Vous pouvez découvrir ci-dessous l'analyse à chaud par l'Observatoire du journalisme du traitement par les médias du raid sauvage mené par une meute d'allogènes armés de couteaux contre le bal du village de Crépol, qui s'est terminé par le meurtre du jeune Thomas Perotto.
Tragédie de Crépol : rixe ou agression ?
Tragédie de Crépol : rixe ou agression ?Un bal d’automne dans la Drôme tourne au massacre. Dans la nuit du 18 au 19 novembre 2023, à Crépol, une quinzaine d’individus armés de couteaux font irruption dans la salle communale, assassinent Thomas, jeune lycéen, et blessent 16 autres personnes. Un énième “fait divers” qui vient troubler la tranquillité de ce village auvergnat.
Une couverture à géométrie variable
Cette attaque d’une violence inouïe a frappé Crépol le week-end du 18 novembre 2023. À cette période, tous les médias mainstream étaient tournés vers l’agression au cutter par un vieillard de Mourad, un jardinier dans le Val-de-Marne dont le camion bloquait une route, mais n’ont eu aucun mot pour Thomas pendant les trois jours suivant l’attaque (Boulevard Voltaire, 22/11/2023).
Marion Maréchal a alors pris la parole affirmant que “Pour un Mourad, il y a cent Thomas” et ajoutant que ce fait divers révèle “les prémices de la guerre civile” et d’une ”guerre ethnique” (Le Figaro, le 22/11/2023).
« Rixe» employé à la place d’attaque préméditée
Il est intéressant de noter le choix délibéré et systématique du terme “rixe” dans les premiers rapports médiatiques. Ce choix sémantique semble avoir été privilégié pour banaliser et minimiser l’importance de ce “fait divers”, en renvoyant à une altercation entre jeunes plutôt qu’un acte unilatéral de violence préméditée. Effectivement, lors de sa conférence de presse, le procureur de Valence, Laurent de Caigny, avait qualifié l’événement de “rixe générale” et d’”expédition programmée” (Valeurs Actuelles, le 20/11/2023).
Cette volonté de marteler la notion de “fait divers” constitue une réelle stratégie visant, selon certains, à dépolitiser un sujet d’une plus grande ampleur (Valeurs Actuelles, 22/11/2023).
Alors que la section de recherche de Grenoble est chargée de l’enquête, les militaires assurent – sans rire — qu’il n’y a eu “aucune revendication religieuse ou politique” et que les faits s’apparentent davantage à une “bagarre” ou “une rixe” (Le Figaro, le 19/11/2023).
Comme le rapporte Le Dauphiné (20/11/2023), des mères s’insurgent : “Certains médias disent qu’il s’agit d’une rixe ou d’un règlement de comptes, c’est faux ! On ne peut pas laisser dire ça !”. Un jeune homme présent au moment des faits rapporte que les agresseurs ont dit vouloir “planter des Blancs” et ajoute : “C’était l’horreur. Pour moi c’est clairement un attentat”.
Entre euphémismes et cachotteries
« Il faut à ce stade rester prudent sur l’origine des agresseurs » témoigne une source proche de l’enquête dans Le Parisien, BFMTV fait état d’une “rixe”, d’une “bagarre” et du “pain bénit pour l’extrême droite” que constituerait cette affaire.
France Info s’est aussi vu attribuer une note de la communauté sur le réseau social X suite à sa description de l’attaque mortelle de samedi soir comme une “rixe en marge d’une fête à Crépol”. Cette note souligne que “la manière dont l’information était présentée de manière trompeuse. Il s’est agi d’un meurtre, de tentatives de meurtre, coups et violence en bande organisée commis par des jeunes contre les participants pacifiques à une fête de village”. En effet, le terme “rixe” fait davantage allusion à une querelle violente dans un lieu public, entre deux groupes antagonistes, et non à une telle agression conclue par le meurtre d’un adolescent et les blessures d’autres innocents. Ce même média a préféré accuser l’”instrumentalisation” et la “surenchère de la récupération politique” de la part d’une partie de la droite (FranceInfo, le 21/11/2023).
En réalité, l’enquête est menée pour “tentatives de meurtre, de coups et de violences en bande organisée” (Le Dauphiné, le 22/11/2023).
De nombreux témoins s’agacent des termes utilisés par les publications susnommées, minimisant la réelle ampleur de l’événement, comme Emmanuelle, l’une des organisatrices du bal affirmant : « C’était une attaque pas une rixe ou une bagarre ! Y’avait du sang partout… Des gens essayaient de sauver Thomas » (Le Parisien) ou encore Léo, l’un de ses amis “On a la haine, Personnellement j’ai un sentiment de violence incontrôlable” .
Comme Lola ou encore Enzo, et tant d’autres innocents, Thomas sera rapidement oublié, n’aura pas de minute de silence à l’Assemblée nationale, et ne sera pas élevé au rang de “petit ange parti trop tôt”. L’appareil médiatique préfèrera se conforter dans la pusillanimité, renonçant une nouvelle fois à énoncer la réalité.
Observatoire du journalisme (Ojim, 24 novembre 2023)