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  • Taïwan : une stratégie chinoise de la strangulation lente ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard cueilli sur Geopragma et consacré à la stratégie chinoise pour annexer l'île de Taïwan malgré le soutien des États-Unis dont celle-ci bénéficie...

     

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    Taïwan : une lente strangulation chinoise

    Interrogé en public sur la question de Taïwan par un journaliste le 21 octobre 2021, le président américain actuel est sorti de l’ambiguïté stratégique que tous ses prédécesseurs avaient soigneusement conservée depuis que les États-Unis ont, en 1979, reconnu officiellement la République populaire de Chine et sa doctrine d’un seul pays. Joe Biden a affirmé que si les forces communistes de l’Armée populaire de libération chinoise attaquaient Taïwan, l’Amérique se porterait militairement au secours de la petite île démocratique agressée.

    Le sujet était dans tous les esprits, dans la mesure où l’ambassadeur de Chine à Washington, Zhang Jun, venait de critiquer publiquement « les dangereuses actions américaines dans le détroit de Formose ». Ce diplomate de haut rang manie parfaitement l’inversion accusatoire, procédé rhétorique consistant à accuser l’autre de ses propres noires intentions. C’est en effet l’armée de l’air chinoise qui a multiplié, aux mois de septembre et d’octobre 2021, les vols dans la zone de défense de Taïwan et non les chasseurs-bombardiers américains qui sont allés frôler les côtes de la Chine populaire. L’ambassadeur voulait-il critiquer le passage de bâtiments de l’US Navy à travers le détroit, qui fait quand même 170 kms de large ?

    Aucune nation occidentale, ni même asiatique, ne reconnaît la prétention de la Chine à accaparer ce détroit, comme elle prétend accaparer la Mer de Chine du Sud. Dans cette mer plus vaste que la Méditerranée, qui va lécher les rives du Vietnam, de la Malaisie, de Brunei et des Philippines, l’armée chinoise s’est emparée d’une demi-douzaine de récifs jusque-là inhabités et considérés par le droit maritime international comme des terrae nullius (des territoires n’appartenant à personne). Elle les a poldérisés, et y a construit des aérodromes. Elle y a placé des missiles et des bombardiers stratégiques. Elle veut contrôler cet espace maritime, pas seulement pour ses richesses halieutiques ou pétrolières, mais aussi parce que c’est le chemin qu’empruntent ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins pour rejoindre les eaux profondes de l’Océan Pacifique.

    En matière de dissuasion nucléaire, la Chine s’est longtemps tenue à la politique de modération prônée par Deng Xiaoping. Elle avait adopté le modèle français d’un armement nucléaire minimum, juste capable d’une dissuasion du faible au fort. Avec Xi Jinping, elle a changé de stratégie, pour passer à un armement nucléaire important, capable d’intimider les autres puissances nucléaires de la planète. Elle vient de tester une arme hypersonique orbitale, capable de déjouer tous les systèmes de détection existant.

    Assisterons-nous, au cours de cette décennie, à une guerre navale entre la Chine et l’Amérique pour le contrôle de Taïwan ? Rationnellement, la Chine communiste n’a aucun besoin de cette île montagneuse de 36000 km2 et de 23 millions d’habitants pour pouvoir continuer à se développer et à s’enrichir. Certes la firme taïwanaise TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) est la championne du monde des processeurs de smartphones et des microcontrôleurs de véhicules automatisés. Mais la Chine populaire, qui produit 50000 ingénieurs de très haut niveau par an, ne tardera pas à rattraper Taïwan dans le domaine des semi-conducteurs.

    Le problème n’est pas un quelconque désir de prédation mais plutôt l’orgueil. Xi Jinping est un nationaliste extrême, qui rêve de ramener Formose au sein de la mère patrie. Sa répugnance à la prise de risque est moindre que celle de ses prédécesseurs à la tête du parti communiste. Ces derniers rendaient des comptes auprès de leurs pairs du Comité permanent du bureau politique. Depuis qu’il a aboli toute limite à ses mandats, Xi ne rend plus de comptes qu’à lui-même. Par ses discours, comme par les films grand public que produit le régime, il chauffe à blanc le nationalisme de la population. Le « nationalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage » disait Jaurès. Depuis qu’il est président de la commission militaire du Parti, Xi Jinping a plus que doublé le budget des armées de son pays.

