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changement climatique

  • Demain l'exode urbain ?...

    Les éditions de l'Observatoire viennent de publier un essai de Henri Landes intitulé Repeupler les campagnes - Comment organiser l'exode urbain pour répondre à l'urgence écologique. Cofondateur du laboratoire d'idées CliMates, Henri Landes enseigne la politique de l’environnement à Sciences Po et HEC. Il a quitté New York et Paris pour cofonder la ferme et association Landestini, en Auvergne.

     

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    " Face à l'urgence écologique, institutions et citoyens entreprennent des politiques de ville durable, d'agriculture urbaine, de consommation locale... Autant d'efforts aussi louables et nécessaires qu'inéluctablement limités. Un élément fondamental est oublié : le lieu de vie de la population. Dans cet essai militant, Henri Landes démontre la nécessité d'une meilleure répartition de la population sur le territoire français et propose des solutions concrètes pour amorcer ce changement. Ce nouvel exode pourra s'accomplir grâce à une prise de conscience individuelle et à une volonté d'accompagnement par les pouvoirs publics et les entreprises: investir dans l'économie rurale, créer des microsociétés plus autonomes, reconnecter les citoyens-consommateurs au monde agricole, sensibiliser les nouvelles générations aux richesses de la ruralité pour, en somme, faire revivre ces territoires plus aptes à s'adapter aux conséquences du changement climatique. La véritable transition écologique est à notre portée. Repeuplons les campagnes ! "

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  • Climatotalitarisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Slobodan Despot, cueilli sur Antipresse et dans lequel il évoque l'utilisation de la question climatique par le système. Éditeur, directeur de la lettre hebdomadaire Antipresse, Slobodan Despot a publié deux romans, Le miel (Gallimard, 2014) et Le rayon bleu (Gallimard, 2017).

     

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    Climatotalitarisme

    J’aime me réfugier au fin fond du val d’Hérens, dans sa veinule la plus reculée. Au-delà d’Arolla, il n’y a que la roche, les glaces et le ciel. Sous nos pieds, le grondement imperceptible des eaux collectées par la Dixence, le plus majestueux barrage du monde et, au bout du bout, la masse divine du Mont Collon, le Kailash des Alpes. De temps à autre, des corniches gelées s’effondrent vers la vallée avec un fracas de tremblement de terre.

    J’ai observé depuis une dizaine d’années le reflux constant du glacier qui permet au promeneur ordinaire que je suis de s’avancer toujours plus loin sans crampons ni piolets. Mais je découvre aussi que la fonte met à jour de curieux vestiges: tronc d’arbre à 2500 mètres, objets fabriqués de main d’homme et même, paraît-il, des restes de charrues. Preuve que là où nous ne voyons que des surfaces blanches immaculées passaient jadis des chemins, à sec. À une certaine époque, vers la fin du Moyen Âge, les vallées latérales de la haute vallée du Rhône communiquaient entre elles par la source et non par l’embouchure, par ces plaines lunaires où passe aujourd’hui la Patrouille des Glaciers. Le grand été du XIIIe siècle était beaucoup plus chaud que ceux que nous connaissons aujourd’hui. Il aurait, selon certains, contribué à la formidable expansion de la civilisation européenne.

    Une urgence vieille comme le monde

    Les variations climatiques sont la respiration même de cet être vivant qu’est la Terre. Les hommes d’avant l’ère industrielle n’en avaient même pas conscience. Ils n’avaient ni les moyens ni l’idée de s’y intéresser. Les cataclysmes naturels se cristallisaient dans les temps mythiques de la tradition. Le souvenir du Grand Déluge, par exemple, est commun pratiquement à toute l’humanité.

    Notre expérience du réchauffement climatique est essentiellement médiatisée. Nous n’y accédons que par des moyens verbaux, non par expérience directe (comme ce serait le cas, par exemple, lors d’un tsunami ou d’une inondation). Les bizarreries du temps, les canicules ou les tornades, sont des calamités vieilles comme le monde. Il n’y a plus de saisons et les nouvelles générations ne savent plus se tenir: on vous le dit et le répète depuis la nuit des temps. Des esprits malveillants ont repéré au moins trois grandes campagnes de mise en garde contre le désastre climatique imminent au cours du XXe siècle.

