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  • Le racisme anti-blanc : un déni de réalité ?...

    Les éditions du Puits du Roule ont publié en février dernier Le racisme anti-blanc - Ne pas en parler : un déni de réalité, un essai de Tarik Yildiz. Diplômé de Sciences-po, Tarik Yildiz a vécu en banlieue et  est est chercheur au sein du Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (CRESPPA).

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    Entretien de Tarik Yildiz avec Axel Ardès du Bondy blog


    Tu as écrit un livre intitulé « Le racisme anti-blanc. Ne pas en parler : un déni de réalité ». Peux-tu expliquer ce qui t’a donné envie d’aborder ce sujet ? 

    J’ai travaillé pour le site Terre d’avenir, édité conjointement par l’agglomération de communes de Seine-Saint-Denis Plaine Commune et le BondyBlog. Dans ce cadre, j’ai eu de nombreux témoignages spontanés qui m’ont alerté sur ce problème. J’ai écrit quelques articles qui en ont parlé. Puis, je me suis rendu compte que c’était un sujet qui mériterait un traitement plus large. C’est pourquoi j’ai décidé de les compiler et de les proposer à des éditeurs. L’un d’eux m’a recontacté même s’il était gêné par le titre au début.

    Justement, pourquoi distinguer le « racisme anti-blanc » comme tu le fais du racisme au sens large ? 

    Pour comprendre cela, il faut se mettre du côté des victimes de ce racisme. Elles ont utilisé cette expression à de multiples reprises. Ne pas le formuler ainsi aurait été une trahison. Même si cela fait polémique je pense que l’expression se justifie. Il ne s’agit pas de faire une hiérarchie mais de décrire une réalité. C’est un constat qui appelle à une future analyse.

    Es-tu sûr que ce qui est décrit dans ce livre est complètement le reflet de la réalité ?

    J’ai moi-même assisté à ce type de problème dans mon quartier lorsque j’étais plus jeune, dans mon collège par exemple. Un copain de classe, prénommé Christophe, se faisait harceler, insulter, frapper et tout le monde dans la classe faisait le lien avec son origine. Les différents témoignages du livre montrent la même chose quel que soit le groupe d’appartenance des différents protagonistes.

    Être blanc, c’est prendre le risque d’être un bolosse comme on dit en banlieue ?

    L’expression de bolosse est à la croisée de ce que je dénonce : à la fois une attaque contre une origine ethnique et une appartenance sociale supposées. Guillaume, Bastien, Fatma ou Céline (quelques-unes des personnes interrogées dans le livre, ndlr) montrent que c’est de plus en plus une réalité en banlieue, à tel point que certains Français s’inventent une origine métissée. Cette intolérance se focalise sur l’origine ethnique supposée d’abord chez les plus jeunes, au collège, car l’effet de groupe y joue à plein régime pour ce type de racisme. C’est au collège que la situation semble globalement la plus difficile. Puis cela s’atténue globalement dans les classes plus âgées sans disparaître toutefois comme le montrent Bastien et sa mère. Cet effet de groupe contre « les Français de souche » est donc plus problématique au collège qu’au lycée et au lycée plus que dans la vie adulte.

    Tu utilises des expressions comme « Français de souche », or tu ne ressembles pas à l’image stéréotypée de la France ?

    (Rires) Mes parents viennent de Turquie, mais je suis français et j’ai grandi en banlieue. Je pense que ces questions ont souvent été laissées à des sites marginaux. Je crois que c’est un tort et qu’il s’agit d’un vrai sujet de banlieue et un sujet de société que nous devons affronter.

    En reprenant cette expression, tu n’as pas peur de servir la soupe au Front national ? Surtout que ton livre semble très critique vis-à-vis de l’immigration musulmane…

    En banlieue, il y a une concentration de problèmes, mais le problème du racisme anti-blanc n’a rien à voir avec la religion des personnes. L’intégration se fait moins bien pour des raisons sociales parce que le groupe se referme sur lui au fur et à mesure. Trop de gens de la même appartenance y sont regroupés. Avant, c’était plus facile économiquement, l’État jouait son rôle dans les quartiers ainsi que l’école. Ils permettaient une réelle ascension sociale. Quelque chose s’est cassé dans les dernières années mais il ne faut pas confondre corrélation et causalité. Enfin, je ne me définis pas en fonction de ce parti politique ni d’aucun autre d’ailleurs.

