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  • Aux origines de l’aristocratie européenne...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte publié par l'Institut Iliade, issu du site de l'Instituto Carlos V* et consacré aux origines de l'aristocratie européenne.

    *L'Instituto Carlos V (Charles Quint) est le frère espagnol de l'Institut Iliade, qui a également, depuis quelques mois, un frère italien avec l'Istituto Eneide.

     

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    Aux origines de l’aristocratie européenne

    Le mot « aristocratie » provient de la racine grecque aristos (ἄριστος), dérivée du terme « areté » (ἀρετή) et fait référence à l’excellence ou à la vertu. En pratique, les aristoi (ἄριστοι) étaient ceux qui possédaient des qualités exceptionnelles qui les rendaient aptes à gouverner.

    Pour comprendre quelle était l’essence de cette supériorité, se pose alors naturellement la question suivante : dans quelle mesure étaient-ils meilleurs ?

    Cette question a été abordée par le biais de perspectives très différentes. Alors que certains mettent en avant une série de caractéristiques spirituelles, ou des qualités éthiques et intellectuelles, d’autres adoptent une vision critique et soupçonnent que l’emploi de cette terminologie répond davantage à un mécanisme de manipulation utilisé par les classes dominantes pour justifier leur pouvoir. Sans écarter ces interprétations, qui peuvent éclairer des aspects importants du phénomène, nous allons ici travailler sur une hypothèse différente en examinant s’il est possible d’envisager l’aristocratie comme une question de manipulation de la Nature et non du statut économique.

    Pour développer notre argumentation, nous devons d’abord remonter aux conditions qui ont précédé la forge de notre culture telle que nous la connaissons. L’archéologue et anthropologue Marija Gimbutas a démontré dans son livre The Gods and Goddesses of Old Europe, en se basant sur l’analyse de sociétés tribales contemporaines et sur des vestiges matériels de la préhistoire, qu’en « vieille Europe » (expression utilisée pour désigner les sociétés sédentaires, d’abord de chasseurs-cueilleurs puis agricoles, qui ont prospéré durant la période préhistorique du continent européen), la capacité procréatrice de la femme occupait une position de préférence, car il était considéré que les femmes étaient les conductrices des forces cosmiques qui produisent la fertilité. Cette croyance correspond également à l’institution de sociétés matriarcales et matrilinéaires, c’est-à-dire des communautés dans lesquelles les femmes détenaient le pouvoir politique et religieux, et où l’héritage se transmettait par voie maternelle.

    Les preuves archéologiques les plus anciennes de cet ordre de valeurs sont les nombreuses statuettes dédiées à la « Déesse Mère », ou « Grande Mère », qui ont au moins vingt-cinq mille ans d’ancienneté, comme la célèbre Vénus de Willendorf. Cette tendance s’est maintenue, et même s’est exacerbée à la suite de l’émergence de l’agriculture, durant la période néolithique. Nous pouvons corroborer cette hypothèse en examinant le site de Çatalhöyük, situé dans la péninsule d’Anatolie, où ont été découvertes des figures datant d’environ 6000 av. J.-C. représentant la Grande Mère. De même, la religion minoenne tournait également autour de divinités féminines, comme la Déesse Serpente, dont l’image a survécu jusqu’à nos jours grâce à une statuette datant de 1600 av. J.-C. trouvée dans le palais de Cnossos. De plus, la prolifération de ce type de divinités à travers le monde permet de théoriser qu’il s’agit d’un phénomène transculturel, caractéristique d’une époque où l’être humain était très vulnérable face à la Nature.

    Aussi, la période historique de l’Europe où le rôle de la femme était prépondérant coïncide avec un moment où l’humanité ne comprenait pas encore le fonctionnement de la gestation. Autrement dit, l’homme était incapable d’identifier sa propre participation à l’acte de procréation, ce qui l’amenait à attribuer la grossesse à un pouvoir spécial des femelles pour communiquer avec la Nature et assumer en elles-mêmes la puissance reproductive. Dans son livre The family among the Australian Aborigines. A sociological study, Bronisław Malinowski explique que les tribus qui ont maintenu un mode de vie préhistorique ignorent encore que la procréation a un lien de cause à effet avec l’acte sexuel. Quoi qu’il en soit, le contexte matriarcal qui a prospéré en Europe entre 7000 et 3500 av. J.-C. se caractérisait, selon Gimbutas, par une existence pacifique, coopérative et égalitaire.

