Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Camille Galic, cueilli sur Polémia et consacré aux mesures liberticides prises par Gérald Darmanin pour interdire toute expression libre à la droite radicale... Journaliste, Camille Galic a dirigé l'hebdomadaire Rivarol pendant vingt-cinq ans.
Gérald Darmanin, le voyou de la République
Après la scandaleuse interdiction par la préfecture de police de l’hommage national prévu le dimanche 14 mai à 9 h 30 place des Pyramides, à Jeanne d’Arc, sainte de la Patrie, sous prétexte qu’il serait « porté par des groupuscules d’ultradroite » selon la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté Sonia Backès (un référé a été déposé contre cette mesure inique), on peut s’attendre au pire. Le VIIe Forum de la Nation organisé la veille par Jeune Nation dans l’espoir de « rebâtir la nation au milieu des ruines » est-il également menacé ainsi que le banquet de Rivarol annoncé pour le 24 juin et sans doute bien d’autres manifestations. Bien sûr, on peut être d’accord ou non avec tel ou tel courant de pensée ou telle ou telle expression d’une opinion. Mais la liberté ne se divise pas et le principe de la liberté d’expression est précisément de permettre l’expression de ceux avec qui on n’est pas d’accord ! L’attitude du gouvernement est dangereusement liberticide car de proche en proche toute expression qui lui déplaît pourrait être interdite.
Cette question se pose depuis l’instruction donnée le 9 mai par Gérald Darmanin aux préfets de « prendre des arrêtés d’interdiction » lorsque « tout militant d’ultradroite ou d’extrÊme droite [le ministre ratisse large, Nadine Morano et même Sylvain Tesson ou Michel Houellebecq étant désormais catalogués d’extrême droite !] ou toute association ou collectif, à Paris comme partout sur le territoire, déposera des déclarations de manifestations » semblables à celle qui s’est déroulée le 6 mai. Dans le calme et la dignité et sans provoquer le moindre incident mais qui, en raison des « images choquantes », cf. la Première ministresse, diffusées ad nauseam par les chaînes de télévision, n’en a pas moins provoqué l’indignation générale. D’Éric Ciotti aux plus excités des Insoumis en passant par Mathieu Bock-Côté qui, d’ordinaire mieux inspiré, a flétri sur CNews le 8 mai ce défilé de « néo-fascistes et peut-être même de néo-nazis professant une idéologie détestable ». Mais, comme l’a sévèrement fait remarquer à l’Assemblée l’élue écolo Francesca Pasquini, « ce n’est pas parce que l’ennemi est silencieux et qu’il marche au pas sans déborder qu’il n’est pas dangereux ».
Loin de Black Lives Matter
Ces dangereux ennemis de l’humanité en général et de la République en particulier étaient des militants du Comité du 9-Mai créé en 1994, Édouard Balladur étant Premier ministre et Charles Pasqua ministre de l’Intérieur, à la mémoire du jeune Sébastien Deyzieu qui, poursuivi sur un kilomètre par des policiers à la suite d’une manifestation hostile à l’interventionnisme des États-Unis dans les Balkans et au Proche-Orient, s’était, pour leur échapper, réfugié sur le toit d’un immeuble, d’où il fit une chute mortelle. Un drame qui rappelait la mort du diabétique tunisien Malik Oussekine ayant succombé à une charge policière à Paris lors des émeutes anti-Devaquet en 1986 et annonçait celle du truand afro-américain et miné par la drogue George Floyd décédé en mai 2020 à Minneapolis lors d’une arrestation musclée par des flics – pour la plupart non Blancs.
Mais si Oussekine et Floyd sont devenus des icônes de la gauche qui, dans le cas du second, lança le mouvement Black Lives Matter aussitôt célèbre et suivi dans le monde entier, une indifférence totale prévalut en ce qui concerne Sébastien Deyzieu. En revanche, l’émotion fut profonde dans les milieux nationaux. Le premier cortège d’hommage fut conduit par l’ancien député Roger Holeindre, les conseillers régionaux Jean-Yves Le Gallou, Marie-Caroline Le Pen et Philippe Olivier ainsi que par Samuel Maréchal, directeur du Front national de la jeunesse, et, depuis près de trois décennies, aucun dérapage n’a été observé lors des marches anniversaires.
Dans son excellent article « Interdiction, répression… Darmanin, l’apprenti sorcier » publié ici, Guillaume Luyt, successeur de Maréchal à la tête du FNJ puis président des Identitaires de 2002 à 2009, déplore que les nationalistes de 2023 aient adopté « les codes de l’ultra gauche, repris il y a 20 ans par les nationalistes autonomes allemands », soit « le parfait look “black block” en y ajoutant, à l’envi, les masques et les cagoules les plus improbables ». Une mise en scène esthétiquement très réussie avec les drapeaux à croix celtique (vue aussi le même jour lors du sacre de Charles III à l’abbaye de Westminster !) mais en effet « parfaite pour les cameramen de Brut ou de Yann Barthès » et idéale pour légitimer tant l’indignation réelle ou feinte des belles consciences que la répression décidée par Gérald Darmanin qui savait ce qu’il faisait en prononçant il y a deux ans la dissolution de Génération identitaire. « Parce que le modèle identitaire avait débordé le cadre de la jeunesse patriote pour inspirer jusqu’aux élus locaux LR, il fallait l’éliminer », estime Guillaume Luyt. Avec cet avantage supplémentaire que, privée de cadre et livrée à elle-même, cette jeunesse ne manquerait pas de céder à certaines outrances et à la provocation (visuelle et non agissante, rappelons-le), ressuscitant ainsi « un spectre bien commode ».