    Mais tout de même, pour ceux qui vont lire ton opuscule, il y a des passages récurrents sur la religion musulmane. Hassan se dit musulman, mais il a des problèmes car il mange durant le ramadan ou achète de l’alcool, etc.

    Justement, c’est un très bon exemple de ce que je dénonce. Le racisme anti-blanc oblige tout le monde à se conformer à une norme bien plus répressive et qu’elle que soit l’origine de ceux qui y sont confrontés. S’il y avait eu une véritable mixité sociale dans les quartiers, Hassan n’aurait pas ressenti cette pression. La vraie différence c’est qu’avant, la banlieue était un lieu de mélange. Il existe des zones où la pâte ne prend plus. La loi du groupe prédomine sur celle du vivre ensemble. Des gens de ces quartiers partent de ces zones, laissant ceux qui restent de plus en plus dans l’entre-soi. L’enjeu c’est que ce ne soit pas seulement des Zemmour ou des Finkelkraut qui puissent en parler. Les gens des quartiers doivent pouvoir en débattre. C’est aussi une bataille de mots. Je parle de ce racisme anti-blanc parce que je ne veux pas laisser cette expression à des groupes dont je ne partage pas l’idéologie.

    Mais ton livre semble être à charge : tu n’as trouvé presque aucun témoignage qui critique ta thèse. Il n’y avait aucun habitant dans ces quartiers pour s’oppose à cette notion de racisme anti-blanc ?

    Si on comprend le racisme comme l’appartenance supposée à un groupe, alors, je crois qu’il y a en France comme ailleurs des cas de racisme. Le racisme dont je parle est une réalité. Ce sont les gens qui sont largement venus à moi pour raconter leurs ressentis avec leurs propres mots. Mon étude ne prétend pas à une représentativité scientifique du terrain. J’ai simplement voulu raconter et montrer ce que certains habitants de ces quartiers ressentent à travers des témoignages spontanés.

    Ton livre sort après celui d’Hugues Lagrange (« Le déni des cultures », au Seuil) qui met en relation une origine ethnique et des problèmes d’intégration. Qu’as-tu pensé du débat que cela a provoqué en France ?

    J’ai trouvé l’analyse d’Hugues Lagrange intéressante. Je crois qu’elle apporte quelque chose au débat. Je ne la partage pas même si je la trouve plus mesurée que les réactions caricaturales qu’elle a provoquées. Pour permettre l’intégration, les facteurs culturels de l’origine ethnique ne sont pas déterminants. Le plus important, c’est la force de l’État et sa volonté de permettre l’intégration notamment par le biais de l’école républicaine. Il faut juste aider les gens à s’élever.

    Tarik Yildiz, propos recueillis par Axel Ardès (Bondy blog, 11 février 2011)

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  • Des intellectuels en révolte contre le système ?

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Andrea Massari, cueilli sur le site de Polémia, dans lequel il dresse un panorama des intellectuels en révolte contre le système. Les tireurs sont en position... Feu sur le quartier général !

     

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    La révolte des intellectuels contre le système

    La dissidence des intellectuels a précédé la chute de l’Union soviétique. La révolte des intellectuels contemporains pourrait bien annoncer la chute de l’empire cosmopolite. Certes, les oligarques du Système sont puissants : ils possèdent l’argent et contrôlent les médias classiques. Mais le pouvoir de ces oligarques est triplement menacé : par la révolte populiste, par la révolte numérique mais aussi par la révolte des intellectuels. Philosophes, anthropologues, économistes, géopoliticiens, géographes et sociologues sont de plus en plus nombreux à contester le désordre établi. A l’écart d’une actualité hollywoodienne, Andrea Massari nous propose de prendre un peu de hauteur… Explications.

