politique intrinsèque (le parlementarisme) ou l’origine de celui-ci (le gouvernement représentatif).

    Mais quel courage, quelle prise de risque ! Les revoilà les traîtres de clercs, qui s’érigent cette fois-ci, comme toutes les autres, en parangons de la « démocratie » cordicole. C’est qu’ils l’ont, eux, le monopole du cœur : comprenez, ils sont titulaires, fieffés pour ainsi dire. Une ligne après le patronyme suffit à témoigner de leur belle et bonne volonté, de leur expérience viscérale de l’inéluctabilité, pour ainsi dire historique et anthropologique, de la perpétuation des valeurs présentées (ne sont-il pas, pourtant, que juristes ?). Le Léviathan, la Gorgone, tournent tout seuls, mais remettons un peu d’huile, sait-on jamais ?

    Auraient-ils oublié que la « démocratie », même libérale, même présidentialisée, et même à l’âge de la donnée, des cabinets de conseil, et du numérique ubiquitaire, c’est avant tout l’organisation procédurale de l’incertitude, l’admission du faillibilisme du politique ? Adoptée au terme d’une confrontation organisée de points de vue, d’une démarche dialectique – donc rationnelle – de production du droit, la loi, produit d’une délibération qui est l’expression « de la diversité et de l'incertitude de nos opinions » se fait « le registre toujours plus fidèle de nos doutes » (P. Manent).

    Sont-ils à ce point gonflés d’orgueil pour oublier qu’une fois leur fonction professorale épuisée (enseigner les origines, le fonctionnement, les accomplissements, de notre système politique, idéalement avec une forme d’autonomie de la pensée savante), les apprenants en ayant bénéficié ne sont plus tenus de les écouter qu’en tant que simples citoyens comme les autres, voire plus tenus de les écouter du tout ?

    Des Idiots (Idiocratie, 1er juillet 2024)

     

     

     

    Tribune des enseignants-chercheurs en droit, 27 juin 2024

    Nous, enseignants-chercheurs en droit, attachés à l’État de droit et aux libertés publiques, sommes inquiets.

    Qu’enseignerons-nous à nos étudiants demain ?

    Que la devise de la France est « Liberté, Égalité, Fraternité » ? Ou que la fraternité s’arrête aux portes de l’hôpital où l’étranger doit présenter ses papiers avant d’être soigné ?

    Que la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ? Ou que l’on peut être plus ou moins Français, à l’instar des binationaux exclus de certains emplois publics ?

    Qu’il existe une liberté d’expression et d’information en France ? Ou qu’une telle liberté existait autrefois, jusqu’à ce que le pluralisme disparaisse emporté par la privatisation des médias publics ?

    Que la justice est indépendante et garante des libertés ? Ou qu’elle n’est qu’un automate qui applique des peines planchers et présume que la violence des forces de l’ordre est en toute occasion légitime ?

    État de droit, égalité, libertés publiques, justice : toutes ces valeurs sont attaquées par le programme du Rassemblement national qui prône la fin de l’aide médicale d’Etat, la préférence nationale et l’hégémonie du droit du sang, la vente de l’audiovisuel public, les peines planchers et la présomption de légitime défense des forces de l’ordre.

    Deux modèles de société s’opposent, deux visions du droit et des droits. Nous sommes inquiets, mais ce qui sera enseigné demain dans nos amphithéâtres et nos salles de cours, c’est ce que les électeurs auront décidé le 30 juin et le 7 juillet prochain. Le choix appartient à chacune et chacun de ceux qui sont appelés à voter.

    Prenons toutes et tous la mesure des conséquences de notre vote.

    Nous, enseignants-chercheurs en droit, demandons aux citoyens de se rendre massivement aux urnes et de voter en conscience et en responsabilité.

    Source

    https://docs.google.com/documentd/1POAAgzBlDd_YmJnZVRvnK7nrleunq2Ie2cSg25YTAco/edit

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  • Les snipers de la semaine... (244)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Idiocratie, des Idiots dézinguent le sinistre Darmanin à propos de l'assassinat de la jeune Lola...

    Idiocratie, phase terminale !

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    - sur Hashtable, H16 rafale les politiciens bobos qui se préparent à exclure un peu plus les Français modestes des centres villes...

    ZFE : des sanctions automatiques et un objectif crapuleux

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  • Idiocratie, la revue !...