Ministre exécrable mais manipulateur d’élite
En tant que ministre de l’Intérieur, Darmanin est au-dessous du médiocre comme il l’a montré face aux banlieues ethniques, aux clandestins (les 230 passagers en majorité africains de l’Ocean Viking refusés par l’Italie mais accueillis à Toulon en novembre 2022 et aussitôt évaporés dans la nature), aux « mineurs étrangers non accompagnés » mais parfois trentenaires qui, munis d’iPhone dernier modèle et frimant sur des trottinettes électriques, tiennent impunément le haut du pavé à Nice, à Marseille ou à Paris où ils participent aux trafics de drogue, aux mafias albanaises, rom ou nigériane, ou aux imams radicaux, assez puissants pour obliger la doyenne de la Sorbonne à annuler la conférence que devait donner le 12 mai l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, auteur aux éditions Odile Jacob du livre Le Frérisme et ses réseaux – L’Enquête. En revanche, celui qui se targue d’un grand-père maternel militant du FLN et d’une mère « femme de ménage » (alors qu’elle était concierge de la Banque de France où elle jouissait récemment encore d’un confortable appartement), est un politicard des plus retors et un manipulateur hors pair, sans foi ni loi et doté d’un formidable culot.
Qu’on se souvienne de sa condamnation de Marine Le Pen, décrétée par lui alternativement « extrémiste » et « trop molle », puis de Georgia Meloni désormais accusée de « ne rien faire » pour juguler le tsunami migratoire déferlant sur l’Italie pour atteindre la France, accusation le conduisant à affirmer que, parvenue au pouvoir, la présidente du Rassemblement national serait aussi impuissante que Meloni. Reproche peut-être fondé, mais insupportable de la part d’un membre du gouvernement qui, à l’unisson avec la Commission européenne, s’est acharné à saborder, comme non démocratiques, toutes les initiatives prises par la dirigeante italienne pour tenter d’endiguer le Grand Remplacement. Et allégations insupportables surtout dans la bouche d’un ministre qui, après avoir annoncé à son de trompe sa volonté d’en finir avec l’immigration sauvage submergeant Mayotte grâce au déploiement d’importantes forces de l’ordre sur l’île martyre, a brutalement cané en trois jours devant l’obstruction des juges et le chantage du gouvernement comorien exigeant des compensations financières extravagantes pour reprendre ses ressortissants. Si tant est que cette très coûteuse opération se poursuive, le Tartarin de la Place Beauvau n’en parle plus, et les journalistes font montre d’une exquise discrétion.
Darmanin ? Non, Darmalin
Suivi par tous les médias de grand chemin, Darmanin a en revanche monté en épingle la présence (du reste traditionnelle et discrète) à l’hommage rendu à Sébastien Deyzieu d’Olivier Duguet, ancien trésorier de Jeanne, le micro-parti créé par Marine Le Pen, et d’Axel Loustau, ancien du GUD mais aussi conseiller régional RN d’Île-de-France jusqu’en 2021 et, lors de la présidentielle de 2017, directeur de la cellule financière de la campagne de la candidate Le Pen. Acculée à une attitude défensive, celle qui a érigé en ardente obligation la dédiabolisation de son parti est ainsi allée jusqu’à affirmer sur Sud Radio que Loustau et Duguet, qu’elle connaît depuis leurs études communes de droit et a si longtemps appréciés, « ne font pas partie de [s]es proches ». Cette assertion l’a fait perdre sur tous les tableaux, l’extrême gauche lui reprochant son « mensonge » et l’« extrême droite » sa « trahison ». Bien joué, Gérald Darmanin !
Cette dernière péripétie, dommageable en vue des élections européennes, fera-t-elle également reculer Marine Le Pen dans les sondages qui la donnaient tous arrivant en tête au premier tour de la présidentielle de 2027 ? Une chose est sûre : si la tendance se confirme malgré tout, le nouveau Fouché profitera de toutes les occasions (quitte à les susciter) pour l’inverser. Et si Laurent Wauquiez se décide enfin à plonger dans le grand bain, il fera bien de se méfier, lui aussi. De même qu’Edouard Philippe car, nul ne l’ignore, Darmanin ou plutôt Darmalin rêve lui aussi d’un « destin national » et fera tout, y compris les plus sales coups, pour y parvenir.
Camille Galic (Polémia, 12 mai 2023)