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2001-2021 : 20 ans après. Quel bilan pour la criminalité ?...

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Xavier Raufer à la revue Conflits dans lequel il évoque l'évolution de la criminalité en France au cours des 20 dernières années.

Criminologue et auteurs de nombreux essais, Xavier Raufer a publié ces dernières années Les nouveaux dangers planétaires (CNRS, 2012) et Criminologie - La dimension stratégique et géopolitique (Eska, 2014) et, tout récemment, Le crime mondialisé (Cerf, 2019).

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2001-2021 : 20 ans après. Quel bilan pour la criminalité ?

Quels contours a pris la criminalité en France depuis les vingt dernières années ?  

Il n’existe pas UNE criminalité, mais plusieurs : l’une dite « de voie publique » – la plus inquiétante pour la population – plus d’autres spécifiques, affectant le monde financier, l’environnement, l’univers numérique, etc.

Pour les infractions de voie publique : effrac­tions, agressions, braquages, vols multiples, pillage par bandes, etc., le phénomène ma­jeur est que désormais des étrangers venus du monde entier et des immigrés (ou des­cendants directs) en forment l’écrasante majorité. Les récents rapports du SIRASCO (Po­lice judiciaire – Service d’information, de renseigne­ment et d’analyse stratégique sur le crime organisé) présentent en détail (origine, infrac­tions, implantations …) toutes les enti­tés criminelles actives en France. Or dans ce texte de 250 pages, les seuls bandits français émergeant d’une marée d’étran­gers ou descen­dants, sont des Corses de Marseille, évoqués en un maigre para­graphe. Diagnostic confirmé par le rapport annuel du rensei­gnement criminel-gendar­merie.

Enfin, l’Office des stupéfiants a sa liste des caïds de la drogue en France. Sur les dix principaux : neuf Maghrébins et un Caribéen. Pour le dire autrement, si dispa­raissait soudain cette criminalité allogène, le personnel policier voué à réprimer le crime serait sans dommage rem­placé par quelques gardes champêtres…

A-t-elle significativement augmenté ?

Comme la population française augmente en général, sa part criminelle aussi ; avec, dans ses rangs, l’indéniable « grand remplacement » des bandits, signalé par le ministère de l’Intérieur lui-même : le « milieu » parisien, nordiste, lyonnais, stéphanois, etc. a presque disparu au profit des étrangers ci-dessus évoqués, recrutés et retranchés dans ces zones hors contrôle, ou « territoires perdus de la République », que nos ministres successifs pré­ten­dent inexistants en dépit du réalisme le plus élémen­taire.

Cela dit, la crimi­nalité finan­cière, les atteintes à l’environnement, le cyber-crime, ont pour nuisibles des individus bien moins « issus de la diversité » que le crime de voie publique.

On lie souvent criminalité et trafics. Qu’en est-il sur la période 2001-2021 ?

Mais le crime organisé ne fait que trafiquer ! Les criminels sont d’abord des prédateurs opportunistes. Par un simple calcul coût/bénéfice (ce que je gagne, ce que je risque), ils arbitrent entre les stupéfiants, les êtres humains, les armes, la contrebande-contrefaçon, etc. se­lon leur flair, leur implantation, leurs compétences et complicités. C’est différent pour les mafias – les vraies. Leurs règles et codes rigides doivent être respectés sous peine de mort. Cosa nostra par exemple (la mafia de Sicile), proscrit le proxénétisme à ses affiliés. En revanche, ce n’est pas le cas pour la Camorra (Campanie, Naples) ou la Ndrangheta (Calabre).

Depuis les émeutes dans les banlieues en 2005, la droite française fantasme sur « l’ex­plosion des banlieues ». Or cette génération de 2005 a maintenant 15 ans de plus, et on ne constate pas cette explosion. Comment analysez-vous cette peur sur les deux der­nières décennies ? 

Après 1962, la France a occulté le souvenir de pénibles guerres coloniales – menées sans grand appétit. Les Français sont passés à autre chose. Dans la conscience collec­tive, res­tait cependant le souvenir d’une entité hostile organisée : la wilaya-France du FLN algé­rien, ses attentats en métropole, ses homicides communautaires, etc. Quand les émeutes vio­lentes de fin octobre 2005 ont soudain éclaté, des médias pressés et un public inquiet ont « prolongé les courbes ». Or ces émeutes de 2005 étaient aux anti­podes des péripéties FLN-MNA de 1955-1960. Elles émanaient de bandes juvéniles agis­sant cha­cune dans leur coin ; rivales, voire ennemies des gangs voisins, pour des points de deal de drogue, des rixes passées, des haines de caïds, etc. Fantasmer que ces bandes forme­raient une sorte de néo-FLN assaillant la métropole était inepte : rien de tel n’est advenu.

Comment a évolué le phénomène mafieux en France depuis 20 ans ? Est-il toujours important ou est-il dépassé par d’autres mafias d’origine étrangère ?