    Les philosophes à la quête du sens

    Dans les années 1950, la majorité des philosophes étaient marxistes ; ils sont devenus droits-de-l’hommistes dans les années 1970/1980. Aujourd’hui, beaucoup de philosophes sont des critiques acerbes de la modernité et portent souvent la parole d’un retour à la tradition. C’est le cas de Jean-François Mattéi, auteur de La Barbarie intérieure et du Procès de l’Europe. C’est le cas de Philippe Nemo, auteur de La Régression intellectuelle de la France. Chantal Delsol dénonce, elle, L’Age du renoncement. Et avec une grande rage littéraire l’écrivain Richard Millet dénonce La Fatigue du sens et l’horizontalité du monde. Un pamphlet philosophique éloigné de toute bien-pensance et frappé du sceau de la radicalité.

    Le grand retour des frontières

    Dans la novlangue contemporaine le mot frontières était devenu tabou : on n’en parlait pas, si ce n’est pour les… supprimer. Régis Debray a brisé le tabou en publiant un Eloge des frontières. L’éloge des frontières, c’est aussi le fil rouge du livre fulgurant d’Hervé Juvin : Le Renversement du monde. L’économiste et anthropologue rejoint ainsi le philosophe. L’un et l’autre chez Gallimard.

    La réhabilitation du protectionnisme

    Face à la grande menace industrielle, le vieux gaulliste Jean-Marcel Jeanneney avait publié, en 1978, Pour un nouveau protectionnisme. En forme de chant de cygne car depuis la fin des années 1970, c’est le libre-échange qui donne le tempo. Parvenant même à faire censurer le Prix Nobel Maurice Allais. Cette époque de censure est révolue : des économistes osent aujourd’hui s’afficher protectionnistes : Jacques Sapir et Jean-Luc Gréau ont rejoint Gérard Dussouy, théoricien de la mondialité, et Alain Chauvet (Un autre monde : Protectionnisme contre prédation).

    Sociologues et géographes portent un regard critique sur l’immigration

    Le géographe Christophe Guilluy a jeté un pavé dans la mare avec ses Fractures françaises. Il y montre l’ampleur des fractures ethniques. Fractures ethniques qui ne sont pas forcément sociales : car on est plus riche (monétairement parlant, en tout cas) en Seine-Saint–Denis que dans la Creuse. De son côté, Malika Sorel tient Le langage de vérité [sur] Immigration, Intégration. Dans les mêmes perspectives que Michèle Tribalat (de l’INED) dans Les Yeux grands fermés (L’Immigration en France) ou Hugues Lagrange dans Le déni des cultures.

    Le grand retour de la géopolitique

    Chaque année le festival de géopolitique de Grenoble, organisé par Pascal Gauchon et Jean-Marc Huissoud, marque le retour des intellectuels vers les préoccupations de puissance : Aymeric Chauprade, auteur de Chronique du choc des civilisations, peut y croiser Pascal Boniface, auteur de Atlas du monde global et pourfendeur des Intellectuels faussaires. Hors champ, on ne saurait oublier le général Desportes, ancien directeur de l’Ecole de guerre et critique des guerres américaines. Ni Alain Soral, qui ne veut pas seulement Comprendre l’empire mais le combattre. Ni Christian Harbulot, théoricien de la guerre économique. Ni François-Bernard Huyghe, lumineux médiologue.

    Le dévoilement de l’art « contemporain »

    L’art « contemporain » a plus… d’un siècle. Il est plus que… centenaire ! Il est né dans les années 1890 et trône dans les musées depuis l’Urinoir de Duchamp en 1917 ! Mais les critiques de l’art « contemporain » sont de plus en plus nombreuses et acerbes. Jean-Philippe Domecq annonce que « l’art du contemporain est terminé ». Ces Artistes sans art sont aussi critiqués par Jean Clair, académicien et ancien directeur du Musée Picasso, dans L’hiver de la culture et Dialogue avec les morts. Sans oublier les charges argumentées d’Aude de Kerros (L’art caché), de Christine Sourgins (Les mirages de l’art contemporain), de Jean-Louis Harouel (La grande falsification de l’art contemporain) ou d’Alain Paucard (Manuel de résistance à l’art contemporain).