    Mais je ne crois pas qu’il envisage un débarquement en force, du type Normandie 1944. Depuis Sun Tsu, le summum de la stratégie en Chine est de vaincre sans porter le fer. Intimider pour faire céder. La stratégie sera plutôt celle d’une strangulation lente. Par un blocus naval et aérien qui se mettra progressivement en place, en profitant de tous les moments stratégiques d’absence américaine – dus à des crises dans d’autres régions, à des élections trop disputées, ou à des scandales du type du Watergate. C’est à la faveur de cette affaire que la Turquie s’était par la force emparée, à l’été 1974, de tout le nord de l’île de Chypre. Trop occupés par leur problèmes domestiques, les Américains n’avaient, alors, pas réagi.

    Renaud Girard (Geopragma, 27 octobre 2021)

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  • Demain, la guerre pour Taïwan ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Yves Montenay, cueilli sur son blog et consacré à la tentation qui grandit en Chine d'une réunification par la force avec Taïwan...

    Centralien, diplômé de Sciences-po et docteur en démographie, Yves Montenay a eu une carrière internationale de cadre, conseil et chef d'entreprise dans 12 pays.

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    La guerre pour Taïwan ? Précédents historiques et risques militaires

    La Chine répète de plus en plus fortement qu’elle est décidée à « réunifier » le pays en annexant Taïwan. Et tout le monde remarque que le terme « pacifiquement » a disparu. Comme il semble que Taïwan ne puisse pas se défendre sans les États-Unis, une guerre à grande échelle est tout à fait possible si ce soutien se matérialise.

    Cela me rappelle des souvenirs historiques désagréables.

    De nombreux précédents de mauvais augure

    L’argument « c’est le même peuple, et il doit donc être rassemblé sous notre autorité », a beaucoup servi, y compris dans l’histoire récente de l’Europe.

    Je vais me borner à cette dernière.

    C’est en effet ce genre de discours qui a été une cause de grand affaiblissement de l’Europe. Cela commence par la guerre de la Prusse contre la France en 1870, avec l’annexion de l’Alsace-Lorraine. Ses habitants ont eu beau élire des représentants à Berlin répétant que c’était contre leur gré, il leur a été objecté : « vous êtes de civilisation et de langue germanique, donc des Allemands. Donc que ça vous plaise ou non votre place est dans notre empire (le deuxième Reich) ».

    Or cette guerre de 1870 est largement à l’origine de celle de 1914 – 18 qui a détruit démographiquement l’Europe. Conflit qui est lui-même à l’origine de la guerre « revancharde » de 1939 – 45. Et on se souvient que les années 1930 ont vu le rattachement de l’Autriche et des Sudètes (Allemands de Tchécoslovaquie) à l’Allemagne, « parce que faisant parti du peuple allemand ».

    Aujourd’hui la Russie a annexé la Crimée pour la même raison (elle est peuplée de Russes) et soutient les sécessionnistes du Donbass (Ukraine orientale) parce que leurs habitants sont russophones dans une république bilingue (russe – ukrainien) dans laquelle l’ukrainien a en principe un rôle prépondérant.

    Mais revenons au monde chinois

    Pourquoi Taïwan ?

    Taïwan n’a pas toujours été chinoise, et la population initiale existe toujours, même si elle est maintenant très minoritaire.

    Il y a eu en effet plusieurs vagues de colonisation chinoise, la dernière a lieu à l’occasion du repli de l’armée du Kuomintang dirigée par le président légitime de la Chine, Tchang Kai-Check, accompagnée de civils. Légitime ? En tout cas davantage que Mao, ce qui l’a amené à dire qu’il était le seul représentant de la Chine.

    Le temps a passé, la Chine communiste a été reconnue, Taïwan ne l’est plus comme un pays distinct à la suite des pressions chinoises, mais, de facto, des relations quasi diplomatiques demeurent avec le monde occidental

    Remarquons que Taïwan a gagné la guerre économique, puisque ce sont des sociétés de ce pays qui ont activement participé au décollage industriel de la Chine. Cela a illustré l’efficacité de son système libéral et capitaliste.

    Mais psychologiquement c’est un épisode que le gouvernement chinois voudrait bien faire oublier. Et nous voyons tous les jours, notamment à l’occasion de la proclamation du centième anniversaire du parti communiste chinois que Pékin a l’habitude de réécrire l’histoire à sa façon.