    Nous vous signalons la parution des deux premiers numéros de la revue Idiocratie, liée au site du même nom. Très bien réalisés, superbement illustrés, ces deux numéros de plus de 80 pages ont un contenu particulièrement riche. On peut se les procurer en ligne à partir du site Idiocratie ou dans quelques librairies parisiennes, dont la Nouvelle Librairie, ainsi que chez un bouquiniste rennais.

     

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    Au sommaire du numéro 0 :

    Antimanifeste des idiots, par Les idiots

    Dossier : Critiques de la modernité

    Fiume à l'avant-garde de l'histoire, par Laurent Gayard

    Politique(s) des Modernes, par David Bisson

    Entretien avec Mathieu-Bock-Côté

    Dossier : Les perdants radicaux

    Merah-Breivik, les perdants radicaux, par Laurent Cantamessi

    Islamisme 2.0, la fantômisation du monde, par Alexis Michequine

    Contre-cultures

    Les  perdants magnifiques

    Cinéma

    Musique

    Fiction

    Varia

    Poésies

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    Au sommaire du numéro -1

    Memento mori

    L'empire du management

    Le management de soi, une religion du bien-être pour le XXIe siècle, par David Bisson

    Entretien avec Baptiste Rappin

    Management des radicalités, par Laurent Gayard

    Théodore Kaczynski : unabomber, par Robert Sabotage

    Management du terrorisme, par Jean de Juganville

    Managers, par Emile Boutefeu

    L'unique et sa destinée

    Stirner & Nietzsche. L'Unique en son royaume, par Laurent Gayard

    Anarchie et esprit : la vie en commun, par Alexis Michequine

    Entretien avec Edouard Jourdain

    Entretien avec Luc-Olivier d'Algange

    Contre-cultures

    Les perdants magnifiques

    Notoirement méconnus

    Saines lectures

    Audio Prestige

    Fictions

    Poésies

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  • Tour d'horizon... (75)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son blog, François-Bernard Huyghe revient sur l'incapacité des Occidentaux à désigner clairement l'ennemi qu'ils ont choisi de combattre...

    Etat islamique : nommer l'ennemi

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    - sur Idiocratie, les idiots analysent finement l'affaire du "plug" géant installé sur la place Vendôme...

    Buttplug banal

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  • L'engagement paillettes...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue , cueilli sur le site Idiocratie et consacré à l'argumentation de l'"aristocratie" progressiste dans le débat autour du mariage homosexuel...

     

    trierweiler mariage homosexuel.jpg

    L'engagement paillettes


    Dimanche 27 janvier, au théâtre du Rond-Point, on défendait le mariage pour tous mais les petits fours n’étaient pas pour tout le monde. Il n’y avait pas assez de place pour accueillir le public arguait-on du côté de l’organisation. Il ne s’agissait pas en effet d’ouvrir grand les portes au tout venant. L’égalité a ses limites. Où donc aurait-on mis Laurence Ferrari, Lara Fabia, Manuel Valls et Valérie Trierweiler ? Chacun à sa place, la fine fleur de l’aristocratie progressiste ne fraie pas avec la piétaille.

    La soirée de Bergé a simplement achevé de démontrer que la lutte en faveur du « mariage pour tous » est surtout menée au profit de quelques-uns. Réduisons ce noble combat à ce qu’il est : un divertissement sociétal et télégénique mené par une petite intelligentsia tyrannique qui cherche à s’inventer des raisons de croire qu’elle est encore de gauche, qu’elle est progressiste, qu’elle est égalitaire. De croire ? De convaincre au mieux ceux qui seraient encore assez naïfs pour penser que tous ceux qui étaient là dimanche en ont encore quelque chose à foutre de l’égalité qu’ils ont constamment à la bouche. Ce n’est pas pour rien que tous ceux-là se pressaient à la mangeoire d’un homme capable de déclarer : « Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l'usine, quelle différence? »[1] Nous sommes aujourd’hui dans une situation de confusion idéologique telle que ce genre de cynisme peut passer pour du progressisme. On devine cependant, que pour les stars présentes ce soir-là au théâtre du Rond-point, le fait de pouvoir être vu à la soirée Bergé faisait office de brevet de respectabilité en garantissant l’estampille « défenseur de la liberté et des droits ». Le geste de la chanteuse Shy’m la veille qui a décidé de faire du bouche à bouche à une de ses danseuses en plein show participe de la même logique : s’afficher comme tolérante et cool, soit fréquentable et banquable. Cela n’a rien à voir avec l’engagement, il s’agit d’une stratégie de communication, simpliste mais efficace.