    La dénonciation des oligarchies

    Il y a dix ans, les « oligarques » désignaient des dirigeants russes plus ou moins mafieux qui s’enrichissaient sur les ruines de l’ex-Union soviétique. Aujourd’hui, la critique des oligarchies a franchi le mur de l’ex-« rideau de fer ». Apôtre de la démocratie directe, Yvan Blot publie L’Oligarchie au pouvoir. Il se trouve en compagnie d’Alain Cotta dénonçant Le Règne des oligarchies et d’Hervé Kempf qui publie, au Seuil, L’Oligarchie, ça suffit, vive la démocratie. Et le libéral Vincent Bénard, directeur de l’Institut Hayek, dénonce les « oligarchismes ». Un point de vue que reprend d’une autre manière, l’anthropologue Paul Jorion dans Le Capitalisme à l’agonie. Ainsi cinq auteurs, partant de cinq points de vue différents, convergent dans la même critique. A la place des oligarques on s’inquiéterait !

    Les neurosciences contre la télévision et les pédagogies nouvelles

    Des milliers d’études scientifiques ont établi la malfaisance de la télévision sur la santé (obésité, maladies cardio-vasculaires) et le développement intellectuel en particulier des jeunes enfants. Avec TV lobotomie Michel Desmurget en fait un point sans concession, frappant au cœur l’instrument central de contrôle des esprits.

    Les neurosciences offrent aussi des arguments décisifs contre les pédagogies dites « nouvelles » dont les ravages dans l’éducation sont constamment dénoncés, notamment par Laurent Lafforgue, médaille Fields.

    Un bouillonnement fécond

    Ce qui est frappant dans ce nouveau paysage intellectuel, c’est la diversité de ceux qui le composent. Il y a les établis et les marginaux : ceux qui ont pignon sur rue chez Gallimard et au Seuil, et ceux qui publient leurs livres à la limite de l’autoédition. Qu’importe, les uns et les autres rencontrent le succès grâce à Amazon notamment.

    Il y a ceux qui viennent des rives de la gauche et du marxisme et ceux qui s’assument réactionnaires. Il y a des libéraux lucides et des lecteurs de Krisis. Il y a des catholiques, des laïcs et des panthéistes. Il y a ceux qui sortent de trente ans de bien-pensance et ceux qui luttent depuis trente ans contre la bien-pensance. Il y a aussi tous ceux qui viennent de nulle part mais qui respectent les faits.

    Le pouvoir des oligarques et l’ordre politiquement correct (mondialiste, « antiraciste », libre-échangiste, en rupture avec les traditions) sont placés sous un triple feu : les mouvements populistes, la blogosphère dissidente et les intellectuels en rupture. Gageons que les événements qui viennent les feront converger !

    Andrea Massari (Polémia, 5 juillet 2011)

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  • Le déni du réel...

    Le livre du sociologue Hugues Lagrange, Le déni des cultures, publié au Seuil, a suscité un tollé chez les bonnes âmes de la bienpensance en osant bousculer les vérités enseignées par le catéchisme politiquement correct sur l'immigration et la délinquance. Nous reproduisons ici un article de la philosophe Chantal Delsol, publié par Valeurs actuelles, qui revient sur cette polémique.

     

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    Le déni du réel

    L’émotion souvent haineuse qu’a suscitée le livre d’Hugues Lagrange, le Déni des cultures (Éditions du Seuil), est en elle-même significative. Un tabou a été touché.

    Il y a des pans entiers de la réalité que l’on ne doit même pas nommer – faute de les faire exister ? Et bien des soi-disant penseurs disent clairement que la langue de bois représente une nécessité démocratique…

    En l’occurrence, la langue de bois veut que l’on ne nomme pas les cultures, qu’on ne les distingue pas, qu’on n’en fasse pas un facteur d’explication. Or voilà un auteur – un chercheur sérieux et pondéré, non un histrion – qui explique en partie les problèmes d’échec scolaire et de délinquance par des causes culturelles. On le voue aux gémonies. Il se fait insulter dans les médias. Pourtant, il produit des enquêtes chiffrées et argumentées après un long travail sur le terrain, il reste prudent toujours, il n’enrobe pas cela d’une opinion personnelle : bref, c’est un scientifique. Et naturellement il peut se tromper en tant que scientifique, mais dans ce cas, il faudrait lui opposer d’autres enquêtes et d’autres arguments : on l’injurie.