    Cependant, cet ordre social n’a pas pu contenir l’élan des migrations indo-européennes, également appelées indo-aryennes, qui se sont étendues dans toutes les directions sur une période pouvant aller de mille à trois mille ans, et qui ont complètement changé non seulement la physionomie de l’Europe, mais aussi celle du reste du globe. Ces populations émergent dans l’Histoire en tant que cavaliers et pasteurs nomades formant des groupes stratifiés, hétéropatriarcaux et bellicistes. Gimbutas explique comment ces envahisseurs, des guerriers montés à cheval venant du sud de l’actuelle Russie, selon l’hypothèse des Kurganes qu’elle défend, ont dominé les sociétés agricoles à travers trois vagues migratoires qui se sont succédé entre 4000 et 1000 av. J.-C. Pour certaines intellectuelles affiliées au féminisme, comme par exemple l’auteure de Le calice et l’épée, Riane Eisler, l’émergence de la culture indo-européenne et patriarcale a signifié la propagation de la guerre, de l’inégalité, de l’aliénation et de la destruction de l’équilibre des écosystèmes, représentant un cataclysme dont nous devons nous lamenter. À ce stade de l’étude, inutile de s’arrêter sur cette polémique, nous poursuivons notre exposé pour revenir sur ce sujet à la conclusion.

    Pour que l’expansion soit rendue possible, les Indo-Européens ont utilisé des avancées techniques singulières (instruments comme les brides ou la roue) et, principalement, la domestication du cheval. En raison du flux migratoire intense, la religiosité des peuples qui gouvernaient désormais les populations indigènes des terres européennes s’est progressivement infiltrée dans la culture européenne, sur un substrat de spiritualité tellurique. En conséquence, les divinités associées à la Nature ont été reléguées au second plan, comme cela se produit en Grèce avec les divinités chthoniennes, ou avec les Vanir de la mythologie nordique. Le culte indo-européen, qui tournait autour de Deus Pater, avait un caractère céleste (un « esprit ouranien », selon la terminologie de Julius Evola) et n’était plus lié à la fertilité, mais aux valeurs culturelles d’une aristocratie guerrière en plein essor. De même, l’ordre familial a également été altéré, établissant un système patrilinéaire et patrifocal dérivé des observations sur le lien de parenté réalisées par les pasteurs indo-européens, qui démentaient le préjugé matriarcal fondateur selon lequel l’homme n’intervient pas dans le processus reproductif.

    Il est important de souligner que le phénomène décrit ne s’applique pas seulement à l’expansion indo-européenne. Au contraire, des dynamiques similaires se reproduisent sur tous les continents au fil de l’Histoire. Prenons l’exemple de la relation entre les peuples tutsi et hutu. Bien que la population native de l’actuel Rwanda soit constituée de Hutus, les Tutsis se sont érigés en une élite aristocratique qui a administré de manière parasitaire ce vaste territoire jusqu’au XXᵉ siècle, bien qu’ils ne représentent que dix-sept pour cent de la population. L’exemple de ces deux tribus a été analysé par Pierre van den Berghe dans Race and Racism : A Comparative Perspective (1967, 12), ce qui l’a amené à soutenir que les Tutsis ont développé par eux-mêmes toute une forme de pensée raciste qui revendique leurs traits physiques (nez aquilin, grande taille, constitution fine, etc.), tout en méprisant et définissant comme inférieurs les traits de ceux qu’ils soumettent.

    Des cas similaires se retrouvent par exemple en Chine, qui n’a pas été conquise uniquement par les Mongols, mais aussi par les Mandchous a posteriori. Ces deux groupes ethniques ont quelque chose en commun : leur origine en tant que pasteurs dans les montagnes du nord. De plus, les Mandchous, tout comme les Tutsis, ont imposé un système basé sur la discrimination raciale pour préserver leur culture et leurs traits génétiques, afin de ne pas être assimilés par la vaste population d’autochtones, comme cela était arrivé aux Mongols. Comme l’avait déjà pressenti l’historien arabe Ibn Khaldoun au XIVᵉ siècle, nous pouvons identifier une constante dans l’histoire de l’humanité : les peuples nomades conquièrent les sédentaires et imposent leur loi.