    Qu’on ne s’y trompe pas: ceci n’est pas un manifeste climatosceptique. Rien qu’en nous fondant sur notre mémoire personnelle d’adultes, nous remarquons que quelque chose cloche dans le climat. Quelle est la part du facteur humain dans ce changement? Personne à ce jour n’a pu la chiffrer, mais la bataille la plus enragée se livre, évidemment, entre les insouciants défenseurs du 0% et les prédicateurs fanatiques de la culpabilité totale. Ceux-ci taxant d’irresponsabilité quiconque se permet de relativiser leur dramaturgie.

    En attendant «Mad Max»

    Dans mon for intérieur, l’esprit et l’âme s’achoppent sur ce dilemme. Rationnellement, je pense que l’activité humaine est un pet d’écureuil au regard des facteurs cosmiques tels que l’activité solaire ou les cycles de Milanković. Ayant participé jadis à la traduction du résumé technique du GIEC — en ayant reçu quelques notions de logique et de rhétorique — j’ai cru m’apercevoir que ce texte de référence était affecté dans ses raisonnements d’un biais pessimiste peut-être délibéré: pratiquement à chaque embranchement de probabilités, il semblait pencher pour l’option du pire, même lorsqu’elle était statistiquement minoritaire. Le GIEC anxiogène des années 2000 aurait-il vu tout juste, renoncerions-nous d’un seul coup aux carburants fossiles, que cela ne dévierait pas de beaucoup le cap du Titanic. Nous sommes des milliards d’animaux frêles sans fourrure ni carapace, notre simple survie avec les accessoires qu’elle implique est un fardeau pour l’écoumène, dussions-nous retourner dans les cavernes.

    Or cette régression, loin de nous sauver, serait sans doute pire. La conscience environnementale, et les améliorations concrètes à notre empreinte écologique qu’elle peut induire, sont le propre des sociétés industrielles avancées — dans la mesure où il n’existe plus rien d’autre que des sociétés industrielles, différenciées uniquement par leurs stades de développement. Même Theodore Kaczynski, dit Unabomber, le premier écolo-terroriste et ennemi juré de la société industrielle, admet que le retour de l’homme moderne à la vie primitive est une dangereuse illusion. L’humanité corsetée de principes de service et d’abnégation des siècles passés n’a jamais réussi à entreprendre quoi que ce soit de concerté, on voit mal comment la masse ivre d’ego et de jouissance du XXIe siècle pourrait s’accorder ne fût-ce que sur le ramassage des cartons autrement que par une contrainte féroce. Et encore.

    La raison me pousse donc à promener ma Saab cabrio vintage en attendant avec philosophie ce moment de bascule (l’instant «Mad Max») où les «bonnes intentions» s’effaceront devant la nécessité et la loi du plus fort et où, selon Pierre-Henri Castel (1), l’humanité acculée sortira de son coma de Belle au Bois dormant et sera contrainte d’agir concrètement, pour le mal ou pour le bien.

    Sauver l’humain avant le climat

    Ça, c’est ce que me dit ma tête. Mais mon âme, elle, chante une autre chanson. Au fond de moi-même, je préfère considérer que la menace climatique existe, qu’elle est fatidique et que je peux agir pour la combattre. Je préfère cette position parce qu’elle fait de moi un être plus affûté, plus sobre et peut-être meilleur. J’en reviens à Unabomber. Dans son fameux manifeste, il ne pose pas l’industrialisation comme une menace pour l’environnement, mais d’abord comme une menace pour l’humain. Il n’est pas le premier à le clamer. Son œuvre, si bizarre qu’elle soit, peut être lue comme une synthèse simplifiée des vues des grands précurseurs de l’écologie comme Ellul, Illitch ou Anders (2). La société industrielle, dit-il (disent-ils) est nocive en premier lieu pour la structure psychique de ses membres. Hypersocialisée, hypernormée, hypernivelée, elle ne satisfait pas le moi, mais creuse un trou noir dans le noyau même de l’être, là où se logent ses raisons de vivre et d’agir. L’individu réduit à sa fonction décrit dans les Hauteurs béantes de Zinoviev, ce n’est pas seulement l’homo sovieticus, c’est l’homme moderne tout court. Ce vide béant en lui-même, l’homme sécularisé, privé de recours à la transcendance, s’efforce de le remplir par la bâfrerie, l’agitation et les mille faux appétits élaborés par la stimulation publicitaire où il baigne chaque jour de sa vie.

