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  • La séparation des pouvoirs en question...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix, cueilli sur Polémia et consacré à la question de la nécessaire séparation des pouvoirs, que vient mettre en lumière le procès dans l'affaire des assistants parlementaires du RN.

    Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribéia, 2020).

     

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    Marine Le Pen face à la justice : la séparation des pouvoirs en question

    Les réquisitions du Parquet du 13 novembre devant le tribunal correctionnel de Paris, au procès dit des assistants parlementaires européens du Rassemblement national (Front national à l’époque), ont éclaté comme un coup de tonnerre.

    Des peines très lourdes demandées

    Il est demandé, pour s’en tenir au cas de Marine Le Pen, contre la cheftaine du RN, cinq ans de prison dont trois fermes, une lourde amende et une peine d’inéligibilité de cinq ans. Et ceci, avec exécution provisoire, comme si la prévenue risquait de réitérer l’infraction présumée, au su et au vu de tous, ou de se teindre en brune pour aller se cacher, sous une fausse identité, au Kamtchatka pour ne pas affronter l’appel qu’elle ne manquerait pas d’interjeter si le Tribunal suivait lesdites réquisitions.

    Coup de tonnerre dans le ciel bas et gris de la politique française, mais surtout le prix d’un État de droit accepté au lieu et place de l’État légal républicain. En effet, pourquoi avoir accepté le procès tel quel, pourquoi cette défense de connivence jusqu’ici, comme un voleur à la tire, alors que le rupture s’imposait dès l’origine ? Avec ou sans succès judiciaire direct, mais avec un retentissement politique autre et pas seulement pour pleurer a posteriori sur le lait répandu.

    « Je suis la République ! »

    Jean-Luc Mélenchon s’était opposé à la perquisition de son bureau de député français au siège de son parti (LFI), criant de façon spectaculaire aux policiers instrumentaires, et sous les caméras, « Je suis la République ! » (2018). Le parquet avait reculé, mais devant le Tribunal M. Mélenchon n’avait malheureusement pas repris cette défense politique et radicale, abandonnant l’État légal républicain à son absorption par l’État de droit (Rechtsstaat made in Germany [1]).

    Dans l’État légal, de la tradition républicaine française historique, la loi est au-dessus du juge et non l’inverse, contrairement à qui prévaut dans cet État de droit, que nous avons connu avant la lettre en France comme vice de l’Ancien régime (hors la trop courte parenthèse Maupeou de 1771-1774). Ou bien on s’y fait et on doit cesser de nous bassiner avec la République, ou bien on regimbe et on revendique la restauration de notre régime dans son essence spécifique.

    L’ordre légal républicain, jamais remis en cause avant l’émergence de l’État de droit dans la Vème république de l’après De Gaulle, supposait une stricte séparation des pouvoirs, l’article 127 de l’ancien Code pénal (1810-1994) édictant que le magistrat qui refusait d’appliquer une loi commettait le crime de forfaiture. Toutefois, avant même l’abrogation de ce code au profit du Code Badinter (1994), l’article 55 de la Constitution, énonçant la supériorité des traités sur la loi nationale, avait déjà servi de palliatif pour contourner l’interdit criminel. Selon l’historien de droit Jacques Krynen [2] cet article ne visait alors qu’à rassurer les Alliés de la France quant à ses engagements vis-à-vis d’eux (Guerre froide).

    Mais la Cour de cassation, en 1975 [3], puis le Conseil d’État, en 1989 [4], ont pris leurs aises jurisprudentielles devant l’indifférence distraite de nos politiciens qui n’aiment pas tant le pouvoir que son apparence (n’ont-ils pas abandonné récemment leur compétence en matière d’avortement au profit du Conseil constitutionnel de composition non démocratique ?).

    La séparation des pouvoirs, un droit et deux ordres

    Dès son origine, la république française, précisément pour en finir avec l’État de droit encore innomé de l’Ancien régime, avait établi, sous l’autorité suprême de la Loi formelle, une stricte séparation des pouvoirs, au point de connaître une postérité originale typiquement française. En effet, l’interdiction faite à l’autorité judiciaire de s’immiscer dans les fonctions des pouvoirs législatifs et exécutifs finira par conduire à la création d’un droit administratif autonome (1873) avec un ordre juridictionnel parallèle, mis sous l’égide du Conseil d’État afin de laisser l’ordre judiciaire, et donc la Cour de cassation, absolument en dehors du jeu.