    Nous pouvons attribuer le succès de ces peuples, selon les théories énoncées par Costin Alamariu dans Selective Breeding and the Birth of Philosophy, à trois facteurs principaux : l’alimentation, la culture et l’environnement. Tout d’abord, l’alimentation des pasteurs-nomades est principalement basée sur la consommation de produits laitiers, de viande et de fruits, provenant des arbres éparpillés sur la géographie qu’ils traversent. La consommation de doses élevées de protéines, maintenue au fil des générations, produit des individus d’une taille supérieure et d’une constitution osseuse et musculaire bien plus robuste, ce qui est approprié pour mener des efforts militaires. Cette alimentation ne pourrait pas être plus différente de celle des communautés sédentaires, qui vivent attachées à la terre qu’elles cultivent. Ainsi, l’alimentation de ces dernières se basait sur des végétaux et des légumineuses, avec une consommation très faible de produits carnés.

    Deuxièmement, d’un point de vue culturel, la conquête correspond beaucoup mieux à la cosmovision d’un peuple de pasteurs, qui ne voit pas la terre comme une possession statique, mais qui est habitué à être propriétaire de son bétail. De plus, le bétail est un bien beaucoup plus facile à dérober, ce qui amène les pasteurs à développer une compétence supérieure pour exercer la violence. Enfin, le fait d’habiter des zones montagneuses conduit également à cultiver des valeurs étroitement liées à la guerre. Les régions montagneuses ont toujours été des scènes de conflits, que ce soit dans les Highlands écossaises ou dans les Balkans.

    Une fois que nous avons révélé les origines de l’aristocratie, nous sommes prêts à mieux comprendre la conception aristocratique du monde. D’abord, les preuves recueillies permettent de comprendre pourquoi les aristocrates ont toujours rejeté le travail manuel et les tâches agricoles. Par ailleurs, parmi l’aristocratie, il est récurrent de construire des résidences de campagne où la famille peut se retirer, comme si le sang les poussait hors des villes et leur demandait de se reconnecter avec l’esprit sauvage de leurs ancêtres. La pratique de la chasse et de l’équitation semble remplir une fonction similaire dans la préservation du contact avec la Nature.

    L’obsession pour le lignage peut également s’expliquer si nous revenons aux origines pastorales de l’aristocratie. En concentrant tous leurs efforts sur l’élevage, les pasteurs ont pu découvrir les rudiments de l’eugénisme, cherchant à faire en sorte que leurs spécimens se distinguent de ceux de leurs concurrents. Ce processus justifie évidemment l’un des principes de l’aristocratie : les ancêtres transmettent des caractéristiques à leurs descendants. Les pasteurs et éleveurs n’ont pas seulement découvert comment améliorer la qualité de leur bétail par le biais de la reproduction sélective (sélection des spécimens qui reproduiront des traits désirables chez leurs descendants), mais ils ont également appliqué ce principe à eux-mêmes et mis en œuvre de nombreuses procédures eugéniques, telles que des restrictions à l’union matrimoniale ou, à la manière de Sparte, des examens médicaux pour écarter les enfants faibles ou déformés, ainsi que des entraînements visant à améliorer les compétences des nouvelles générations.

    En résumé, lorsque les pasteurs devenus aristocrates pratiquaient certaines formes d’eugénisme, ils n’appliquaient rien d’autre qu’à l’homme ce qu’ils avaient observé en élevant leurs animaux. Par conséquent, l’aristocrate est celui qui pense qu’il est destiné à gouverner les autres, et il l’est non par hasard, mais en vertu de sa nature, qui est supérieure à celle des autres, tout comme d’autres personnes sont également destinées à servir en raison d’une inclination naturelle. Il ne faut pas chercher plus loin pour trouver ce type d’affirmations chez Platon et Aristote, qui reconnaissaient l’existence de différentes natures pour chaque être humain, une idée que l’ordre démocratique contemporain juge comme irrationnelle et inhumaine.

