Les éditions Gallimard viennent de publier une étude biographique signée par Alexeï Pavlioukov et intitulée Le fonctionnaire de la Grande Terreur : Nikolaï Iejov. Alexeï Pavlioukov est chercheur à l'institut de sociologie de l'académie des sciences de Russie.
" Le nom de Iejov, ministre du NKVD, la police politique soviétique, est associé pour toujours au moment le plus sinistre de l’histoire russe, celui de la Grande Terreur (1937-1938) et de ses millions de victimes.
Alexeï Pavlioukov a eu accès aux archives centrales du FSB (les services de police politique), habituellement fermées aux chercheurs, et en particulier aux dossiers d’instruction de Iejov lui-même et de ses plus proches collaborateurs, quand ils furent à leur tour arrêtés. Cherchant à se disculper, tous racontèrent dans le détail comment la machine avait été mise en marche sur ordre de Staline, et comment elle avait fonctionné pendant un peu moins de deux ans avec ses quotas de victimes planifiés.
Iejov, personnalité banale, sinon falote, apprenti tailleur, soldat adhérant pendant la révolution au parti bolchevik dont il devient un fonctionnaire, s’élève peu à peu à l’intérieur de l’appareil grâce à une vertu que très vite relèvent ses chefs : l'aptitude à exécuter coûte que coûte les ordres reçus, sans états d’âme autres que la promesse d’une promotion. Petit, timide, piètre orateur, inculte, il serait probablement depuis longtemps oublié s’il était resté un homme de l’appareil du parti responsable des cadres et n'avait pas été, par la volonté de Staline, appelé à s’occuper de la police politique.Le lecteur suit pas à pas cette ascension, puis la chute quand Staline décide de mettre fin à la Grande Terreur et de se débarrasser de ses exécutants.
Iejov fut un rouage essentiel de la Grande Terreur ; sa biographie est en réalité celle d’un système avec la part de hasards, de rencontres, d’opportunités de carrière, de logique bureaucratique et d’effets sanguinaires, dictés tant par l’aveuglement idéologique que par les circonstances d’une réalité qui échappe aux plans et se montre rétive aux programmes. C’est, somme toute, la biographie scrupuleuse d’une criminalité de bureau. "