Comme susmentionné, en France, et de la base au sommet, la délinquance ou la crimi­nalité de voie publique sont massivement le fait d’étrangers, d’immigrés ou de leurs descendants. Votre question interroge plutôt sur l’usage du mot « mafia » par des médias d’information. Alors que ce mot, au sens criminologique précis, désigne une « aristocratie » criminelle très redoutable apparue dans moins de dix pays au monde, ces médias mettent, par sensationnalisme, le mot « mafia » à toutes les sauces. « La mafia des ordures », lisait-on ainsi récemment.

Un tel cafouillis séman­tique pro­voque confusions et erreurs de diagnostic. Que di­rait-on d’un méde­cin nom­mant cancer un panaris, ou l’inverse ? Or de même, le mé­susage du mot mafia est lourd de conséquences négatives ; d’abord pour les po­pulations portant ce gravissime poids criminel.

Qu’est-ce qu’une vraie mafia, alors ? Une entité séculaire où l’on entre par initiation, fondée sur le triptyque intimidation-omerta-soumission. En février 2012, la Revue d’His­toire des Religions définit parfaitement Cosa nostra de Sicile : « Société secrète dépour­vue de statuts et de listes d’appartenance, disciplinée par des règles transmises orale­ment. Au sein de Cosa nostra, seule la parole donnée, la “parole d’honneur” engage à vie ». Et quelle pérennité ! Le deuxième repenti de l’histoire de Cosa nostra se présente ainsi au juge Fal­cone : « Je suis Salvatore Contorno, Homme d’Honneur de la septième géné­ration, dans la fa­mille de Santa Maria di Gesù » (Palerme). Hors des sept ou huit ma­fias du monde, qui n’a jamais vu des criminels de père en fils, en ligne directe depuis deux siècles ? Enfin, les vraies mafias sont quasi-indéracinables : Cosa nos­tra a traversé vingt ans de fascisme ; les grandes Tria­des chi­noises, soixante-dix ans de commu­nisme, dont les dix de la « Révolu­tion cultu­relle » qui fit des dizaines de millions de vic­ti­mes. Toutes ont survécu.

Tout le reste, y compris la fictive « mafia russe », ne sont que des bandes ou des gangs, dont au­cun n’a jamais dépassé la première génération.

Le terme étant proprement posé, je réponds : il n’y a pas, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de mafia en France. Des cellules mafieuses italiennes en PACA, alba­naises près de la Suisse (où elles sont très présentes), des ma­fieux turcs dans les milieux nationalistes-pantouraniens (« Loups gris ») : ça oui. Mais une mafia autochtone, nulle­ment.

L’appréhension de la criminalité par les forces de police a-t-elle évolué elle aussi ?  

Côté appréhension des phénomènes criminels (ou terroristes), la police française en est hélas restée aux méthodes d’il y a cinquante ans. Elle ne dispose d’aucun dispositif d’alerte sérieux, elle ne voit pour l’essentiel rien venir à temps (c’est à dire, pour pouvoir intervenir précocement). Elle en reste à la bonne vieille police de papa : commission d’une infraction, enquête, interpellation et déferrement. Et on recommence sur l’individu ou la bande suivants.

Or depuis la décennie 1990, pour tout problème de sécurité-souveraineté, la hantise su­prême de tout gouvernant est le choc stratégique. Exemple illustre : les at­taques du 11 septembre 2001 sur New York et Washington, que nul n’a prévues, voire ima­ginées ; at­taques ayant frappé l’Amérique si fort qu’elle ne s’en est, à ce jour, pas re­mise.

Dans un autre domaine, la pandémie COVID 19 ne fut pas plus anticipée : le 26 février 2020, une éminence du ministère de l’Intérieur m’avertissait ainsi de ce qu’il venait d’ap­prendre : « Bientôt débute une pandémie hors contrôle, qu’on ne sait ni arrêter, ni soi­gner ». En un éclair – le 16 mars, deux semaines après – nous étions confinés.

Cette faible réactivité n’est pas à imputer à la police, mais aux récents ministres de l’Inté­rieur. Comment ont-ils pu supporter, sans virer des inca­pables au sommet puis réformer les institutions en cause, qu’après Merah et les atten­tats du printemps 2012, il ait fallu cinq ans pour que les instances de l’État réalisent le péril des hybrides crime-terrorisme (tous les Abdeslam, les Kouachi, etc. en sont). Com­ment le phénomène largement crimi­nel des « mineurs non accompagnés », réel proxénétisme du vol exercé sur de jeunes mi­grants, peut-il déferler sur la France depuis 2016 sans que, depuis lors, on n’y fasse rien, sauf gaspiller des milliards d’euros à nourrir et loger des pillards ?

Telle est le principal problème de police de la France, en 2021. Il lui faut délaisser le ré­ac­tif pour le proactif. À sa tête, il faut un Clemenceau : les bandits circulaient désormais en auto ? Il crée les brigades motorisées pour les affronter. Le problème crucial de la dé­cen­nie 2021 n’est plus, comme en 1900, de maîtriser L’ESPACE, mais le TEMPS. Entre deux shows à usage médiatique, le ministère de l’Intérieur devrait le réali­ser.

Xavier Raufer (Site de la revue Conflits, 24 décembre 2021)

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