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adinolfi

  • Peut-on romancer le terrorisme ?

    Tel est le débat italien dont Le Monde a eu la bonne idée de rendre compte dans un court article daté du 11 septembre 2008.

     

    "Le titre, La Carne e il Sangue (La Chair et le Sang, de Marco de Franchi, Barbera Editore) évoque un roman noir à l'italienne. C'en est un par bien des aspects, mais c'est aussi un ouvrage de plus à prendre pour toile de fond les années de plomb, ces années 1970 et 1980, pendant lesquelles l'Italie fut le théâtre de sanglantes violences politiques, de la part de l'extrême gauche et de l'extrême droite.

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    Un livre de plus ou un livre de trop ? L'exaltation de la figure du terroriste peut-il justifier - voire absoudre - le terrorisme ? C'est le débat ouvert par Il Giornale le 26 août. Ce quotidien, très marqué à droite, et propriété de Paolo Berlusconi, le frère du président du conseil italien, recense les romans écrits ces dernières années sur cette période pour conclure que "les années de plomb se transforment en mode littéraire". "Après les essais, les interviews, les mémoires, cette nouvelle tendance essaye de faire revivre ces années terribles sous une nouvelle lumière." Une tendance annoncée, ou du moins perçue, par Leonardo Sciascia, qui, dans L'Affaire Moro, écrivait : "L'impression que l'affaire Moro (du nom d'un dirigeant démocrate chrétien enlevé puis assassiné par les Brigades rouges en 1978) procède de la littérature vient du fait que tant de perfection ne peut surgir que de l'imaginaire, de l'invention, mais non pas de la réalité."

    Mettant en scène un débat entre deux tendances du terrorisme, Il Giornale interroge Erri de Luca, ancien leader de Lotta continua (extrême gauche), et Gabrielle Adinolfi, ex- "terroriste d'extrême droite", exilé de 1982 à 2000 à Paris pour des faits en relation avec l'attentat de la gare de Bologne, qui fit 85 morts en 1980. De Luca explique cette tendance à la "novélisation" de l'histoire par une sorte "d'absorption" des faits par le peuple italien : "C'est un mouvement très positif, explique-t-il, parce qu'il aide à réfléchir sur toutes ces périodes terribles que nous avons connues. Cela signifie que nous allons vers une révision et une analyse sérieuse des faits. Le peuple a absorbé le phénomène." Sans nostalgie, il explique : "Désormais le terrorisme a perdu. Qui s'est trompé doit payer, mais sans oublier que nous tous qui avons fait de la politique sommes responsables de ce qui est arrivé. Quand toutes les peines seront éteintes, alors on pourra se confronter sereinement sans intérêts partisans. Rappelons-nous toujours que, dans ces années-là, nous avons pu être étranges, mais innocents jamais."

    Autre point de vue tout à fait opposé, celui de Gabriele Adinolfi. Pour le fondateur de Terza posizione, ce genre romanesque est l'expression d'une nostalgie pour "une éternelle adolescence". Il ajoute : "Un roman sur les années de plomb est le fruit d'une nostalgie inutile d'individus isolés qui ne rendent pas justice à la lutte armée qui fut le choix de protestation d'une génération inquiète. Qui romance le passé ne respecte pas les victimes et fait du tort à l'histoire."

    Le lendemain, c'est au tour du critique et écrivain Luca Doninelli d'être appelé dans les colonnes d'Il Giornale pour trancher entre les positions irréconciliables de De Luca et d'Adinolfi. "Qu'un narrateur, écrit-il, soit fasciné par la figure d'un terroriste me semble quasiment physiologique : entrer dans la psychologie d'un criminel, chercher à comprendre comment on devient assassin répond à une curiosité quasi primaire et peut encore être, à certaines conditions, un acte de grande piété. Si ensuite quelques écrivains confondent la compréhension avec la justification, la faute n'est pas à porter au crédit de la littérature, mais de la stupidité personnelle et d'une culture dominante fondée sur l'autojustification. Un écrivain sérieux sait que la connaissance des actions humaines est faite de pitié pour le pécheur mais aussi d'un jugement inflexible sur le péché."

    De ce débat, Francesco Pagani ne veut pas entendre parler. Directeur du journal des détenus de la prison de Novarre, il fut un chef des Brigades rouges. En semi-liberté après vingt-deux ans de prison, il s'est confié au quotidien La Stampa pour revendiquer le silence. "Il est trop tôt pour l'histoire et trop tard pour le journalisme. Il faut encore du temps pour relire, la tête froide, les années de plomb. Cela ne peut être fait de façon approximative, avec un niveau artistique tellement bas." Et le terroriste repenti de conclure : "Le silence est un devoir."

    Philippe Ridet "

    Gabriele Adinolfi a publié en français aux éditions de l'Aencre un livre de souvenir sur son parcours de militant intitulé  Nos belles années de plomb.

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    "Dès la première moitié des années 70, l’Italie est plongée dans la période trouble des Années de plomb.
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    Durant cette guerre civile larvée où « tuer un fasciste n’est pas un délit », une répression impitoyable s’abat sur les organisations nationalistes.
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    Une poignée de jeunes nationaux-révolutionnaires romains fonde alors Lotta Studentesca en 1976.
    Rapidement, cette organisation s’élargit pour se transformer en Terza Posizione.
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    Désireux de remettre en cause le contrôle atlantiste d’une partie de l’extrême droite, ce mouvement révolutionnaire autonome se singularise rapidement dans sa mouvance d’origine. 
    « Ni front rouge, ni réaction ! » : fidèle aux idées traditionnelles et à une éthique guerrière exigeante, il s’imposa physiquement sur le terrain en évitant le piège de l’escalade de la violence et du terrorisme.
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    Sur le plan international, Terza Posizione, affirme vigoureusement une volonté d’indépendance nationale pour l’Italie et le continent européen face au duopole américano-sovietique de l’époque et apporte son soutien aux mouvements nationalistes révolutionnaires du tiers monde, tout en évitant l’écueil de la surenchère gauchisante.
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    Tout cela devint inacceptable pour les structures contrôlées par les américains qui tentèrent de faire endosser à Terza Posizione le meurtrier attentat de la gare de Bologne d’août 1980.
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    La répression qui s’ensuivit – malgré la condamnation des dirigeants des services secrets, reconnu coupables d’avoir créée une fausse piste contre TP -  décapita le mouvement et provoqua la fuite de ses principaux dirigeants pour un exil européen de vingt ans…
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    Ce témoignage poignant d’une génération sacrifiée abonde en révélations sur les dessous de l’histoire politique italienne des cinquante dernières années et brise le monopole d’une historiographie partiale en offrant aux jeunes  Européens l’évocation d’un mouvement qui fut, en de nombreux points, exemplaire."
     
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