    Cependant, ces considérations resteraient stériles si nous ne tentions pas de distiller des conclusions qui font directement appel aux circonstances qui nous concernent. Après tout, nous ne pouvons ignorer que l’être humain ne peut être réduit à l’espèce. Comme le dirait Martin Heidegger, l’être humain n’est pas une substance fixe, mais un être-là (Dasein) en perpétuel devenir. En tenant compte de cette vision particulière, selon laquelle l’être humain ne peut être compris en tant que tel que dans le cadre qui lui est propre, c’est-à-dire dans l’espace-temps historique, certaines voix soulignent la nécessité de revenir à un paradigme similaire à celui des sociétés sédentaires et matrifocales. Mais comme le montrent les preuves historiques, les valeurs attribuées à ce type de sociétés, même si elles sont célébrées aujourd’hui, ont condamné la « vieille Europe » à être dominée par d’autres groupes humains mieux préparés au conflit. De plus, il convient également de prendre en compte dans quelle mesure l’égalitarisme de ces communautés lèse la capacité d’individuation de leurs membres.

    Bien qu’il soit vrai que le culte de la Déesse Mère de la préhistoire corresponde à la prolifération de populations régies par des principes matriarcaux, nous ne devons pas supposer que ces sociétés ont inspiré des concepts tels que celui de la liberté. Les philosophes écoféministes qui ignorent ce fait et aspirent à un retour à la Nature, supposant que cette restitution signifierait l’abolition de toute exploitation et souffrance, ne font que reproduire la croyance en la nécessité de sortir de l’Histoire, qui a à la fois une version eschatologique-religieuse et une version utopique-matérialiste. Mais il est vrai que, loin de représenter une alternative libératrice, les sociétés matrifocales étaient marquées par deux ingrédients que l’on tente de dissimuler : la rareté et l’impuissance face aux caprices des phénomènes naturels.

    D’autre part, en raison des processus naturels que doit suivre une économie agricole, la vie de ces êtres humains était monotone et, à long terme, incompatible avec les instincts des jeunes hommes. En conséquence, les sociétés sédentaires de la préhistoire inhibaient les jeunes hommes par des conventions sociales qui garantissaient une vie plus sûre. Comme le souligne James George Frazer dans Le Rameau d'or, l’homme primitif ignore la différence entre convention et Nature, puisque la loi non écrite lui semble aussi naturelle que les cycles de la terre et du soleil. En fin de compte, l’habitant des populations sédentaires préhistoriques n’était pas un sujet libre, comme l’imaginent les héritiers de Rousseau, mais l’homme le plus asservi qui ait jamais existé.

    Les jeunes hommes indo-européens, en revanche, ont fait de la vitalité leur plus grande vertu et ont formé l’aristocratie qui a fondé les cités-États de l’Âge du Fer. La constatation du pouvoir reproductif féminin, que les hommes primitifs attribuaient à une origine magique, a conduit les hommes à réaffirmer leur capacité créative, au-delà du corps, par le biais de la téchne (production ou fabrication matérielle). Grâce aux outils produits artificiellement, les êtres humains ont accru leur capacité d’agir sur la réalité, atténuant leur vulnérabilité face à la Nature. Évidemment, la fabrication d’outils, qui implique la capacité et le désir de transcender les limites de l’espèce et de fonder une seconde nature (la culture), constituait l’essence du genre Homo pratiquement depuis ses origines. Cependant, c’est en Europe, dans ce que Oswald Spengler appelle l’esprit faustien occidental, que : « la lutte entre la nature et l’homme, qui avec son existence historique se rebelle contre la nature, a été pratiquement menée à son terme. »