    Or, si le Front national/Rassemblement national a donné aux fonds parlementaires qui lui étaient dus par le Parlement européen une affectation tout ou partie étrangère à leur objet, est-ce à un juge de l’ordre judiciaire de le sanctionner ? Que dirait-on si, symétriquement, une commission parlementaire perquisitionnait le cabinet d’un juge pour voir s’il fait bien son travail et utilise à bon escient l’argent du contribuable ? Là, on entendrait glapir à la « violation de la séparation des pouvoirs ! ». Et à juste titre ! Certes, mais alors il appartient aux assemblées d’établir leurs systèmes disciplinaires distincts, comme nous sûmes établir historiquement nos juridictions administratives, au nom du respect de la séparation des pouvoirs. Que reste-t-il de cette séparation des pouvoirs si le juge peut dire aux députés ce qui est ou n’est pas un travail parlementaire ?

    Bon. Vous allez m’opposer que ce n’est pas le parlement de la République qui est en cause ici, contrairement au précédent (avorté) Mélenchon. Peut-être. Peut-être, mais nous faut-il céder nos valeurs historiques devant le parlement croupion de Bruxelles et Strasbourg, lieux de jeux de rôles pour entretenir le personnel politique des 26 ou 27 (et plus si affinité) en mal de sièges et de prébendes, et qui n’a guère de pouvoirs d’initiatives démocratiques et pas même l’initiative des lois ?

    Ou alors, soumis et en connivence comme le RN devant le Tribunal, ayons le bon sens d’acter la fin de la République et de reconnaître notre dissolution dans l’Union européenne que l’ancien dissident Vladimir Boukovsky (« … je viens de votre futur ») décrivait comme une nouvelle URSS en devenir.

    Éric Delcroix (Polémia, 19 novembre 2024)

     

    Notes :

    [1] Voyez mon ouvrage Droit conscience et sentiments, Akribeia, 2020.
    [2] Voyez son ouvrage Le Théâtre juridique, une histoire de la construction du droit, Gallimard, 2018.
    [3] Arrêt Société des Cafés Jacques Vabre.
    [4] Arrêt Nicolo.

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  • Une nouvelle loi liberticide contre l’identité française...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix, cueilli sur Polémia et consacré à un projet de loi liberticide (un de plus) voté subrepticement la semaine dernière à l'Assemblée nationale.

    Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribéia, 2020).

     

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    Une nouvelle loi liberticide contre l’identité française

    Le monde politique français révère De Gaulle au point de se laisser aller à en faire l’icône que l’on sait. Aussi est-il gêné par les propos du Général tenus en 1959, rapportés par Alain Peyrefitte [i] au sujet du peuplement de la France. Rappelons ces mots : « Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne ». Ne nous y trompons pas : ces mots n’étaient pas spécialement gaulliens, ils ne faisaient que refléter benoîtement des sentiments tout à fait ordinaires pour les gens de sa génération non acquis au marxisme.

    Ordre moral anti-discriminatoire et législation

    De Gaulle étant mort, le législateur français, sous pression internationale (Convention de New-York de 1965 contre les discriminations), vota avec une consternante unanimité la loi Pleven dite abusivement anti-raciste, réintroduisant dans notre droit des délits d’opinion, créant des délits de sentiment (et restaurant l’inquisition des consciences pour certains délits, mais là n’est pas notre propos [ii]).
    Préfiguration du ministère de l’Amour, prophétisé Orwell (1984), la loi précitée introduisait dans notre droit la répression de la « haine », inventée tout récemment aux États-Unis, tout comme la morale anti-discriminatoire pour assurer une parfaite fluidité du Marché, selon la thèse de l’économiste Gary Becker dans un ouvrage publié à Chicago en 1957.

    Convergences progressistes, ces conceptions issues du capitalisme américain étaient conformes à l’anthropologie marxiste qui, après l’échec pitoyable de Lyssenko, s’est ralliée à celle de l’Américain Frantz Boas (1858-1942), inventeur de l’antiracisme (le mot n’est entré dans la langue française qu’en 1958) [iii], dans le cadre de sa lutte contre la théorie de Darwin.
    En soi, il ne devrait pas être interdit de faire des discriminations, distinctions nécessaires de la pensée et des sentiments, les êtres n’étant pas par nature atomisés en individualités, mais ayant leur essence et identité collectives dont on devrait pouvoir discuter à l’infini, comme avant 1972.

    La loi Pleven a été complétée par d’autres lois, généralisant ses principes quasiment à toutes les opinions et sentiments naturels, réservant la licence de l’homme à la libre critique pour ce qui ressort de la fortune (chance ou argent ; la haine du riche ou du patron demeure donc licite). Ces addenda furent les lois Lellouche (2003), Perben II (2004), la lois Fabius-Gayssot (1990) introduisant un dogme historique dans la loi de 1881, tout en aggravant la loi Pleven dans l’espoir mesquin de rendre inéligible Jean-Marie Le Pen.