    Jean-Laurent Cassely l’écrivait très justement dans Slate il y a quelques jours, une partie de l’intelligentsia de gauche est dans l’impasse aujourd’hui. Elle n’a plus d’engagement social, elle a abandonné toute préoccupation idéologique et peine à faire croire à sa radicalité militante. Il lui faut donc se fabriquer un ennemi et composer pour cela « l’illusion d’une société réactionnaire et punitive » en faisant croire que « l'idéologie naturelle de la société du spectacle serait le "néoconservatisme", soit un mélange d'austérité religieuse, de contrôle éducatif impitoyable, et de renforcement incessant des institutions patriarcales, racistes et militaires.»[2] Tous les moyens sont bons dès lors pour s’afficher dans le camp du bien en brandissant les arguments les plus insolites et en usant des raccourcis les plus incroyables, ce qui autorise le député PS Christian Assaf à proclamer en pleine assemblée que « le temps du triangle rose est terminé ! » ou encore l’excellent Jean-Michel Ribes à conclure que « le papa et la maman, ça a donné Hitler ». Etait-il sérieux en sortant une telle énormité? Si c'est le cas, Roland Topor doit sûrement se retourner dans sa tombe…

    Dès lors, peu importent les arguments eux-mêmes avancés par ceux qui se déclarent opposés au mariage pour tous et à ses inévitables corollaires, adoption et extension de la PMA voire de la GPA, aucune des raisons invoquées pour justifier cette opposition ne compte puisque semblable opinion est tout simplement injustifiable aux yeux des défenseurs d’une certaine respectabilité intellectuelle. On peut en juger par exemple en considérant la passe d’arme qui a opposé dans le journal Le Monde la sociologue Nathalie Heinich et son confrère Alain Quemin. Dans une tribune publiée le 29 janvier, Nathalie Heinich croit bon de revenir sur quelques sophismes trop souvent utilisés par les partisans du mariage gay et notamment le fait de réduire le mariage à la simple reconnaissance d’un lien amoureux et à la reconnaissance institutionnelle d’une orientation sexuelle, ce qui revient à admettre que l’Etat ait un droit de regard sur la sexualité et l’intimité des personnes. « Faut-il accepter, au nom de l'égalité, que la sexualité entre adultes consentants devienne, pour tous - hétérosexuels comme homosexuels -, une affaire d'Etat ? C'est là une conséquence majeure de l'actuel projet de loi, qui mériterait d'être, pour le moins, discutée. »[3] Visiblement non pour Alain Quemin, partisan lui du mariage gay, qui réplique vertement à sa consœur le même jour[4] lui déniant toute légitimité à intervenir dans le débat et lui reprochant de ne pas user des références appropriées. On ne sera pas surpris d’apprendre que le dit Alain Quémin ne s’embarrasse pas quant à lui de références ou de légitimité tant ces deux arguments se voient systématiquement brandis face à quiconque a l’audace d’opposer aux partisans de l’égalité, de la fraternité et de la liberté un discours critique un tant soit peu cohérent et donc potentiellement menaçant. « Liberté, égalité, fraternité », c’est d’ailleurs la formule qui conclut l’acte d’accusation d’Alain Quemin, tout comme elle ponctue régulièrement l’argumentaire laborieux d’un Jean-Michel Ribes. La pauvre Nathalie Heinich se fatigue pour rien : même le dernier des illuminés peut la pulvériser en un tournemain en lui donnant du « Liberté, égalité, fraternité » et en l’accusant de ne pas avoir les références.


    La posture vertueuse permet donc de disqualifier toute tentative de mettre en avant les limites et les dangers recelés par certains aménagements législatifs et constitutionnels fondés sur l’amour du prochain, quel que soit son sexe. Ainsi, on peut penser que le débat autour de l’extension de la PMA ou de la légalisation de la GPA ne devrait pas trop durer, puisque selon les mêmes logiques, tous ceux qui mettront en avant les implications éthiques (le corps humains transformés en self-service), sociales (au vu des tarifs pratiqués on peut raisonnablement croire qu’il subsistera un léger différentiel social entre parents adoptifs et mère porteuse) voire eugéniques (le questionnaire visant à évaluer le capital génétique des donneurs de sperme ou des mères porteuses afin de garantir une satisfaction optimum de la clientèle est déjà une réalité dans les pays moins « en retard » que la France sur la question) de cette avancée se verront immédiatement et sévèrement recadrés en fonction du nouveau dogme de la Sainte Trinité de la Coolitude Morale, à savoir : tu n’es pas d’accord avec moi, tu es donc 1) homophobe, 2) raciste, 3) fasciste (cochez la case correspondant à la situation, voire cochez-les toutes). Le procédé est devenu traditionnel. On l’a vu à l’œuvre dans un autre contexte en 1992 lors de la campagne pour le oui à Maastricht, puis en faveur de la constitution européenne en 2005, autres grands moments du débat démocratique. Il est de bon ton aujourd’hui pour une partie des rebellocrates, comme disait le regretté Philippe Muray, de proclamer avec beaucoup de hauteur et de condescendance qu’il n’y a pas de débat sur les questions dont ils ont choisi la réponse. C’est une position qui était jusqu’à présent, et qui reste toujours dans une certaine mesure, très facile à défendre autour de combats – la défense du mariage pour tous, celle de l’adoption par les homosexuels, l’antiracisme, l’antifascisme…etc…etc…- consensuels et de thématiques généreuses qui sont au cœur de la coolitude, autrement dit d’un prêt-à-penser socialement acceptable qui est la clé de ce qu’on appelle aujourd’hui le « totalitarisme mou », c’est-à dire le flicage sympa mais ferme de chacun par chacun.


