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Ecosse, Catalogne, Corse, Pays basque : même combat ?...

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Brighelli, cueilli sur son blog Bonnet d'âne et consacré à la poussée des régionalismes identitaires. Une analyse intéressante (et étonnante de la part de son auteur) sur un sujet profondément ambivalent...

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Ecosse, Catalogne, Corse, Pays basque : même combat !

Les Ecossais ont donc majoritairement voté No au référendum sur l’indépendance : le contraire aurait été surprenant, vu le matraquage opéré non seulement par les Anglais, soudain inquiets de perdre le contrôle de la poule aux œufs d’or, mais globalement par le monde entier, soucieux de ne pas encourager un si vilain exemple. Pour l’Europe, particulièrement, malgré le pseudo-exemple allemand, qui serait à la source des recompositions de régions voulues par François Hollande, le type qui n’a jamais fait de géographie, et qui semble croire que le Bordelais lorgne sur le Limousin, l’Auvergne sur Rhône-Alpes et la Corse — ben la Corse, on n’y touche pas, on sait trop bien ce qui arrive aux bâtiments publics quand on les contrarie. Et puis pour l’économie mondialisée, ces histoires de région, cela sonne un peu archaïque. Dans l’optique des Nouveaux Maîtres — Alibaba et Goldmann-Sachs réunis —, la planisphère s’article autour de la Chine industrielle (production) en une très vaste périphérie regroupant le reste du monde (consommateurs). Bref, l’Empire du Milieu mérite à nouveau son nom.
« À titre personnel, oui, je suis heureuse, parce qu’on n’aime jamais voir les nations qui constituent l’Europe se déliter… », a dit Najat Vallaud-Belkacem sur les ondes de France-Info, en ouverture de son interview du 19 septembre. Ma foi, elle a presque touché du doigt l’essentiel de cette élection ratée — mais une occasion manquée ne peut manquer d’amener une nouvelle occasion plus réussie — en Catalogne par exemple. L’essentiel, c’est que les Etats sont morts, dans le Grand Projet Mondialisé. Le pur jacobin que je suis s’en émeut, mais il constate : « l’Etat, c’est moi », disait Louis XIV — et l’Etat, désormais, c’est Hollande. On mesure la déperdition de sens. Le soleil s’est couché.

Dans un livre qui vient de paraître (la France périphérique — Comment on a sacrifié les classes populaires, Flammarion), le géographe Christophe Guilluy montre fort bien que la France est désormais une galaxie de malaises additionnés tournant autour des « villes mondialisées » que sont Paris et deux ou trois autres centres urbains. Ce qui, explique-t-il, entraîne des réactions, frictions, émeutes et vote FN dans des endroits fort éloignés des bastions historiques du lepénisme. Les cartes de la désindustrialisation et de la montée des extrêmes se superposent exactement. Et après les Bonnets rouges, précise-t-il, on peut s’attendre à d’autres jacqueries — au moment même où je lisais son analyse, les Bretons incendiaient le Centre des impôts de Morlaix. Et la Bretagne, pour tant, est fort éloignée de Hénin-Beaumont ou de Vitrolles. Mais voilà : ce sont désormais les périphéries qui flambent.
Eh bien, je vois la tentation indépendantiste de l’Ecosse, de la Catalogne ou du Pays basque comme des réactions périphériques au viol permanent opéré par la mondialisation. Ce ne sont pas des réactions contre les Etats — il n’y a plus d’Etat —, mais contre les abolisseurs de frontières, les importateurs de saloperies à deux balles, les financiers transnationaux, contre ceux qui trouvent que le McDo est meilleur que le haggis ou le figatelli, contre les appétits qui pompent du pétrole pour assouvir la City, ou qui exploitent Barcelone pour faire vivre Madrid.
En fait, soutenir les régions, aujourd’hui, a un sens exactement à l’opposé de ce qu’il a pu avoir en 1940-1944 — il faut être bête comme Askolovitch pour croire qu’exalter le vrai camembert normand est une manœuvre pétainiste. Soutenir les régions, c’est combattre l’uniformisation voulue par les oligarques du gouvernement mondial, et, plus près de nous, les valets de l’ultra-libéralisme qui ont fait de l’Europe le champ de manœuvres de leurs intérêts — les leurs, pas les nôtres.

Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 22 septembre 2014)

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