    Ordre moral anti-discriminatoire et communisme sociétal

    Pour ce qui est de l’expression verbale publique, écrite ou implicite, des pensées et sentiments devenus peccamineux de par ces lois, leur répression a été insérée dans la loi préexistante du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, loi contenant de nombreuses dispositions protectrices dictées à sa création avec l’élimination du délit d’opinion. Ces dispositions écartaient de nombreuses mesures frappant les délinquants de droit commun : ici, pas d’aggravation en cas de récidive, de mandat de dépôt ou d’arrêt etc. Même si la tendance récente est à l’exclusion de la loi de 1881 de nouvelles infractions d’expression, telle l’apologie du terrorisme (article 421-2-5 du Code pénal).

    Mais c’était encore sans compter avec l’extrémisme d’élus du groupe Renaissance (le parti de d’Emmanuel Macron), décidés à soumettre les libres discriminateurs et dissidents de tout poils aux affres du droits commun pénal (cette « envie de pénal », selon feu Philippe Muray).

    Il s’agit des députés Mathieu Lefèvre, Caroline Yadan et Sylvain Maillard, qui ont déposé à l’Assemblée une proposition de loi « visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste ou antisémite ». Les auteurs voulaient permettre notamment dans ces domaines la possibilité pour le Tribunal « d’émettre un mandat de dépôt ou un mandat d’arrêt pour permettre l’exécution immédiate de la peine … », en modifiant l’article 465 du Code de procédure pénale (exposé des motifs). Initialement cantonnée aux délits de contestation de crime contre l’humanité et d’apologie de crime contre l’humanité et de guerre, la proposition alourdie d’amendements, a été votée en incluant in fine tous les délits d’opinion ou de sentiments instaurés depuis 1972 par les lois liberticides !

    Au surplus la proposition de loi prétend faire des propos discriminatoires non publics (exclus de l’économie de la loi de 1881) des délits, alors qu’ils ne relevaient jusqu’ici que de la simple contravention. La délation en milieu privé a de beaux jours devant elle, d’autant que la Cour de cassation en vient à admettre les moyens de preuve déloyaux (tels les enregistrements clandestins)…

    Un vote sous l’emprise de la peur

    Mis aux votes en première lecture à l’Assemblée, le scrutin n° 3431 a donné ce résultat révélateur sur 148 votants : pour l’adoption :107, abstentions : 41, contre… 0. Vous avez bien lu zéro !

    Monsieur Ciotti et les 26 membres des Républicains, gaullistes de papier mâché, ont voté pour ! Cela veut dire que ces députés, soi-disant gaullistes, si par impossible un clone du Général apparaissait, trouveraient normal de le poursuivre en correctionnelle pour des propos comme ceux tenus en tête-à-tête avec Alain Peyrefitte en 1959 !  Avec mandat de dépôt immédiat, rien moins.

    Dans l’hémicycle, ce 6 mars, personne n’a osé défendre dans son essence native le peuple français historique « européen, de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne », De Gaulle qui, rappelons-le, dans l’esprit de son temps, ne voyait pas d’inconvénient à ce qu’il y ait des Français non européens ou non blancs, sauf à rester « une petite minorité ».

    Les 17 députés du groupe Rassemblement National présents se sont abstenus. Incompréhensible ? Si, par la peur ! La vraie peur, celle d’être ostracisé et traité de « racistes », par la nébuleuse efflorescente de l’intersectionnalité (convergence des luttes) marxiste et wokiste. En l’état de la loi, ne l’oublions pas, est « raciste » quiconque manque de respect aux travelos…

    L’Assemblée est ainsi devenue l’un de ces Autels de la peur [iv], comme le disait Anatole France dénonçant la Terreur à travers ses institutions.
    Espérons que, devant le Sénat, cet autre autel de la peur, il y aura au moins une voix contre, celle au moins de Stéphane Ravier, ex-RN.

    Éric Delcroix (Polémia, 12 mars 2024)

     

    Notes :

    [i] C’était De Gaulle, Éditions de Fallois / Fayard, 1994.
    [ii] Voyez mon ouvrage Droit, conscience et sentiments, Éditions Akribeia, 2020.
    [iii] Cf. dictionnaire Petit Robert.
    [iv] Petit ouvrage d’Anatole France, publié en 100 exemplaires par l’auteur hors commerce, en 1885. Préfiguration des Dieux ont soif, dénonçant la Terreur. Ne figure pas dans ses œuvres complètes.

