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Jihadisme et idéologie...

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son blog Huyghe.fr et consacré à la force d'impact de l'idéologie djihadiste et à ce qu'il est possible ou non de lui opposer... Spécialiste de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe a publié dernièrement Think tanks : Qand les idées changent vraiment le monde (Vuibert, 2013).

 

Génération Bataclan.jpg

Jihadisme et idéologie

À quoi sert un idéologie ? Globalement à trois choses.

D'abord à expliquer : par elle, le monde s'éclaire et se simplifie. Grâce aux cadres mentaux qu'elle fournit, à sa doxa qui est comme un logiciel, elle fait rentrer la complexité du réel dans un système d'interprétation. Et nous persuade que notre vision du monde est universellement valable et donne de la cohérence au chaos de l'histoire. Munis de l'idéologie qui fournit les réponses avant les questions, nous savons désormais d'où viennent nos malheurs (des ennemis, des dominants, des capitalistes, des résistances archaïques au progrès...), nous distinguons es desseins secrets derrière les événements et les lois qui font où va le monde. On notera au passage que l'islamisme est presque imbattable en ce domaine puisqu'il fournit la métacroyance (la croyance qui permet de juger des croyances) la plus simple et la plus stricte.

Ensuite à rassembler. L'idéologie - Nous contre Eux - n'existe que par référence à une idéologie ennemie : il y a nous, les véridiques et eux, ceux qui pensent à rebours soit qu'ils soient égarés par de mauvais bergers (en ce cas, on pourra les persuader et les ramener au vrai avec beaucoup d'efforts), soit que leur nature profonde (de classe, ethnique...) les rende imperméables à la vérité, et en ce cas...

Enfin l'idéologie oriente : elle nous présente des espoirs où nous assigne des tâches destinées à améliorer le monde, quand ce n'est à réaliser l'utopie. Elle est forcément prescriptive : son dire vise toujours à un faire ; il implique des obligations au moins implicites. A minima de voter pour X ou de soutenir Y.

De ce triple point de vue, le jihadisme extrêmement performant.

Son explication du monde se réfère à un schéma victimaire : les Juifs et les Croisés nous persécutent depuis la fin du califat ottoman (ou peut-être depuis la chute du califat de Bagdad en 1255). La Terre est le lieu d'affrontement entre les lois de Dieu et celles des hommes : choisissez.
Son "Nous" représente une communauté soudée par la soumission à des règles qui séparent des autres communautés, mais ce sont aussi des règles universelles destinées un jour à s'appliquer à tous les hommes. Eux, ce sont tous les égarés, qu'il est licite de traiter en ennemis et de soumettre. De ce point de vue, le jihadisme est imbattable : il a accumulé un tel ressentiment dans ce que Sloterdjik appelait "les banques de la colère

Quant au but, il n'est rien moins que l'instauration d'un ordre ultime conforme à la volonté de Dieu. Du reste, l'État islamique explique déjà qu'un vrai musulman doit aller vivre sur les terres du califat, les seules où l'on puisse mener une vie digne, faire la hijrah. On peut ainsi goûter maintenant - à moins de choisir le martyre qui est un ascenseur direct pour le Paradis - à un avant-goût de la vie digne et juste.

Face à ce bloc, nos réactions restent pauvres.
Se dire "génération Bataclan" et boire un apéro pour leur montrer combien nous les craignons peu, avec quel bonheur nous pratiquons le vivre ensemble, et avec quelle résistance nous sommes attachés à nos valeurs ? Ce n'est pas très efficace à cause de la métacroyance évoquée plus haut et peut même les inciter à nous mépriser davantage. Le spectacle de notre jouissance individuelle et de nos fraternisations est la cause de leur haine, pas son remède.
Le discours de réfutation - nous ne faisons la guerre qu'aux extrémistes pas aux musulmans que nous aimons ; rejoignez le camp de la diversité et le monde sans frontières - semble peu les intéresser pour des raisons qui nous échappent.
Les bombarder ? C'est les multiplier.
Les déradicaliser ? Dans certains pays, on essaie de le faire par des pratiques qui évoquent davantage la resocialisation des délinquants accompagnée de soutien psychologique. Dans d'autres, on joue davantage de l'autorité des religieux et de l'expérience des religieux, et c'est plus efficace.
Si une croyance ne peut être vaincue que par une croyance, nous sommes encore loin de savoir désarmer l'hostilité.

François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 22 novembre 2015)

 

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Commentaires

  • "Si une croyance ne peut être vaincue que par une croyance, nous sommes encore loin de savoir désarmer l'hostilité."
    Pourquoi "nous" ? D'autres croyances existent, a l'interieur du monde arabo-musulman... Mais en Europe on prefere, depuis au moins 30 ans, disserter a n'en plus finir sur le jihadisme et le fondamentalisme, lui faisant ainsi une publicite enorme, quand on ne le finance pas directement.
    Quid du Revival evangeliste americain, du renouveau du judaisme ? Non, malgre ses denegations, l'auteur est ne au Bataclan..10 avions vous avez dit ? Qu'a cela ne tienne, cocorico !

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