    Ainsi donc, mon fatalisme rationnel est contrebalancé par mon volontarisme spirituel. Nous n’arriverons peut-être pas à sauver la planète, mais poursuivre dans cette grande bouffe de la consommation globalisée, avec l’abrutissement effarant et la solitude qu’elle induit, c’est de toute façon laid, stupide et suicidaire. Il n’est de toute façon pas humain de vivre ainsi. Notre système nous conduit plus vite à la destruction de l’humain qu’à celle de son environnement. Et l’apparition récente d’antisystèmes violents, comme l’islam régressif, n’est peut-être qu’un symptôme de rejet collectif, inconscient, de cette aliénation. Il est d’autant plus urgent de sortir de la société industrielle par le haut et non par le bas.

    Dans ce but, l’angoisse écologique apparaît non comme une «cause» ou un «engagement», mais comme une mise en garde psychique, un «memento mori». Elle est la tête de mort posée sur un coin du bureau, le rappel dramatique de la finitude de notre condition. Les ressources de ce monde sont limitées, il faut les vénérer plutôt que de les dilapider, car nous n’avons pas de planète de rechange. Cette prise de conscience invite, comme toute doctrine aristocratique, à la retenue et au sacrifice. Elle n’est efficace qu’à l’échelle du nombre, mais s’adresse à chaque individu en particulier.

    La nouvelle machine à dominer

    Vais-je donc adhérer au parti écolo — ou à l’un de ses nombreux clones brusquement repeints en vert par démagogie électoraliste? Certainement pas. Comme les vertus chrétiennes, la conscience cosmique se transforme en massue sitôt qu’elle devient idéologie. Du jour au lendemain — c’est particulièrement frappant lors des actuelles élections fédérales en Suisse — on a vu les promoteurs du développement illimité se transformer en bigotes du «bio» sans même prendre la peine de lisser leurs contradictions. La rapidité et le cynisme de cette volte-face ont quelque chose d’effrayant. Ils montrent à quel point ces gens étaient creux et dénués de toute conviction propre. A quel point leur mentalité de girouettes est éloignée de toute œuvre silencieuse et durable, prérequis de toute interaction avec la nature. Ce sont eux, ces tourne-veste, qui signeront demain les ordres d’internement des climatosceptiques et non les écologistes de conviction, qu’ils auront dévorés au passage.

    Dans une analyse inspirée des élections fédérales, Jacques Pilet dépeint ce «brouillard vert», son fonctionnement et sa raison d’être en énumérant tous les sujets concrets et urgents que l’hystérie climatique permet d’escamoter: Europe, libre circulation des personnes, retraites, santé, transparence, impôts. «Le bla-bla vert a enfumé les discours», résume-t-il. C’était bien le but!

    La lutte environnementale récupérée par le système est avant tout une opération de prise de pouvoir sociale et politique, se traduisant en premier lieu, bien entendu, par la levée de nouvelles taxes, la création de postes et de sinécures, l’intimidation des masses et le renouvellement de la suprasociété dirigeante, dont le vert sainte-nitouche est devenu la couleur de ralliement. L’idéologie climatotalitaire pose, comme le communisme marxiste, des buts évidemment irréalisables. Ses accomplissements sont aussi invérifiables que ses principes sont irréfutables. Ses engagements, entièrement abstraits. C’est une machine de domination parfaite. De quoi culpabiliser, tondre et rééduquer les pollueurs incurables que nous sommes pendant des décennies.

    Slobodan Despot (Antipresse n°204, 27 octobre 2019)

    NOTES
    1. Auteur de ce petit essai insupportable et revigorant de lucidité, Le Mal qui vient (voir «Le parfum revigorant de l’apocalypse», Antipresse n° 159).

    2. Et encore plus tôt, Ramuz dans Besoin de grandeur — mais Ted K. n’a sans doute jamais eu accès à cet écrivain génial.

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