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  • De la déclaration des droits de l’homme à la décadence wokiste...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix, cueilli sur Polémia et consacré au démantèlement des libertés publiques par les sectateurs des droits de l'homme...

    Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribéia, 2020).

     

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    De la déclaration des droits de l’homme à la décadence wokiste

    Sous l’empire chancelant de l’Occident décadent et sous l’hégémonie socialement et sociétalement délétère des États-Unis, l’individu (l’« homme ») est sempiternellement appelé à revendiquer les droits de l’homme, sous ses multiples déclinaisons telles que produites par l’ONU, le Conseil de l’Europe ou l’Union européenne. Pour flatter le narcissisme de l’individu, il n’y a jamais saturation… À la source réside la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, moins détaillée et donc moins pernicieuse que celles qui s’ensuivront, au-delà et en surplomb de notre cadre national. Il n’en demeure pas moins que la Déclaration apparaît comme une référence philosophique utilisée de façon captieuse de nos jours par l’individualisme que fonde l’ordre moral anti-discriminatoire.

    La déclaration des droits de l’homme : naïveté et transcendance

    La Déclaration avait ses raisons d’être spécifiques, dans une France où nobles, clercs et bourgeois vivaient de plus en plus mal un pouvoir encore très arbitraire issu de l’absolutisme ; aussi en ce siècle des Lumières aspiraient-ils à leur émancipation et à ne plus nourrir de craintes pour leur liberté individuelle. Les Anglais n’avaient-t-ils pas l’habeas corpus depuis 110 ans (1679) ? Tel fut l’aspect circonstanciel d’un texte élaboré de façon un peu brouillonne par l’Assemblée nationale. Cette crainte de l’arbitraire explique l’inscription au titre « des droits naturels et imprescriptibles de l’homme [de] la résistance à l’oppression. » Tâtez donc un peu de cette résistance-là … chiche ?
    Mais naïvement, ses rédacteurs, qui se sentaient inspirés, y voyaient également un aspect transcendantal, puisque plaçant leur texte solennellement « sous les auspices de l’Être suprême », ne doutant pas qu’ils préparaient des lendemains radieux « pour le bonheur de tous » (énoncé dans l’exposé des motifs en préambule) et bien loin d’une future laïcité.

    Le fait est que cet instrument, porté déjà par une philosophie individualiste, énonçant des droits sans mettre en balance de devoirs, n’a jamais rempli les fonctions qui prétendaient être les siennes. Et pour cause :  même si on tend aujourd’hui à le nier, l’individu ne peut vivre que dans le cadre d’obligations, cadres sociaux naturels ou formels, famille, nation, ethnie, culture etc.
    Au demeurant, la Déclaration n’a pas empêché les pires errements qui vont s’en suivre, jusqu’à la Terreur. Mais, au surplus, ses dispositions strictement juridiques n’ont jamais été respectées par ceux-là même qui ne cesseront pas de l’invoquer comme la nouvelle Révélation ! Derrière le texte rédigé en 1789, il demeure un esprit qui relève de la morale, qui est donc ouvert aux ratiocinations de la casuistique (ici l’esprit de la loi plutôt que la loi) aux dépens d’une rationalité juridique promue par les Lumières et la lettre de la Déclaration.
    Mais cela ne détourne pas les sectateurs des droits de l’homme d’y tenir mordicus jusqu’à la déraison. Là réside l’approche superstitieuse du document, appuyé sur une transcendance floue, puisque orpheline de son être suprême fondateur.

    Dispositions juridiques formelles et leur contournement

    Bien sûr, et spécialement en ces temps d’États de droit – création allemande du XIXe siècle (« Rechtsstaat ») aux antipodes de la pensée de nos rédacteurs de 1789 qui mettaient au centre de tout la loi formelle « expression de la volonté générale (art. 6) –, la loi est désacralisée. Avec cet État de droit, une institution comme le Conseil constitutionnel peut faire un usage arbitraire du texte, en rejet de la loi (contra legem) et donc au-dessus du législateur, interprète devenu caduc de « la volonté générale ».  Aussi l’État de droit est-il, historiquement et en France, le contraire, l’antonyme d’État républicain.

    Les articles 10 et 11 de la Déclaration sont censés protéger les libertés de pensée, d’opinion et d’expression, mais l’illusion ne saurait survivre (et n’a jamais survécu) compte tenu de la rédaction même de ces articles : après avoir proclamés ces droits, leurs dispositions proclament de façon captieuse :

    Art. 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions … pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi»
    Art. 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme … sauf à répondre de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (soulignés par moi).

