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règle

  • L'école en triche...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Bilger, mis en ligne sur son site Justice au singulier et consacré au développement de la fraude aux examens. Un signe des temps. Un de plus...

     

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    L'école en triche

    Il faut remettre la règle au coeur de la vie scolaire, déclare le ministre de l'Education nationale (Le Figaro). Elle n'y était donc pas, donc plus ? Quel constat d'échec mais quel beau programme s'il est réalisé !

    On a le droit d'être sceptique en considérant la multiplication récente des fraudes aux examens (bac, BTS et autres diplômes universitaires) et des triches qui dépassent "les blagues de potache", comme l'a affirmé trop rapidement au sujet de l'une d'elles Jean-Luc Mélenchon, mais un véritable système, "un vrai sport national" (Le Parisien). Cette généralisation ne permet pas de se rassurer en s'attachant aux faiblesses et à la subjectivité de chacun mais fait apparaître qu'il y a un poison coulant aujourd'hui dans les veines de nos institutions, de notre société : le déni de loyauté, la répudiation de l'honnêteté.

    Ce n'est pas rien que ce bouleversement d'un monde autour de ses bases morales. Là où il y a de la "triche", il y a de la certitude, du succès, en tout cas de l'espoir, rien qui malheureusement soit de nature à favoriser l'image qu'on devrait chercher à donner de soi. Il y a tant de dégradations qui, au fil du temps, constituent d'implacables réquisitoires contre notre laxisme, notre manière de gouverner, nos accommodements. A force de ne rien trouver de grave, on a descendu insensiblement, quasiment sans douleur ni secousse, une pente que nous ne parviendrons plus à remonter.

    Remettre la règle au coeur de la vie scolaire ! Pour mieux lutter contre les dérives qui depuis des années pourrissent les collèges et les lycées et pouvoir disposer d'un arsenal de sanctions plus adaptées, paraît-il (Marianne 2). Qu'on soit obligé en 2011 de prêcher des évidences et de décréter une autorité verbale sans cesse niée et ridiculisée par la réalité manifeste, certes, de la bonne volonté mais dans le vide !  L'existence  souvent insupportable au quotidien pour nombre d'enseignants, dont on est obligé de vanter le courage plus que le sens pédagogique, dans des établissements difficiles, est le signe d'une "machine" qui périclite. Il faut cesser de "jouer" l'étonnement devant la chronique inlassable et ostensible des dysfonctionnements de l'école.

    Aussi, comment espérer que ce qui résulte d'un délitement, conséquence de beaucoup de responsabilités médiocrement assumées à tous les niveaux, soit miraculeusement stoppé ? Il y a quelque chose de pathétique dans l'illusion que nourrit un pouvoir de prétendre opposer une politique à une catastrophe morale et civique. Là où il faudrait tout reprendre à zéro, ce qui est impossible, on est condamné à partir d'aujourd'hui, et donc toujours trop tard.

    Une anecdote personnelle pour terminer. Je me souviens au collège d'avoir été accusé de tricher parce que j'avais obtenu une note de 14 sur 20 à une épreuve de mathématiques sans jamais avoir été brillant dans cette matière. Ce qui m'avait horriblement humilié alors - le sentiment d'une injustice profonde - serait-il aujourd'hui si mal perçu ? Je n'irais pas jusqu'à prétendre que la fraude jouit aujourd'hui du charme d'une règle pas encore traditionnelle mais déjà moins sulfureuse, mais je m'interroge : et si la triche était devenue presque la règle ?

    Vite, que la honte revienne.

    Philippe Bilger (Justice au singulier, 29 juin 2011)

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