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dissuasion

  • Vers une bombe atomique européenne ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Georges Feltin-Tracol cueilli sur Euro-Synergies et consacré à la question de la mise en place d'une dissuasion nucléaire européenne.

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    Vers une bombe atomique européenne?

    C’est l’Arlésienne de la géopolitique française et européenne. C’est aussi l’impensé de la stratégie militaire et diplomatique sur le continent européen depuis la fin de la première Guerre froide (1947 - 1991). Le Brexit accentue son acuité face aux fractures récentes du bloc atlantiste.

    Le sujet revient au premier plan de l’actualité avec la distance prise par les États-Unis trumpiens par rapport au conflit russo-ukrainien. La vive algarade à la Maison Blanche entre Volodymyr Zelenski, Donald Trump et J. D. Vance confirme le dégagement, plus ou moins partiel, des intérêts étatsuniens en Europe. Le 14 février dernier, le nouveau secrétaire étatsunien à la Défense, Pete Hegseth, avait déclaré que l'Europe devait s’attendre que la présence des troupes US sur le continent ne durerait pas éternellement.

    Ces deux faits tétanisent les pitoyables responsables européens qui ont cru en la permanence du protectorat étatsunien. Quelle naïveté ! Ce bouclier militaire et diplomatique est désormais bien ébréché. Qui pourrait désormais remplacer cette ancienne protection de huit décennies? Certaines capitales du Vieux Monde regardent la France. Pourquoi ? Paris dispose d’une force de dissuasion nucléaire indépendante (en partie, car des composantes proviennent des industries étatsuniennes). Le thème d’étendre la dissuasion française au champ européen n’est pas neuf. De Valéry Giscard d’Estaing à Emmanuel Macron, tous les chefs d’État hexagonaux appelèrent plusieurs fois à un réveil de la conscience européenne en matière de défense commune. Par exemple, dès 1996, Jacques Chirac souhaitait instituer un pilier européen au sein de l’OTAN. Il suggérait même que le commandement en Méditerranée revînt à un amiral européen et non pas yankee. Washington rejeta ces deux demandes et les interlocuteurs européennes de Chirac montrèrent leur franche hostilité, atlantisme oblige.

    Outre la Russie et les États-Unis dont quelques bases situées en Europe détiennent des fusées nucléaires, les deux seules puissances atomiques sur le Vieux Continent sont la Grande-Bretagne et la France. Or le premier ministre britannique ne peut pas déclencher seul le feu suprême. Il doit d’abord en référer à Washington. Des éléments des ogives nucléaires sont d’origine étatsunienne ainsi que leur maintenance. Au contraire, le président français reste, en cas d’éventuelle tragédie, le seul ordonnateur de la riposte fatidique.

    Toutefois, il faut regretter la suppression au nom des « dividendes de la paix » des vecteurs de la dissuasion nucléaire. Ceux-ci ne sont aujourd’hui qu’aéroportés et sous-marins. N’existent plus le missile sol – sol nucléaire à courte portée tactique Hadès (photo) et le site de lancement de missiles balistiques nucléaires aménagé sur le plateau d’Albion à cheval sur la Drôme, le Var et les Alpes-de-Haute-Provence sans omettre l’abandon criminel et honteux de la bombe à neutrons adaptable sur le système Hadès.

    Ces tristes constats empêcheraient-ils que la dissuasion nucléaire française puisse suppléer le parrain yankee ? En d’autres termes, la France pourrait-elle protéger par sa « Bombe » Helsinki, Stockholm, Riga, Vilnius, Varsovie et Bucarest ? Des souverainistes obtus refusent l’idée. Pour eux, la dissuasion, acmé de la souveraineté nationale, ne se partage pas. En effet, la souveraineté partagée est une chimère politique inapplicable. En revanche, la souveraineté se décline selon le principe de subsidiarité en promouvant l’enchâssement des souverainetés familiales, communales, régionales, nationales, continentales, économiques et professionnelles. La bureaucratie soi-disant européenne pervertit ce principe essentiel trop mal connu de l’opinion.