    Bref, la loi seule détermine ces libertés essentielles, faisant ici de la Déclaration un texte déclamatoire, pompeux mais vide de garanties positives objectivables. Ces articles 10 et 11 n’auraient certainement pas déplu à Staline lui-même.

    Voyons maintenant l’article 8 : « … nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. » Là, pas d’échappatoire pourrait-on croire à la toute-puissance du législateur, si l’on s’en tient à la lettre, sur la non rétroactivité de la loi pénale. Mais moralement l’esprit l’emportera grossièrement contre la lettre… Par exemple, Paul Touvier (1915-1996), ancien milicien (Milice française), sera condamné pour des faits réputés crimes, remontant à 1944, mais novés postérieurement en « crimes contre l’humanité » créés par l’Accord de Londres du 8 août 1945, crimes prescrits dans les années 1950, mais opportunément dé-prescrits par une loi tardive de 1964. On voit dans cette chronologie la flagrante transgression des dispositions de l’article 8 de la Déclaration. Pour les parangons des droits de l’homme, l’esprit (le leur) l’emporte sur la lettre (inopportune). Le souverain Bien ne saurait se perdre dans le juridisme. Droit et raison ne cohabitent plus.

    Casuistique et révocation de la philosophie du droit des Lumières

    D’une proclamation des droits de l’homme à l’autre, les casuistes sectateurs des droits de l’homme peuvent quand même se rabattre opportunément sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, même si elle n’a pas la valeur constitutionnelle qu’a conféré, en 1971, le Conseil constitutionnel à notre déclaration de 1789. Et nos casuistes ont ainsi trouvé un secours extérieur, puisé dans la tradition juridique anglo-américaine, hors donc de l’héritage rationnel des Lumières, pour écarter la non-rétroactivité des lois, comme on l’a vu dans les procès français pour crimes contre l’humanité.

    La Convention stipule certes dans son article 7-1 : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction … », mais renie ce propos incontinent avec larticle 7-2 : « Le présent article ne portera pas atteinte au jugement … d’une personne coupable d’une action ou omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées » (souligné par moi). Une concession opportuniste au droit coutumier américain et à ses procédés arbitraires puisés dans son héritage moyenâgeux (« dans les États despotiques, il n’y a point de lois : le juge est lui-même sa règle[i] » écrivait Montesquieu – ce qui définissait bien, avant la lettre, l’État de droit).

    En présence de magistrats rétifs, pour leur honneur, à cette violation grossière du principe de non rétroactivité de la loi pénale et donc de l’article 8 de la Déclaration, la Cour de cassation cassera l’arrêt de la chambre d’accusation de Paris, 27 octobre 1975 en faveur de Touvier, motif pris qu’elle aurait dû « examiner si [Touvier] … ne se trouvait pas exclu du bénéfice de la non-rétroactivité de la loi pénale, en vertu de l’article 7, alinéa 2 de la Convention européenne …[ii] » Un principe général, ici à rebours des Lumières, ça s’invente sans intervention du législateur, ravalé désormais à un rang subsidiaire. Ce point était (le sait-on ?) la doctrine juridique des nationaux socialistes allemands, indistinctement hostiles aux Lumières et à l’héritage du droit romain.

    L’individualisme des droits de l’homme conduit tout logiquement à l’anarchie, y compris (un comble) en matière de droit !

    Les libertés publiques contre les droits de l’homme

    La Déclaration universelle des droits de l’homme (ONU, 1948) et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (Conseil de l’Europe, 1959) ont cherché à pallier ces distorsions entre le texte et l’esprit du texte supposé. Avec l’invention d’un seul et même procédé, que définissent respectivement les articles 30 et 17 de ces documents. Cet article 17 étant de droit positif en Europe, en voici le texte : « Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant … un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés reconnus dans la présente Convention … » Bref, si votre propos n’est pas conforme à la philosophie individualiste et égalitariste de la Convention, on vous déniera les droits qu’elle énonce, même celui de vous exprimer. Comme avocat, j’ai connu l’application de ce principe qui n’est autre que celui proclamé par Saint-Just : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté. »

    Français, nous avions acquis historiquement un haut niveau de libertés publiques et tout le monde affecte chez nous d’y être attaché. Ce n’est pas une question de droits de l’homme, d’individualisme ou d’idéologie (comme dans les traités internationaux moralisateurs), mais d’un certain sens de l’esthétique de vie et de conscience.