    L’expression artistique qui représente le mieux ce changement de tendance se retrouve dans les statues grecques connues sous le nom de Kuroi (κοῦροι), qui immortalisent de jeunes athlètes victorieux. À en juger par la transition esthétique citée, cette nouvelle société ne vénérait plus la Grande Mère, mais les valeurs liées à la jeunesse et à la beauté. La ville européenne qui se crée à partir de cette floue période préhistorique se définit par sa volonté de tenter de conserver, dans un environnement urbain, la liberté des peuples nomades et de la jeunesse barbare, exaltant les tendances d’un mode de vie qui a un impact positif sur les manifestations culturelles développées dans le contexte privilégié de la pólis. La clé de la civilisation européenne réside dans son refus d’essayer de supprimer les ambitions de la jeunesse, même si celles-ci peuvent sembler déstabilisatrices, mais dans leur exaltation et leur perfectionnement par le biais du gymnase, de la palestre et des autres expressions de l’ἀγών (le mot « agón » fait référence à la compétition, qu’elle soit sportive, artistique, militaire ou dialectique).

    Cela dit, la connaissance de ce processus de sélection et d’élevage pratiqué par les élites des sociétés « civilisées » depuis l’Antiquité soulève également des conséquences qui devraient nous amener à réfléchir. Après avoir domestiqué le monde vivant, les aristocrates ont pris en charge leur propre autodomestication, et cette souveraineté sur eux-mêmes leur a permis de se consolider en tant qu’élite et de domestiquer les masses. Autrement dit, l’articulation de sociétés hiérarchiques dépend de la relation qui s’établit entre les maîtres et les domestiqués, que ces derniers soient des natures inertes, comme la matière-énergie, ou des natures vivantes, comme les animaux ou d’autres êtres humains. À la lumière des événements survenus ces dernières années, nous prévoyons que la sophistication des techniques de domestication augure d’un avenir à court ou moyen terme où ces différences entre maitres et domestiqués ne feront que s’intensifier.

    Marcos G.

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  • Le temps des peurs...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un nouvel essai de Michel Maffesoli intitulé Le temps des peurs

    Penseur de la post-modernité, ancien élève de Julien Freund et de Gilbert Durand, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019), La faillite des élites (Lexio, 2019) ou  L'ère des soulèvements (Cerf, 2021).

     

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    " Nos peurs peuvent-elles être instrumentalisées ? Oui, répond Michel Maffesoli qui montre comment une élite centrée sur les anciennes valeurs productivistes et individualistes " invente " sans discontinuer de nouveaux dangers, pour normaliser et contraindre les comportements individuels.

    La peur est un sentiment intemporel, propre à une espèce humaine consciente de sa finitude. Dans le passé ces émotions ont été régulées par diverses croyances religieuses et par des rites collectifs. La modernité a développé une idéologie du progrès, laissant accroire que l'homme pouvait éradiquer le mal, vaincre la maladie, voire la mort.
    La gestion de la " pseudo-pandémie " s'est inscrite dans cette idéologie scientiste, rationaliste et les diverses élites au pouvoir (politiques, hauts fonctionnaires, experts médiatiques et médiatisés) ont amplifié les dangers, pour justifier la restriction des relations sociales et ce qui constitue en général l'essence de l'Être-ensemble.
    L'auteur analyse ici la stratégie utilisée par le pouvoir : déni de la mort et de la finitude, utilisation de la scène médiatique, stigmatisation de tout mise en cause de la doxa. Il s'attache à inscrire cette critique dans l'idéologie moderne qu'il estime dépassée par les changements de valeurs à l'œuvre dans la société de base.
    Les divers mouvements de rébellion du peuple s'inscrivent en effet dans un refus de l'idéologie progressiste et réhabilite un ordre naturel que la modernité avait cru dépassé. Nous assistons un retour de la Tradition. "

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  • Une histoire des femmes...

    Les éditions Kontre Kulture viennent de rééditer l'essai historique de Maurice Bardèche intitulé Histoire des femmes. Normalien, agrégé de lettres et auteurs d'essais reconnus sur Proust, Balzac ou Flaubert, Maurice Bardèche était également le beau-frère de Robert Brasillach et a animé après guerre la revue Défense de l'Occident.