    Réunir en urgence un Conseil européen avec son président, la sinistre présidente de la Commission de Bruxelles et vingt-sept chefs d’État et de gouvernement afin de trancher par un vote unanime ou à la majorité qualifiée de recourir à l’arme ultime serait dispendieux et inutile. On peut penser que si la France étend sa couverture militaire aux vingt-six autres États-membres de l’Union dite européenne, le pouvoir de décision fatidique reviendra toujours au seul président français. D’ailleurs, lors de son intervention radio-télévisée du 5 mars dernier, Emmanuel Macron a réaffirmé ce monopole crucial.

    C’est l’une des raisons qui incita en 1962 Charles De Gaulle à faire élire au suffrage universel direct le président de la République. Par l’onction populaire du vote des Français, le locataire de l’Élysée reçoit l’imperium, à savoir la puissance jupitérienne de la foudre. Il serait cependant temps que la force de frappe nucléaire soit enfin consacrée dans la constitution de 1958 par un ajout substantiel à l’article 15 sans le soumettre au contreseing du premier ministre ou de tout autre ministre. La constitution de la Ve République est de nature polémogène : son fonctionnement atteint une efficacité maximale pendant les crises majeures. Marine Le Pen avait proposé en 2022 cette constitutionnalisation bien plus nécessaire que le gadget de l’avortement. Pendant ses discussions avec son mémorialiste Alain Peyrefitte, Charles De Gaulle considérait déjà le projet européen comme le levier de puissance de la France, d’où son soutien insistant aux plans Fouchet qui suggéraient une union d’États pourvue de la personnalité juridique. Il soulignait aussi que les intérêts vitaux de la France ne s’arrêteraient pas au bord du Rhin...

    Les réticences allemandes à devoir une protection quelconque venue de la France s’estompent progressivement. Tout atlantiste qu’il est, le futur chancelier fédéral Friedrich Merz a évoqué, le 21 février dans un entretien à la presse écrite, que Berlin devrait négocier avec Paris et Londres de l’extension de leur parapluie de dissuasion nucléaire à l’Allemagne. Le plus étonnant est que cette proposition date de la fin des années 1960 à l’initiative d’Adolf von Thadden. À ce moment-là, sa formation politique, la NPD (Parti national-démocrate d’Allemagne), connaissait un succès électoral certain dans plusieurs Landtage de la RFA. Sa popularité s’arrêta nette aux législatives de 1969 avec 4,31 %, probablement grâce à des bulletins manipulés, annulés ou falsifiés. À rebours de l’atlantisme social-démocrate-chrétien libéral, Adolf von Thadden, par ailleurs informateur attitré du MI6 britannique, rêvait que la dissuasion atomique française se transformât en force nucléaire européenne indépendante des blocs. Tenant d’un axe gaullien franco-allemand, le chef de la NPD déplorait que le gouvernement fédéral allemand ne participât ni au financement, ni à l’élaboration d’infrastructures économiques performantes dans cette audacieuse coopération.

    Il est maintenant caustique d’observer que l’effort exigé aux États-membres pour se réarmer oblige la Commission de Bruxelles à extraire de la règle des 3% prévue par le pacte de stabilité les dépenses souscrites en matière de défense, ce qui implique une remise en cause de plusieurs traités européens. Mais pourquoi seulement la défense? La sécurité intérieure, la justice, les transports, les infrastructures de communication, voire l’enseignement contribuent à leur manière à la possibilité de réarmer. En outre, le simple ordonnancement des différentes armées nationales reste aléatoire. Les quelques industries de l’armement (française, suédoise) se concurrencent avec férocité quand les États-membres achètent pour plus de 60% du matériel aux États-Unis.