    Avec le militantisme actif des sectateurs des droits de l’homme, la République a démantelé les garanties qu’offrait la loi sur la liberté de la presse de 1881, obtenant la restauration des délits d’opinion, la constitution de délits de sentiment, contre la « haine » et donc implicitement pour l’Amour que prétend porter la puissance publique, avec les lois Pleven de 1972 ou Perben II de 2004 ou encore de blasphème avec la loi Fabius-Gayssot de 1990. Orwell avait prédit l’instauration d’un ministère de l’Amour, « qui veillait au respect de la loi et de l’ordre[iii] ».

    La restauration des libertés publique françaises passe par l’abolition des prétentieuses et captieuses Déclaration, Convention et Charte des droits de l’homme, produit de l’idéologie et non pas d’une aspiration aux libertés, qui ne peuvent exister qu’au pluriel et vécues plutôt que déclamées.

    Quant aux libertés de pensée, de recherche et d’expression, rappelons-nous la leçon de Montesquieu pour qui : « Les paroles ne forment point un corps de délit ; elles ne restent que dans l’idée[iv]. »
    Il convient de remettre le droit à sa modeste place de lubrifiant des rapports sociaux voire internationaux, mais non un moyen d’imposer l’Idéologie, droit aujourd’hui infecté par les scories d’un marxisme diffus et d’un puritanisme américain (wokisme inclus) dégoulinant de moraline post chrétienne. Le totalitarisme c’est ici et maintenant.

    Eric Delcroix (Polémia, 1er mars 2024)

     

    Notes :

    [i] L’esprit des lois, 1745.
    [ii] Jurisclasseur périodique, 1976, II, 18 435.
    [iii] 1984, Gallimard, 1950, page 15.
    [iv] L’Esprit des lois. op. cit.

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  • La guerre au Proche-Orient...

    Le nouveau numéro de la revue Réfléchir & agir (n°81 - Printemps 2024) est paru. Le dossier est consacré à la guerre au Proche-Orient...

    La revue n'est plus disponible que par abonnement.

     

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    Au sommaire :

    En bref

    Antipasti

    Un massacre oublié : Paracuellos, par Alain de Chantérac

     

    DOSSIER 

    La guerre au Proche-Orient

    Les Juifs d'aujourd'hui sont-ils les Juifs bibliques, par Scipion de Salm
    La Nakba, une catastrophe palestinienne, par Klaas Malan

    La genèse du conflit israélo-palestinien, par Scipion de Salm

    Le terrorisme des pères fondateurs d'Israël, par Klaas Malan

    Les sources talmudiques du suprémacisme israélien, par Eugène Krampon

    La politique de colonisation d'Israël, par Klaas Malan

    L'arnaque du judéo-christianisme, par Éric Delcroix

    Comment l'extrême-droite a cessé d'être sioniste, par Édouard Rix

     

    Grand entretien

    David Miège: « J'ai été conçu dans une baignore remplie de champagne à Venise ! »

    Histoire

    Pourquoi Villain a-t-il tué Jaurès ?, par Fabrice Seldon

    Fascisme

    Artur Dinter, un Marcion de Sinople national-socialiste, par Christian Bouchet

    Littérature

    Rouge-gorge contre Faucon Maltais, par Pierre Gillieth

    Notes de lecture

    Les crimes du mois

    Sport

    Les JO de 1936 : une victoire allemande, par Sylvain Roussillon

    Disques

     

     

     

     

     

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  • L’individu et les droits fondamentaux...

     Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix cueilli sur Polémia et consacré à la dérive individualiste du droit. Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribeia, 2020).

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    L’individu et les droits fondamentaux

    Lois fondamentales ou constitutionnelles

    Les modifications du vocabulaire juridique peuvent dissimuler des changements dans la philosophie du droit.

    Sournoisement ce que l’on appelait en France les libertés publiques impartiales, se muent en droits fondamentaux moralisateurs à l’échelle de l’Europe. Glissement sémantique hautement révélateur et redoutable. Précédemment, les droits fondamentaux ne portaient pas sur les droits subjectifs des personnes privées, mais sur les fondations juridiques de la société. Aussi le Littré (1881) donne-il comme l’une des acceptions de Fondamental « La loi fondamentale d’un État. »

    Prenez, par exemple le Précis d’histoire du droit français, par Amédée Bonde (Librairie Dalloz, 1927), § 221, on y lit ce titre : « Les lois fondamentales du royaume de France limitaient l’autorité royale » (le mot loi étant ici entendu lato sensu, recouvrant d’abord le droit coutumier plutôt que le droit écrit). Bref, il s’agissait de la constitution de l’Ancien régime, détaillée dans l’ouvrage, savoir : Succession, majorité, régence ou inaliénabilité du domaine royal etc. L’emploi de cette notion de lois fondamentales du royaume était constant, comme l’enseignait le professeur Jean-François Lemarinier dans ses cours d’histoire du droit et des faits sociaux à Paris (cf. polycopiés de son cours de première année de licence 1963-1964, pp. 1035 et suivantes).

