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  • Guy Debord et la stratégie...

    Les éditions L'échappée viennent de publier un recueil de notes de lectures de Guy Debord intitulé Stratégie. Figure de proue et principal penseur du mouvement situationniste, Guy Debord est l'auteur de La société du spectacle et des Commentaires sur la société du spectacle. Il est également l'inventeur d'un jeu de réflexion stratégique, dont les règles ont été publiés dans Le jeu de la guerre (Gallimard, 2010).

     

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    " La réflexion sur la stratégie est au cœur de la pensée de Guy Debord. Héritiers du dadaïsme, du surréalisme puis du lettrisme, lui et ses compagnons de route ont cherché un nouveau passage vers une contestation aussi large que possible des conditions de vie dans nos sociétés modernes. Ils n’ont eu de cesse de porter concrètement la lutte hors du champ de l’art, dans le domaine de la vie quotidienne : la révolution doit être d’abord la modification des perspectives au sein de cette vie. Les propositions théoriques de Guy Debord s’accompagnent ainsi tout au long de l’aventure d’un violent désir d’action pour faire changer la face d’un monde dont il rejette les faux-semblants, avec en ligne de mire la mise en œuvre effective de son projet révolutionnaire. Le Jeu de la guerre imaginé par Debord dès le milieu des années 1950 témoigne de la place qu’a occupée dans sa réflexion la nécessité de penser stratégiquement tout projet d’action, quel qu’il soit. "

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  • À quoi rêvent les gilets jaunes ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur Huyghe.fr et consacré au mouvement des "Gilets jaunes" et à son idéologie sous-jacente. Spécialiste de la guerre de l'information, François Bernard Huyghe, auteur de nombreux livres, a récemment publié La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015) et Fake news - La grande peur (VA Press, 2018).

     

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    Gilets jaunes : et la dimension idéologique ?

    À quoi rêvent les gilets jaunes ?
    On ne cesse de le répéter, leur mouvement souffre de trois carences : manque de chefs, manque de revendications lisibles et manque d’idées.

    - Pour le manque de chefs - et en attendant qu’ils aient inventés des procédures pour désigner des porte-paroles incontestés, et résolu en quelques semaines le problème séculaire de la représentation et du mandat direct - l’argument n’est pas faux. Il est simplement amusant que ceux qui l’emploient, notamment dits à gauche, aient parfois célébré la spontanéité du printemps arabe, l’intelligence des foules, la non-hiérarchie y compris dans l’entreprise, et, pour les plus vieux, les comités de base et l’auto-organisation des masses, etc. Est-ce si terrible de ne pas avoir de César ou de tribun ? Ce n’est plus cool de décider par délibération permanente sur les réseaux sociaux ?

    - Pour l’absence de revendications, il semble plutôt que c’est leur surabondance qui fait problème. Elles s’articulent autour de demandes simples. Stop d’abord : ils demandent, au-delà du prix du carburant, un relâchement de la pression fiscale pour soulager leur détresse immédiate. L’État-protecteur ensuite : loin d’ignorer que l’on ne peut à la fois diminuer les impôts et augmenter les prestations publiques, ils veulent une juste contribution et une juste protection. La troisième thématique est dégagiste : que Macron, arroseur arrosé, s’en aille, que l’on dissolve l’Assemblée, que l’on supprime éventuellement le Sénat. De la démocratie directe, ensuite, en corollaire. Dernière demande, d’ordre symbolique : être respectés, entendus, reconnus, en finir avec le mépris.
    On a le droit de dire que ces demandes sont irréalistes (soit parce qu’il n’y a pas d’alternative à l’actuelle gouvernance économico-sociale, soit parce que, bon sang, le président a été élu pour cinq ans et qu’il doit appliquer son programme). Mais on ne peut dire qu’elles n’existent pas.

    - Les gilets jaunes n’auraient pas d’idées ? Quand on dit cela, c’est généralement pour afficher une supériorité (ces beaufs ne comprennent rien à l’économie), ou pour leur attribuer, au contraire, des idées inavouables et odorantes, celles de l’extrême-droite. Homophobes, xénophobes, violents, pressophobes, séditieux, complotistes, chemises brunes déguisés en sans-culottes sous leurs gilets jaunes : tout y a passé.

    Or il y a une cohérence dans représentations des protestataires. Si idéologie il y a, elle n’est pas sans rappeler le « qualunquismo » italien d’après-guerre (le mouvement de l’homme « quelconque »). Elle est à la fois de droite et de gauche comme ne l’était pas Macron. Mais surtout elle pose la question du peuple et de son pouvoir. Elle a remporté sa première victoire en dessinant clairement les camps. Au moins chez leurs adversaires qui se sont auto-caricaturés : camp des riches + camp des technos + professeurs de morale antifascistes de profession + bobos écolos amoureux de la planète mais pas des bouseux ; nommez un lieu commun, il a été personnifié.

    La rhétorique des gilets jaunes s’articule, comme toute idéologie, autour d’une opposition. Elle a un adversaire à la fois de classe (riches profiteurs et chiens de garde, les intellectuels bobos), institutionnel (l’État qui ne remplit pas son rôle) et indirectement géopolitique (la mondialisation impitoyable aux faibles). Le tout incarné par Macron, qui combine signes personnels (style provocateur, rhétorique arrogante) et marqueurs de la superclasse. Les valeurs dont ils se réclament ? égalité et protection. Plus exactement, les gilets jaunes ont l’impression de se battre contre un triple déni de la part de la technosphère et des couches supérieures : déni de la réalité qu’ils vivent, déni de leur dignité personnelle et déni de leur rôle de représentants du peuple souverain.

    La légitimité qu’ils invoquent ? le peuple comme sujet politique (démos) mais aussi la classe moyenne ou basse, (la plèbe). Quel projet politique alors ? Une nouvelle constitution, un nouveau système ? Pas clair. Certes pas d’utopie, mais une revendication démocratique : que nos représentants nous représentent authentiquement. On a le droit de juger que c’est court (mais personne ne pond des traités doctrinaux en quinze jours sur les barrages).

    Surtout, les gilets jaunes (qui d’ailleurs commencent à élaborer des cahiers de doléances) ont compris l’essentiel : nous ne sommes pas encore dans la post-politique. Il y a toujours du conflit, des groupes qui s’affrontent pour faire prédominer leurs forces et leurs visions du monde et il n’y pas qu’un seul modèle politique, fixé par les règles de la mondialisation et la rationalité technique et économique... Ce n’est déjà pas si mal de nous le rappeler.

    Dans tous les cas, quand vous avez des passions communes, un adversaire « historique » commun, quelques représentations et catégories explicatives communes, et une folle envie de transformer la politique (ou plus exactement ici le) politique), vous menez une lutte idéologique.
    Dans ce cas, votre problème n’est pas tant de vous renforcer dans vos convictions, ni de mieux vous coordonner (ce que les gilets jaunes font assez bien en exploitant la nature égalitaire et communautaire des réseaux sociaux).
    Le problème c’est de trouver des alliés, des relais dans la société civile, des formes politiques, etc. Tout commence ?

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 30 novembre 2018)

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