    Il est donc risible de prôner une nouvelle course aux armements de la part d’États surendettés en proie à des déficits publics structurels gigantesques. Le Danemark entend déjà porter à 70 ans l’âge de départ à la retraite afin de financer l’augmentation des dépenses militaires. L’austérité budgétaire et la rigueur financière se profilent derrière les appels à un hypothétique effort de guerre. Il existe pourtant de vastes gisements propices aux réductions des coûts: le poids de l’immigration, la prolifération des agences administratives indépendantes comme l’ARCOM, le financement public des partis politiques, des syndicats et des associations, les subventions au secteur des « cultureux », l’aide officiel à la presse, etc.

    Le court-termisme propre aux soi-disant démocraties libérales occidentales empêche de facto toute émergence concrète d’une vraie « Europe cuirassée » selon l’heureuse formule de Maurice Bardèche dans L'Œuf de Christophe Colomb. Lettre à un sénateur d'Amérique (1951). Une bombe atomique d’échelle européenne et d’emploi strictement français peut contribuer à l’avènement d’une Europe plus consistante à la condition que les actuels dirigeants, des nabots insupportables, renoncent définitivement au wokisme ambiant, aux inepties de l’État de droit et à leur vassalisation lamentable envers l’Oncle Sam. L’ère s’annonce carnassière. Magnifique enjeu pour que les peuples européens retrouvent un caractère carnivore.

    Georges Feltin-Tracol (Euro-Synergies, 16 mars 2025)

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  • L'avenir de la guerre...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une conférence donnée le 2 juin 2014 par le général Vincent Desportes devant le Cercle Aristote, sur le thème « L'avenir de la guerre ».Sanctionné en 2010 pour une prise de position hostile à l'engagement français en Afghanistan, le général Desportes est l'auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur la guerre et la stratégie, tels que Comprendre la stratégie (Economica, 2001), Décider dans l'incertitude (Economica, 2004), La guerre probable (Economica, 2008) et dernièrement Le piège américain (Economica,2011).

     


    Le général Desportes sur l'avenir de la Guerre par webtele-libre

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  • L'opération Serval ou l'échec de la dissuasion...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du colonel Michel Goya, cueilli sur son blog La voie de l'épée, dans lequel il montre finement que ce sont les mauvais choix politiques faits hier qui contraignent aujourd'hui notre pays à intervenir directement.

    Auteur de plusieurs essais sur la guerre et la chose militaire comme Res militaris - De l'emploi des forces armées au XXIème siècle (Economica, 2010), Michel goya est aussi membre du comité de rédaction de l'excellent bimestriel Guerre & Histoire.

     

     