    Historiquement, et avec le soin primordial de l’intérêt général, les lois fondamentales étaient donc uniquement celles qui donnaient aux États leur régime constitutionnel… Mais c’était avant l’assomption de l’individu-roi.

    Dérive individualiste du droit dans l’après guerre

    La dérive individualiste de la notion de droit fondamental remonte probablement à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales élaborée, sous l’égide du Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950. Convention signée par la France mais, dans un premier temps sans reconnaissance du droit de recours individuel devant la Cour européenne des droits de l’homme qu’elle instituait, avant d’y céder sous Mitterrand (1988).

    Le 18 décembre 2000, s’y est surajoutée la redondante Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sans juridiction spécifique attitrée, mais qui s’impose néanmoins au titre de l’ordre public, notamment devant la Cour de justice de l’Union européenne. Rédigée comme la précédente, et plus encore, dans un pathos permettant une dérive qui s’analyse comme un effacement du droit derrière la morale (non sans céder à l’inclusivité, tels ces « tout citoyen ou citoyenne »), toujours avec les concepts pâte à modeler de « dignité humaine … liberté … solidarité » etc. Au passage, la Charte oblige les pays participants à rester liés à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur les réfugiés, devenue l’un des moyens de submersion migratoire de nos nations. Mais surtout la Charte s’ancre dans l’ordre moral anti-discriminatoire (article 21).

    N’en espérons rien, même si contrairement à la convention de 1950, elle n’énonce nulle restriction à la liberté d’opinion ou d’expression (article 10, § 2 de la Convention), sa proclamation (article 11 de la Charte) y ajoutant même la précision suivante : « Les arts et la recherche scientifique sont libres » (article 13), c’est en application du nouvel ordre moral anti-discriminatoire. Aussi, toutes ces grandes proclamations n’empêcheront-elles pas les atteintes à ces libertés par des lois telles les lois Pleven (1972), Fabius-Gayssot (1990) ou Perben II (2004), pour s’en tenir à la France. En effet, il s’agit de morale et non plus de droit et dès lors la casuistique l’emporte sur la raison juridique. Au nom du Bien.

    Le reflet de Narcisse

    Quant aux lois constitutionnelles, aux fondations juridiques des sociétés, elles sont submergées et paralysées par les droits individuels que l’on y insère selon le modèle puritain des États-Unis, alors qu’elles ne devraient avoir pour objet que l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, bref les principes fondamentaux de la vie publique…

    Désormais ce qui est fondamental c’est l’individu, cellule liquide micro moléculaire narcissique, dénoncée par Christopher Lasch.

    L’individu est devenu, pour ainsi dire, non plus seulement un simple sujet de droit privé, mais également un sujet de droit public opposant ses droits et ses ambitions égoïstes, à hauteur d’État, à l’intérêt général qui n’a donc plus la possession des droits fondamentaux.

    Nous sommes loin de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui au-delà de ses maladresses entendait en finir avec l’arbitraire royal venu des temps médiévaux, en appelant à la loi formelle d’un pouvoir législatif autonome. En effet, si (« sous les auspices de l’Être suprême » !) elle invoque « la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme », elle en réserve les modalités d’application au seul pouvoir législatif formel, à « la loi » stricto sensu, « expression de la volonté générale » (article 6) c’est-à-dire à la loi écrite. La Déclaration ouvre les temps de la nomocratie légaliste, abolie de nos jours par l’État de droit qui a instauré la suprématie du juge confesseur (non élu), gardien la transcendance des droits fondamentaux…

    L’intérêt général, lui, n’est plus fondamental, pourtant narcisse n’est qu’un reflet, une illusion du monde virtuel : Fiat justicia pereat mundi (peu importe le sort du monde pourvu que justice soit faite). Mais les lendemains seront cruels au si fragile sujet de droit, quand il découvrira, peut-être trop tard, qu’il n’est qu’un objet sans substance de l’histoire.

    Eric Delcroix (Polémia, 14 janvier 2023)

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  • Pour une approche munichoise en Ukraine...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix, cueilli sur Polémia et consacré à la nécessité d'une paix négociée entre la Russie et l'Ukraine.

    Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribeia, 2020).