    Le danger de cette position dominante, sur le plan médiatique et social, de cette coolitude idéologique est qu’elle contribue à creuser de façon souterraine des clivages de plus en plus marqués et à former des antagonismes de plus en plus indépassables. Comment en effet ne pas mépriser la personne qui a le cynisme de prendre pour prétexte le respect des droits de la personne afin de réduire l’enfantement à un acte d’achat ? Comment à son tour ne pas considérer comme d'irrécupérables imbéciles ceux qui n'ont plus recours qu'à l'anathème et à l'insulte pour se justifier et n'hésitent pas ensuite à se présenter comme de perpétuelles "victimes de la haine"? De manière générale on peut simplement constater que la polémique autour du mariage homosexuel et la condamnation aussi agressive que systématique de tout ce qui ne ressemble pas à un consensus par les tenants du progressisme radical illustre non pas le divorce entre « la république et les catholiques » comme le fantasmaient quelques journaux mais également entre la gauche intellectuelle et le peuple, qui n’est plus cool, ni progressiste, ni fréquentable depuis longtemps. L'autre écueil que ne voient peut-être pas les partisans les plus belliqueux du mariage pour tous et les plus prompts à en appeler à la puissance publique pour punir les "discours de haine", c'est exactement celui que décrit Judith Butler, pourtant la papesse des théories du genre, dans son ouvrage Le pouvoir des mots. Politique du performatif: dès lors qu'on demande à l’État de devenir l’arbitre systématique des violences verbales exercées par des citoyens sur des citoyens au nom de la lutte contre la discrimination, « la résistance politique court le risque de se réduire à l’acte d’engager des poursuites ».[5] C'est bien en un sens ce en quoi se sont transformés les acteurs de la radicalité militante gay et lesbienne: en petits flics procéduriers désormais incapable d'user d'autres moyens rhétoriques que celui de la posture victimaire, de l'insulte et de la menace juridique face à la moindre contradiction. 

           Si les participants à la manif pour tous du 13 janvier n'ont pas refait 1984 en égalant l'ampleur du mouvement en faveur de l'école libre, les LGBT ont quant à eux accouché de leur premier enfant: un 1984 orwellien de pacotille dans lequel le langage est constamment suspect et la parole au service d'une réécriture du réel. Ajoutons à cela la possibilité que laissera dans un futur proche la PMA et la GPA pour quelques couples aisés (homosexuels et hétérosexuels d'ailleurs, à partir du moment où la brèche sera ouverte pourquoi se priver?) d'avoir des enfants à la carte et de louer les ventres comme d'autres louent leurs bras à l'usine et nous auront un avant-goût du 1984 à la sauce consumériste que défend Pierre Bergé. Salauds de riches.

    Des idiots (Idiocratie, 2 février 2013)

    Notes :

    [2] http://www.slate.fr/story/67615/campagne-mediatique-mariage-pour-tous. Jean-Claude Michéa. Retour sur la question libérale. Cité par Jean-Laurent Cassely.
    [3] http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/01/29/mariage-gay-halte-aux-sophismes_1823018_3232.html
    [4] http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/01/29/quand-le-risque-de-l-egalite-fait-perdre-la-raison_1824123_3232.html
    [5] Judith Butler, 2004, Le pouvoir des mots. Politique du performatif, traduit de l’anglais (Excitable Speech, Routledge, 1997) par Charlotte Nordmann, Paris, Éditions Amsterdam


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