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    L'opération Serval ou l'échec de la dissuasion
    Avant d’évoquer les perspectives de l’engagement militaire au Mali, il n’est pas inutile de revenir sur le passé récent et de mettre l’accent sur une évidence : si les djihadistes ont lancé une offensive vers le Sud du Mali, c’est qu’ils n’ont pas été dissuadés de le faire.
    La dissuasion repose sur toujours sur une capacité de destruction multipliée par une probabilité d’emploi. La capacité de frappe rapide de la France, à partir des bases au Tchad ou au Burkina Faso, voire même depuis la métropole, était évidemment connue de tous. Cette capacité n’était peut-être pas très importante en volume si on la compare aux campagnes aériennes menées par les Etats-Unis, avec ou sans l’OTAN, ou Israël depuis 1999 mais elle était suffisante pour faire face à la plupart des adversaires sur le sol africain, d’autant plus qu’elle combinait la puissance des avions avec la permanence et la souplesse des hélicoptères.
    La faiblesse se trouvait donc dans la probabilité d’emploi. Plusieurs éléments psychologiques et politiques peuvent l’expliquer. En premier lieu, la force de frappe (la projection de puissance en terme moderne) reste une menace virtuelle et lointaine. La perception de l’ennemi potentiel n’est pas la même lorsqu’il a en face de lui des soldats, incarnation de la volonté politique et de la prise de risques. C’est le même principe qui présidait à la présence d’un corps de bataille français en Allemagne dont l’action était le moyen d’éviter le choix entre la reddition et la montée immédiate aux extrêmes mais aussi la justification par le sacrifice de cette montée éventuelle. La prise de risques de quelques-uns contribuait ainsi à éviter la mort de tous. Concrètement, il est probable qu’à la manière de l’opération Manta au Tchad en 1983 ou de l’opération Noroit au Rwanda en 1990, la présence d’un groupement tactique dans le Mali vert aurait sans doute suffit à dissuader toute offensive sérieuse en attendant la lente montée en puissance de la MISMA*.
    Car, et c’est là un autre principe de la dissuasion, la mise en place d’un dispositif de forces qui risque de faire basculer les rapports de force est évidemment une source de tension et une incitation pour le futur perdant à agir avant l’achèvement du processus. Un principe stratégique élémentaire consiste donc à protéger le futur par des mesures de précaution immédiate. En France, la force dotée de missiles balistiques nucléaires, longue à mettre en place, a ainsi été couverte par la mise en place rapide des Mirage IV. Une offensive du Nord pour s’emparer de Bamako ou au moins d’y provoquer une déstabilisation politique avant la mise en place de la MISMA en septembre 2013 (soit, avec EUFOR Tchad, une des générations de forces les moins dynamiques de l’Histoire) était donc non seulement possible mais même hautement probable. Il était stratégiquement élémentaire de la couvrir et on revient encore à l’intérêt qu’il y aurait eu à déployer une force terrestre en bouclier. Or, cette hypothèse (pourtant préparée par nos états-majors) n’a jamais été évoquée.
    Cet oubli peut-être le résultat d’une sous-estimation de l’ennemi mais on peut y voir aussi le résultat contradictoire de la mise en œuvre du processus de création de la force africaine. En d’autres termes, la mise en place d’un bouclier français aurait peut-être eu comme effet de ralentir encore la réunion déjà difficile d’alliés africains et européens peu motivés, se reposant dès lors sur les Français pour remplir la mission. Entre le lâche (et silencieux) soulagement chez certains et l’accusation (ouverte) d’ingérence chez d’autres (ou parfois les mêmes), la position française, qui aurait été qualifiée d’enlisement au bout de quelques heures, n’aurait certes pas été facile. Au bilan, on a offert à Ansar dine et AQMI, non seulement une raison d’agir mais aussi l’opportunité de la faire pendant plusieurs mois.
    Il est vrai enfin que les déclarations du Président de la république, répétant qu’il n’y aurait ni troupes au sol françaises, ni frappes aériennes au Mali, ne pouvaient que conforter nos actuels adversaires dans leur volonté d’agir. Dans la Ve république, pour paraphraser François Mitterand, « la dissuasion, c’est le Président de la République ». Sa capacité discrétionnaire à employer la force armée en fait évidemment le paramètre premier de sa probabilité d’emploi. Il est donc observé et écouté par ceux qui pourraient subir la foudre française. A l’instar des Soviétiques et des Nord-Coréens méjugeant la personnalité du Président Harry Truman et déclenchant la guerre de Corée, les organisations rebelles au Mali ont sans doute sous-estimé la capacité de réaction (ou volatilité, c’est selon) de l’exécutif français et ils sont en train de le payer.
    En conclusion, cette offensive rebelle, sinon cette guerre de toute façon inévitable, aurait pu être évitée par l’organisation d’une dissuasion adaptée. Cela n’a pas été le cas mais c’est peut-être mieux ainsi. Ce raid de quelques dizaines de kilomètres d’une poignée d’hommes montés sur pick-up est, peut-être et il faut l’espérer, le point de bascule qui va permettre d’inverser la spirale d’inefficience dans laquelle nous étions engagés depuis vingt ans. 
    Michel Goya (La voie de l'épée, 19 janvier 2013)
    *Mission internationale de soutien au Mali
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