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  • Onfray en crimepenseur !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe , cueilli sur son site Huyghe.fr, qui démonte les mécanismes orwelliens à l’œuvre dans la polémique autour de Michel Onfray, entretenue par le système depuis les attaques de Manuel Valls contre le philosophe...

     

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    Onfray en crimepenseur

    L'affaire Onfray défraie la chronique depuis une semaine.
    Résumons
    Episode 1) Le philosophe déjà accusé par Manuel Valls de préférer une vérité dite par Alain de Benoist à une fausseté de BHL aggrave son cas en donnant une interview au Figaro où
    il fait remarquer que la photo du petit Aylan comme toute photo est "une idée" à qui sa légende donne son sens rhétorique et qu'à l'ère numérique tout peut être détourné (deux idées que d'autres ont exprimé des centaines de fois)
    il se plaint que "criminaliser la seule interrogation, c'est transformer en coupable quiconque se contenterait de la poser, ce qui paraît le bon sens même
    il dit que le peuple français est méprisé depuis la conversion socialiste à l'Europe libérale de 1983
    il en veut "moins à Marine Le Pen qu'à ceux qui la rendent possible" et avoue comprendre la souffrance des ceux - paysans en faillite, chômeurs, sur-diplomés sous-employés, retraités qui se demandent ce que l'on fait pour eux sans être pour autant xénophobes.

    Episode 2) Libération consacre six pages à crucifier Onfray autour du thème : "il fait le jeu du FN". Une exécution par Laurent Joffrin opérant en personne la fonction forensique (recherche des preuves du crime), la catéchèse (mise en garde et rappel des valeurs) et l'excommunication du philosophe, décrété renégat de la gauche, hérétique et dangereux.

    Episode 3) Depuis, la controverse continue avec la réponse de Onfray, les controverses que l'on imagine...
    Sans prétendre ajouter nos propres commentaires sur le déclin des intellectuels ou la liberté de penser, quelques remarques à la volée sur les techniques du nouveau maccarthysme.

    La criminalisation du sujet mélange de la compassion pour l'âme que l'on voit se perdre (on est attristé de son évolution, il fut des nôtres, il avait du talent), la mise en cause des facteurs d'époque (la zemmourisation, la ménardisation des esprits, l'environnement favorable au FN, le faible a cédé) mais aussi l'analyse de ses motivations obscures (un étrange "ressentiment", un simplisme "inquiétant", une "méchanceté brutale", de l'anathème, un règlement de comptes avec son ancienne famille). Moitié faible et conformiste, moitié pervers, en somme.
    Tout argument de Onfray est ramené au "complotisme" : si, à propos de la photo, il critique les versions officielles de conformité, des émotions et des discours dominants, n'est pas la même rhétorique que les obsédés de la conspiration ? S'il critique les médias, s'il croit que certaines questions ne peuvent être posées, s'il parle du peuple, ce qui sent déjà le populisme, s'il argue de sa souffrance et de la coupure des élites, n'est-il pas entré dans une paranoïa que l'on connaît bien ? Disant cela, Joffrin ne réalise pas ses propres contradictions. D'une part l'emploi de la catégorie vague de "conspirationniste" (toute personne qui attribue du pouvoir aux minorités qui contrôlent la politique, l'argent ou les médias, est-elle délirante ?) est elle-même passablement conspirationniste : tous ces gens ont un pouvoir incroyable (la preuve : Onfray peut s'exprimer dans le Figaro, de quoi se plaint-il ?), ils poursuivent un dessein commun de Le Pen à Onfray, de Finkelkraut à Riouffol, c'est bien connu. D'autre part, le chroniqueur en ricanant sur "les questions qu'il serait interdit de poser" ou la prétendue bien-pensance - il n'y a rien à voir, circulez -, et cela dans ce qui est presque un numéro spécial anti-Onfray qui équivaut à un permis de chasse médiatique, ne réalise pas qu'il lui donne raison : il y a bien une idéologie dominante. Elle n'a pas le monopole de l'expression (elle peut même être très différente de l'opinion dominante, ce qui n'a rien à voir) mais elle a le monopole des questions qui font débat et des termes dans lesquels elles sont autorisées. Si la critique hors clous ne peut être que le fait de délirants ou d'obsédés du bouc émissaire
    La dénégation pure et simple. Tout va bien : la photo n'est pas truquée, et la presse honnête, il n'y a aucun simplisme émotionnel (argument d'autorité : des experts, des représentants d'organisation, Merkel, Piketty, Habermas plaident pour l'accueil), la gauche de gouvernement où il y a encore des gens d'origine populaire comme Mauroy et Delors a fait tout son possible ou le moins mal possible, sans morgue ni mépris, on fait un maximum pour les Français, il n'y a pas de catégories abandonnées, ni de privilège, etc. Les agriculteurs ne sont pas abandonnés, En corollaire : l'argument ad consequentiam : si on écoutait Onfray, on finirait par ne plus soigner les sans-papiers et par donner raison au Front National. Bref, il n'y a pas d'alternative.
    Joffrin utilise une démarche que l'on aurait qualifiée de typiquement de droite il y a quelques années : ceux qui critiquent l'ordre global du monde - sans doute le moins mauvais possible, vu les circonstances - suivent un délire idéologique aveugle au réel et poursuivent des desseins obscurs. L'idée, par exemple, que les idéologies que nous professons puissent avoir le moindre rapport avec notre situation matérielle et nos intérêts réels, est totalement exclue.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 20 septembre 2015)

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