     

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    " L’histoire des femmes se confond avec celle des hommes, mais elle a ses spécificités propres, elle est « l’histoire de l’humanité lue dans l’évolution de la vie privée ». Souvent en retrait des grands événements qui ont façonné le monde, la femme en est à sa manière tout autant fondatrice que les hommes. Elle en est aussi le reflet. Reflet de l’image que les hommes se font d’eux-mêmes et reflet de la société dans laquelle elle vit. Les conditions de son existence, les libertés et les responsabilités qu’on lui a laissées ou qu’elle a prises, ont déterminé un modèle de société qui l’a à son tour modelée.

    Mais de la Chine impériale à la civilisation islamique, de la Grèce antique aux tribus celtiques, de l’Inde aryenne à l’Égypte ancienne, à travers le temps et à travers l’espace, c’est essentiellement sa condition économique qui détermine son mode d’existence, car « une paysanne chinoise, une paysanne chrétienne, une paysanne de Rome ont d’abord vécu comme une paysanne ». À l’autre bout du spectre, la vie de cour détermine des traits particuliers qui font que, à la longue, toutes les femmes s’y ressemblent. Ce sont donc celles « appartenant à ce qu’il est convenu d’appeler l’élite d’une nation qui nous donnent une idée plus exacte de chaque civilisation. […] On s’aperçoit alors que le statut politique sous lequel chaque nation a vécu a eu une grande importance sur la vie et le pouvoir des femmes. » Féodalités, monarchies absolues, empires, régimes démocratiques ont donné aux femmes une place qui n’est pas toujours celle imposée par notre imaginaire collectif. « Il faut renoncer en particulier à l’idée séduisante que la femme est née esclave et proie, qu’elle n’a longtemps connu que la servitude et que son histoire est celle d’une lente accession à des formes supportables de la dépendance, puis de proche en proche à sa libération. Rien n’est plus faux que cette imagerie. » "

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  • La populophobie...

    Les éditions Plon viennent de publier un essai de Guillaume Bigot intitulé La populophobie - Le gouvernement de l'élite, par l'élite et pour l'élite. Docteur en sciences politiques, publiciste, Guillaume Bigot est l'auteur de plusieurs essais comme Sept scénarios de l'apocalypse (Flammarion, 2000), Le Zombie et le fanatique (Flammarion, 2002), Le Jour où la France tremblera (Ramsay, 2005) ou La trahison des chefs (Fayard, 2013).

     

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    La cause semble entendue : en Occident voire dans le monde entier, cédant aux sirènes du populisme, les peuples semblent avoir pris en grippe leurs élites. Mais, est-ce que ce ne sont pas les classes dirigeantes qui, en vérité, avaient déjà décidé de rompre avec leurs peuples ?

    Est-ce que ce n'est pas le sommet qui n'aime plus la base ? Tel est le point de départ de l'essai décapant que Guillaume Bigot consacre à la colère des gilets jaunes et au besoin de renouvellement de la classe dirigeante française.
    Ce divorce, que les élites mondialisées voulurent partout à l'amiable, a revêtu une tournure particulièrement exacerbée en France avec la spectaculaire crise des ronds-points. En replaçant la révolte de la France périphérique dans le long terme de notre histoire, l'auteur montre que les élites françaises aiment rarement le peuple, qui le leur rend bien. Relisant la crise de 2018-2019 il montre que cette explosion de colère est le prélude d'une remise en cause plus profonde et durable des classes dirigeantes françaises. Car Guillaume Bigot éclaire l'actualité en lui apportant le relief de l'histoire, sans lequel celle-ci demeure difficile à interpréter et impossible à prévoir. Et applique à la société de 2020 les analyses de l'abbé Sieyès sur le tiers état. En s'appuyant également sur Michelet, il montre que l'Hexagone ne peut être gouverné que par un souverain allié au peuple pour tenir en respect les importants. Enfin, la loi des 3 âges des classes dirigeantes formulée par Chateaubriand lui sert de point d'appui pour appeler au renouvellement profond de la classe dirigeante française.
    Selon l'essayiste, la France est entrée en convulsions et n'en sortira que lorsque l'élite actuelle et son paradigme auront été remplacés. Voici le plaidoyer d'un intellectuel républicain en faveur du populisme.

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  • Michel Maffesoli : "Nos politiques sont élus par 10% de la population!"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Michel Maffesoli à Boulevard Voltaire à l'occasion de la sortie de son essai, écrit avec Hélène Strohl, La faillite des élites (Lexio, 2019). Penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018) et dernièrement La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019).

