Dans l’affaire des influenceurs algériens, il y a d’abord les étonnés. Ceux qui découvrent, ébahis, que la France héberge sur son sol des individus ouvertement hostiles et animés des intentions les plus mauvaises à notre égard. Qui à Lille, qui à Montpellier, qui à Brest, ce n’est pas un cas isolé mais plusieurs individus, qui disposent chacun d’une audience significative sur les réseaux sociaux, et appellent simultanément leurs abonnés à commettre viols et meurtres sur des Français.
Force est de reconnaître que ces influenceurs ne s’embarrassent pas de précautions oratoires ni ne cherchent à dissimuler leur identité, alors même que l’un d’eux est sous le coup d’une OQTF. Difficile cette fois aux relativistes en chef et autres virtuoses de l’euphémisme de trouver des excuses, de plaider la sempiternelle cause du déclassement social ou de la discrimination, ou de tenter une exégèse alambiquée : les propos tenus sont purement et simplement des appels au meurtre, prononcés depuis le sol français contre des Français. On aimerait d’ailleurs entendre davantage les militants de la lutte contre les messages haineux, d’habitude bien prompts à débusquer la faute à chaque virgule dès qu’une parole émane d’un représentant dit «de droite», qui auraient pourtant là une raison légitime de s’alarmer.
Et puis il y a les étonnés qu’il y ait encore des étonnés. Ceux qui ont compris ce qui se tramait en France depuis des années, qui n’est autre que la diffusion d’une culture de haine de notre pays. En découvrant les messages publiés par les influenceurs, je n’ai pu m’empêcher de penser à une autre vidéo diffusée il y a quelques mois sur un réseau social. Il s’agissait d’un micro-trottoir réalisé dans la rue à Paris et montrant l’interview de trois jeunes garçons de dix ou onze ans. Après avoir revendiqué fièrement leur origine algérienne, ils sont invités à énoncer leur préférence entre la France et l’Algérie. Ils répondent du tac au tac l’Algérie, ce qui n’a rien de bien étonnant hélas. On leur demande ensuite la devise respective des deux pays. Pour l’Algérie ils s’exclament avec ferveur : «One, two, three, viva l’Algérie !» . Mais quand vient le moment de dire celle de la France, l’enthousiasme fait instantanément place au mépris le plus total. Ils prononcent quelques mots d’arabe qui ne respirent pas franchement la sympathie, et que l’un d’eux finit par traduire : «la devise de la France, c’est Nique ta mère la France !»
Le point commun entre le message des influenceurs et le discours des jeunes Parisiens, c’est la haine décomplexée de la France. La haine de la France portée en étendard, comme un motif de fierté. La haine de la France brandie effrontément, au nez des Français, à même le sol français. La différence, c’est que les premiers sont Algériens, tandis que les autres sont Français, nés en France. Et c’est bien là le plus grave.
Ce que n’a pas voulu voir et persiste à ne pas vouloir voir une immense partie des élites, c’est le succès croissant, auprès de toute une frange de la jeunesse issue de l’immigration, de la posture du rejet de la France. Elle est progressivement devenue à la mode, en vogue, incontournable. Dans le milieu maghrébin, le lait du biberon de nombreux enfants n’a pas seulement l’aigreur de l’antisémitisme, il a aussi le relent amer de la détestation de la France. Pour beaucoup de jeunes il est désormais de bon ton de dénigrer la France, de montrer le plus souvent possible et de manière ostentatoire les preuves de sa non-appartenance à la nation. Bientôt viendra le temps où la seule parole ne suffira plus, il sera demandé d’y adjoindre l’acte, pour garantir sa bonne intégration dans tel ou tel groupe d’amis. La cécité des classes politique et médiatique est immense et immensément coupable.
Elles ont été coupables de ne pas voir, derrière les émeutes de juillet 2023 et leur lot d’écoles, de bibliothèques, de mairies et de commissariats incendiés, la marque de la haine de la France. Coupables d’ignorer, derrière les agressions de policiers et les refus d’obtempérer désormais quotidiens, la marque de la haine de la France. Coupables de ne pas comprendre, derrière les insultes et les coups portés par des élèves sur leurs professeurs dans l’enceinte même de l’école, qu’il s’agit là aussi de la marque de la haine de la France. Coupables de ne pas faire le lien entre l’explosion des agressions dans les hôpitaux et la montée de la haine de la France. Coupables enfin, et surtout, de ne pas nommer le caractère antifrançais du meurtre de Thomas à Crépol.
Elles se sont montrées coupables de refuser de voir et de nommer la haine de la France, a fortiori de la combattre, la laissant ainsi prospérer en toute impunité sur notre territoire. Mais la faute morale ne se limite pas à la cécité. Pour que la haine de la France prenne aussi bien, il a fallu au préalable que le terreau lui soit favorable. Ce terreau, c’est celui de plusieurs générations qui ont été délibérément privées de la transmission de l’amour de leur pays. Ce sont plusieurs générations d’enfants qui ont appris à l’école que France rimait avec repentance et que son histoire pouvait se résumer à la colonisation et l’esclavagisme. Plusieurs générations à qui l’on a martelé que toutes les cultures se valaient et que la culture française n’avait rien d’exceptionnel, jusqu’à la négation même de son existence par le chef de l’État. Des générations d’enfants qui, postés devant leur téléviseur, n’ont entendu parler de la France que sur le ton de la dérision ou de la condamnation.
Ce dénigrement permanent a fait des ravages dans toute la société, mais plus encore auprès des personnes d’origine immigrée. Ce pour au moins deux raisons : premièrement parce que l’amour d’un pays qui n’est pas celui de ses ancêtres n’a rien de spontané ; il ne préexiste pas par nature et ne peut naître que par la médiation de la culture. Deuxièmement parce qu’il fallait tout faire pour assécher à la source le ressentiment colonial qui anime malheureusement certains immigrés. Tâcher de faire naître l’amour patriotique chez tous les jeunes Français était un devoir auquel les élites ont collectivement failli. C’était la meilleure manière d’éviter la propagation de la maladie de la haine de la France, qui aujourd’hui gangrène la jeunesse des quartiers sensibles. Elle est le résultat de nos aveuglements, nos errements et nos reniements collectifs.
Diane de Bourguesdon (Figaro Vox, 13 janvier 2025)