Les éditions Allia publient cette semaine un court essai satirique de Giovanni Papini intitulé Les imbéciles. Écrivain italien de la première moitié du vingtième siècle, Giovanni Papini a été proche du futurisme à ses débuts et s'est rapproché du fascisme au cours des années 30. Son oeuvre a été apprécié aussi bien par Julius Evola que par Jorge Luis Borges.
"«Si les hommes de génie n’avaient pas existé, nous serions encore des barbares mais, sans les idiots, le genre humain se serait éteint depuis bien longtemps. Et le fait qu’en tout temps ils soient justement les plus nombreux et les plus puissants représente un argument considérable en faveur de la Providence. Parfois, un demi-siècle a pu s’écouler sans qu’un esprit souverain qui sorte de l’ordinaire ne se manifeste, mais chaque jour qui se lève voit croître et prospérer "l’immense coalition des idiots".»"Race prolifique", les imbéciles, en raison même de leur nombre, assurent la survie de l’espèce. Ils sont aussi source d’un divertissement salutaire et autorisent la plus grande paresse. Car si tous les hommes étaient intelligents, que d’efforts il faudrait alors déployer. Qui plus est, sans imbécile, pas de génie non plus. Leur domination, vu la masse qu’ils représentent, assure une classe de oisifs. En effet, l’imbécile accepte volontiers des tâches, voire même des responsabilités, dont l’homme intelligent ne voudrait pour rien au monde. Raison pour laquelle les puissants en sont souvent dotés, d’imbécillité s’entend. D’autant que, comme ses idées, si tant est qu’il en ait, sont courantes, ses semblables ne peuvent que les approuver. Car l’imbécile ne se superpose pas tout à fait à l’ignorant qui, lui, ne pense pas du tout. L’imbécile a ceci de dangereux qu’il se mêle de tout et volontiers d’art et de littérature, quand ce n’est pas de politique. C’est que les imbéciles sont partout. Pis, ils prolifèrent. Mais, comme vous l’apprendrez dans ce petit ouvrage, ce peut aussi être un avantage."