    On peut se demander pourquoi une société si fière de son multiculturalisme, de son côté black-blanc-beur, refuse avec hargne que soient étudiées les différentes cultures avec ce qu’elles recèlent de conséquences sur les comportements des individus. Ce qui ressemble à une grossière contradiction. En réalité, la diversité est considérée comme un avantage si l’on ne regarde que son côté folklorique : quelle fierté de voir une équipe de France multicolore – ce qui rassure notre réputation de pays accueillant. Mais tout ce que cela signifie en termes de manières de vivre, d’organisation familiale, d’éducation… surtout n’en pas parler ! Cela ferait ressortir des disparités profondes, et naturellement des hiérarchies sous-entendues (dans quelles familles sait-on éduquer à l’autonomie ?). Ce qui est insupportable à notre prétention égalitaire. Cela semblerait jeter sur l’une ou l’autre culture un opprobre moral : certaines manières de vivre fabriquent des délinquants… La république aime la diversité, à condition qu’elle ne se décline pas.

    Au fond, ce que l’on reproche à Hugues Lagrange, c’est de ne pas confirmer cette certitude imposée qui nous vient du marxisme : les malheurs de l’individu, et surtout ceux qui l’écartent de la société, sont le fruit exclusif de sa situation socioéconomique. Tout ce qui différencie un individu – en termes d’éducation, de réussite scolaire, de civilité – proviendrait de sa classe sociale et de son niveau de revenus. Ainsi, les plus pauvres devraient être mal élevés, et les plus riches, situés en haut de l’échelle sociale, en état de réussite morale et scolaire. (Quelle sale injure pour tant de familles dans la gêne qui jettent tous leurs soins, avec succès, dans l’entreprise éducative ! Quelle cécité devant certains enfants de la haute bourgeoisie qui se comportent comme des voyous !)

    Cette analyse des comportements par les causes exclusivement économiques a été abandonnée depuis longtemps : il s’agit d’un parti pris matérialiste, qui met l’argent au-dessus de tout et croit que tout arrive grâce à lui. Nous savons que bien d’autres facteurs entrent en ligne de compte. Que certaines organisations familiales, que certaines éducations développent davantage la politesse, la violence, le sens du travail ou le machisme, il suffit d’un peu de bon sens pour le savoir – l’essentiel étant de ne pas proférer des généralités stéréotypées et de ne pas généraliser à partir de quelques cas… d’où l’importance de la sociologie. Dire que la culture n’existe pas et que l’individu se résume à son porte-monnaie et à sa position sociale, c’est valoriser l’avoir au détriment

    de l’être. Nous ne sommes pas seulement ce que nous possédons. Nous sommes, et surtout, caractérisés par des comportements, des habitudes, des humeurs, des rites, dont nous héritons en partie par transmission de longue date et qui nous enracinent dans un art de vivre singulier.

    Quant à voir sous ces analyses de la culture un a priori racialiste, ou raciste, c’est un amalgame qui ne grandit pas ses auteurs. Cela signifie que toute évocation d’une différence ressort au racisme. Toute affirmation concernant une culture est raciste. Dire : “tel groupe favorise la polygamie” ou “tel groupe favorise le machisme” serait raciste. Avancer ces affirmations serait “faire le jeu de Le Pen”, comme Simone de Beauvoir disait que dire la vérité sur l’Union soviétique était “faire le jeu de la droite”. Autrement dit, toute vérité qui risquerait de favoriser les arguments d’un adversaire serait à nier avec virulence. Dans ce manichéisme, c’est la réalité qui s’égare. Le but unique est de contrecarrer l’adversaire, mais, pour finir, on ne sait plus ce qui en fait un adversaire, puisque les affirmations sont triées non pas en fonction de leur vérité mais en fonction du bien ou du mal qu’elles procurent à l’adversaire. Ce devient un combat obscur, dominé par les émotions, et où la raison n’a plus sa place. La recherche non plus, évidemment. 

    Chantal Delsol (Valeurs actuelles, 4 novembre 2010)

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