    Et la reprise en main de Hong Kong par la Chine communiste ne peut que crisper la population taïwanaise.

    L’exemple de Hong Kong renforce le refus taïwanais et occidental

    Il y a eu plusieurs tentatives de séduction chinoise envers Taïwan pour la réunification se fasse de manière paisible.

    Il y a eu notamment la proposition de Pékin d’accepter le dispositif « un pays, deux systèmes, comme à Hong Kong » ce qui a paru un moment et pour certains un arrangement possible.

    Mais les Taïwanais ne peuvent que constater aujourd’hui le non-respect du traité signé entre la Chine et l’Angleterre concernant la situation à Hong Kong.

    Et ce non-respect n’a pas seulement été une proclamation de principe pour affirmer la souveraineté de Pékin, mais a donné lieu, depuis mon article ci-dessus, à une nouvelle législation répressive et en pratique rétroactive, qui a mené à l’arrestation et à l’emprisonnement de nombreuses personnalités démocrates et a répandu une atmosphère d’autocensure et de crainte.

    Il y a donc là une crainte très réelle de la population taïwanaise de se retrouver dans la même situation. Et pour les États-Unis de perdre leur statut de défenseurs de la démocratie et des libertés.

    Sur le plan économique, l’offensive de Pékin contre ses propres capitalistes ne peut que renforcer la crainte de ceux de Taïwan.

    Tandis que d’un point de vue américain, la crainte de voir la Chine mettre la main sur la principale entreprise mondiale de production de puces électronique accroît encore l’inquiétude.

    Y aura-t-il résistance de Taïwan malgré la disproportion des forces (à ma connaissance du moins) ? Cela dépend probablement des assurances que Taïwan aura ou non de la part des Etats-Unis.

    Ces derniers risqueraient alors d’entrer dans un engrenage les menant à une guerre nucléaire.  Ils n’y tiennent pas, la Chine non plus. Mais si des avions ou des navires sont détruits, les représailles viendront … d’où mon terme d’engrenage.

    La guerre froide nous a déjà fait vivre de telles péripéties.

    Les leçons de la guerre froide se heurtent à la géographie

    A cette époque, et malgré une forte hostilité réciproque, les États-Unis et l’URSS ont maintenu des structures de dialogue pour éviter un désastre nucléaire mondial, et notamment un « téléphone rouge » entre les responsables. Mais on a néanmoins frôlé plusieurs fois la catastrophe.

    Je ne connais pas les secrets des contacts dans cet esprit entre Pékin et Washington, mais les sinologues sont pessimistes sur leur efficacité et même sur leur existence.

    De plus la géographie du théâtre des opérations laisse moins de temps pour réagir qu’à l’époque de la guerre froide. Le film « Docteur Folamour » l’illustre en montrant des avions américains volant des heures avant de pouvoir larguer leurs bombes atomiques sur l’URSS, laissant au contre-ordre le temps d’arriver.

    La « crise des missiles » (tentative d’installation de missiles soviétiques à Cuba) a entraîné une réaction particulièrement vigoureuse de Kennedy parce que Cuba est proche des Etats -Unis et que des missiles partant de cette île ne laisseraient pas le temps de discuter. Mais pour les installer il fallait traverser l’Atlantique, ce qui a laissé le temps de résoudre la crise.

    Le détroit de Taiwan étant beaucoup plus petit que l’Atlantique ou le Pacifique, il y a là une première raison de la contraction du temps de réaction pour stopper une invasion.

    De plus, aujourd’hui, les missiles remplacent les avions, deuxième raison de la contraction du temps de réaction.

    Donc la « négociation au bord du gouffre » sera difficile ou impossible, et l’on en est réduit à compter sur une « modération » du président Xi, modération qui n’existera que si les États-Unis montrent qu’ils sont prêts au pire. Ce qui n’est pas certain : les États-Unis sont une démocratie avec les lenteurs et les faiblesses compréhensibles que cela peut entraîner.

    On retombe sur l’avantage géopolitique en faveur des régimes autoritaires, dont la Turquie s’est servi avec succès pour envahir Chypre et Poutine en Crimée. C’est ennuyeux pour Taïwan !

    Yves Montenay (Blog d'Yves Montenay, 15 juillet 2021)

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