     

                                     

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  • Une sécession des élites ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Marc Crapez, cueilli sur le site de Marianne et consacré à l'installation du populisme dans le paysage politique français. Spécialiste de l'histoire des idées, Marc Crapez est notamment l'auteur d'un essai marquant intitulé La gauche réactionnaire (Berg, 1997).

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    Le populisme est imputable à la sécession des élites
     
    D’où provient l’émergence de partis populistes qui font des scores à deux chiffres? Le vieillissement de la population européenne, invoqué par certains, n’explique pas grand-chose puisque les «seniors» sont réticents à voter pour ces formations. Il faut chercher du côté de déséquilibres restés sans solutions et de questions restées sans réponses.
     
    Le populisme est l’exploitation systématique du rêve populaire de réalisation immédiate des revendications des masses, selon la définition de Guy Hermet. Il provient actuellement d’une situation où «l’équilibre ne se fait plus entre les élites et le peuple». A preuve, l’emploi à tort et à travers du mot populisme, sans qu’il ne soit jamais question de son contraire, l’élitisme, contient une part de défiance envers la souveraineté populaire.
     
    L’éclosion de partis populistes ne résulte pas seulement de la propagande orchestrée par une poignée de démagogues. Elle résulte d’abord de la récupération d’aspirations populaires récusées par un élitisme exacerbé. Cette «révolte des élites», selon la formule de Christopher Lasch, a déclenché l’offensive, rudoyé le corps social, disloqué le cadre politique national, creusé la distanciation sociale et les inégalités de traitement.
     
    Le populisme est le contrecoup de l’institutionnalisation de l’idéologie post-soixante-huitarde. L’attachement patriotique et les valeurs classiques ayant été brutalement jetés aux oubliettes, tant par la droite que par la gauche, il n’est pas étonnant que surgisse une offre politique de belle brocante.
     

    Relégation et dépossession démocratique

    Les élites estiment la France sans grand intérêt. Elles ne font plus allégeance au projet républicain, mais à l’Europe et la mondialisation. Cela renforce les doutes de la population et la fragmentation communautariste de la société. Les partis populistes offrent un refuge politique et une fraternité de substitution aux catégories de citoyens maltraités par les élites parce qu’ils se posent trop de questions face aux tensions engendrées par la mondialisation et le multiculturalisme à marche forcée.
     
    Une France délaissée par les pouvoirs publics et médiatiques éprouve un sentiment de relégation. Elle ressent un déni d’appartenance et d’inclusion qui peut la pousser vers le vote extrémiste dans une logique de réparation et d’égalité. Orpheline de la protection tutélaire d’un creuset français, elle réclame les cadres nécessaires à une cohésion nationale.
     
    A cette impression d’abandon s’ajoute celle d’une dépossession démocratique, d’une démocratie française insuffisamment fidèle à ses propres principes. Le populisme du 21ème siècle est une attente de débat démocratique sur des questions ou des aspirations évacuées à la hâte. Penser qu’il puisse y avoir trop d’immigrés, d’assistés ou de profiteurs serait non seulement faux, mais odieux et criminel. Le mariage homosexuel serait non seulement une bonne chose, mais une évidence uniquement contestée par des arriérés ou des sous-doués, etc.
     
    Une vision paternalisme impute le vote Front national à des crispations peureuses. En réalité, de même que les neuf dixième des électeurs de Jean-Luc Mélenchon trouvent qu’il y a beaucoup trop d’inégalités sociales et qu’il faut absolument faire quelque chose, les neuf dixième des électeurs de Marine Le Pen trouvent que l’on accueille trop d’immigrés et qu’il faut absolument agir. Ce ne sont pas des points de vue irrationnels. Preuve en est que nul ne s’aventurerait à soutenir qu’il n’y a pas assez d’inégalités sociales ou pas assez d’immigrés. Même si camper sur l’idée que la France accueille beaucoup trop d’immigrés peut conduire à des raisonnements erronés.
     
    Marc Crapez (Marianne2.fr, 22 juin 2012)  
     
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