     

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    Pour une approche munichoise en Ukraine

    Une propagande insidieuse, depuis 1945, a convaincu la quasi-totalité de notre opinion publique, à l’instar de la plupart des Européens, que les accords de Munich de 1938 avaient été une catastrophe, grosse de la guerre qui allait commencer l’année suivante. Pour nos faiseurs d’opinion, tranche-montagnes mondains, « Munich » est le synonyme irréfléchi et gratuit de lâcheté. Pourtant, il était raisonnable d’essayer de s’entendre pour éviter la guerre, en réparant les conséquences les plus criantes de la paix léonine imposée à l’Allemagne en 1919, en se concertant entre Européens – ce qui ne se reproduira plus du fait de la survenance de l’hégémonie du suzerain (Overlord [1]) américain.
    Mon propos aura l’air, en survol sommaire et partial, voire provocateur, comme si les fauteurs de guerre contemporains, États-Unis et OTAN, n’étaient pas des provocateurs !

    Causes et buts de la guerre entre l’Ukraine et la Russie

    Sans entrer dans les entrelacs et les arcanes de la guerre en Ukraine, il apparaît tout de même que ce sont largement les menées américaines qui ont provoqué cette guerre, larvée depuis 2014 puis ouverte depuis la tentative d’invasion russe du 24 février 2022.

    Il est clair que les Américains, héritiers du bellicisme anglo-saxon (important en 1914 et 1939), ont tout fait après la chute de l’URSS, pour éviter que se constituent de solides accords continentaux entre les Européens de l’Ouest et la Russie. Accords inacceptables au regard de leur doctrine hégémonique mondiale, fondée sur la thalassocratie et donc la domination du monde.

    Et pour ce qui est de bellicisme, nul de nos jours n’égale la furia désordonnée des États-Unis semant le chaos au Moyen-Orient

    La chose est aussi inquiétante ici que là, une Troisième guerre mondiale, avec conflagration nucléaire, pouvant se déclencher inopinément (comme toujours) depuis ce radiant non maîtrisable.

    Le paradoxe est que les Européens, contre lesquels étaient tournées les provocations américaines vis-à-vis de la Russie, s’y sont ralliés, en vassaux à l’obséquiosité pathologique, suicidaire. Loin de la chrétienté médiévale, les vassaux européens d’aujourd’hui n’ont plus des cœurs de seigneurs rebelles, mais de laquais. Aussi ne tiennent-ils plus compte de leurs propres intérêts, fascinés par le verbe moralisateur du président américain quel qu’il soit…

    Aucune guerre n’est fraîche et joyeuse

    En prétendant semble-t-il envahir et soumettre l’Ukraine tout entière, en février 2022, la Russie s’est fourvoyée, sous estimant la volonté d’indépendance et de résistance de leurs cousins Petit-russiens, et ce fut l’échec militaire que l’on sait…

    Seulement, voilà et en revanche, la contre-offensive ukrainienne à l’été 2023 a été dans l’ensemble un échec aussi patent que celui de l’invasion russe. Alors, que faire ?

    L’histoire du Vingtième siècle montre que les guerres anglo-saxonnes sont sans fin ni merci, jusqu’à écrasement absolu de l’ennemi, comme tel considéré comme un ramassis de criminels, leurs dirigeants étant voués à une mort honteuse et à la privation de sépulture (cf. les condamnés de Nuremberg, Saddam Hussein, Oussama ben Laden ou Kadhafi).

    On croyait cette sauvagerie abolie en Europe depuis le traité de Westphalie (1648) et même la perfide Albion n’avait pas osé mettre en jugement Napoléon…

    Bref, au lieu de faire perdurer une guerre qui tue et estropie par dizaines de milliers de jeunes Ukrainiens comme de jeunes Russes, il serait temps de réunir une conférence de la paix. L’Ukraine y perdra sûrement la Crimée, cette conquête de la Grande Catherine donnant à la Russie l’accès aux mers chaudes…

    Méfions-nous des jusqu’au-boutistes qui n’ont jamais tenu un fusil, tel Zelensky.

    Il faut savoir cesser une guerre quand les forces sont en équilibre, c’est une question de mesure, de réalisme et non de lutte du Bien contre le Mal. En l’occurrence, nonobstant les réserves que suscitent la nostalgie soviétique de Poutine, il appartient aux Européens qui portent à bout de bras l’économie de guerre de l’Ukraine, d’imposer une solution réaliste et donc humaine.

    Eric Delcroix (Polémia, 7 décembre 2023)

     

    Note :

    [1]       Overlord, c’est-à-dire suzerain, nom donné par les Américains au débarquement en Normandie.

     

     

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