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xavier raufer - Page 27

  • Wall street : place financière ou scène de crime ?

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Xavier Raufer, cueilli sur le site du Nouvel Economiste et consacré au royaume de la fraude et de l'escroquerie qu'est devenu Wall street, la bourse de New York.

     

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    Wall street : place financière ou scène de crime

    Lançant, dans les années 1980, un important programme de dérégulation de la finance américaine, Ronald Reagan avertissait : “La libre entreprise n’est pas un permis de chasse.” Un sage avis hélas resté lettre morte. Car ce qu’on apprend aujourd’hui sur la place boursière new-yorkaise, le New York Stock Exchange NYSE, ou “Wall Street”, fait dresser les cheveux sur la tête. Une “inquiétante disposition de Wall Street pour le crime”, comme le dit le procureur fédéral de Manhattan-Sud, aussi profonde qu’ancienne : délits d’initiés, faux en écritures comptables, escroqueries pyramidales bien sûr ; mais aussi réseaux illégaux de corruption et d’échanges de données confidentielles – et même présence avérée du crime organisé.

    En sus, une incapacité – parfois proche de la complicité – de l’instance régulatrice, la SEC (Securities and Exchange Commission) à faire régner un ordre minimal au sein d’un bazar d’autant plus tortueux que les transactions douteuses s’y opèrent, ajoute le magistrat, “entre proches ou au sein de la même communauté ethnique”.

    Du coup, le FBI use désormais, pour ses investigations visant la criminalité financière en col blanc, de techniques “associées aux enquêtes visant le crime organisé violent” : écoutes téléphoniques, perquisitions, détentions préventives, inculpations criminelles aussi bien que civiles. Une mobilisation en mesure de juguler la vague criminelle ? Pas sûr car cet élan répressif est bien tardif, le FBI ne consacrant, en outre, aux grandes fraudes financières, que “quelques centaines de policiers fédéraux sur un effectif de 14 000 agents”.

    Des policiers qui ont du pain sur la planche. Car désormais la certitude est là : au moins dans l’affaire Madoff, la présence mafieuse est avérée. Lisons cet extrait d’une interview donnée au New York Times par Harry Markopolos, expert financier qui, depuis l’an 2000, dénonçait les fonds Madoff comme une “pyramide de Ponzi” : “Question : “Vous sembliez vraiment craindre que M. Madoff ou ses sbires [nous soulignons] ne vous tuent ?” Réponse de H. Markopolos : “Croyez-moi, ce n’est pas de la paranoïa… Les agents du FBI portent des armes, pourquoi ? Au cas où. Donc moi aussi, j’ai une arme. Madoff jouait un jeu très dangereux. Quand j’ai discuté avec l’agent du FBI chargé de l’affaire, il m’a dit “Harry, avec de tels montants – on parle de plusieurs milliards [de dollars US], certains finissent mal et tu as eu beaucoup de chance”.” Telle était, vers 2008, l’ambiance à Wall Street.

    Les choses se sont-elles arrangées depuis ? En tout cas pas du fait de la SEC, instance régulatrice sur laquelle on apprend, jour après jour, les faits les plus effarants.

    D’abord, celui-ci : le directeur juridique de la SEC, l’homme personnellement chargé du dédommagement des victimes de l’escroquerie Madoff, était lui-même un bénéficiaire de la fraude en tant qu’héritier, avec ses proches, d’un compte Madoff de 2 millions de dollars – et pendant longtemps, nul à la SEC n’a réagi ! Un conflit d’intérêt chimiquement pur, la loi fédérale interdisant d’évidence à tout haut fonctionnaire de traiter un dossier où il a un intérêt financier personnel.

    Cette négligence proviendrait-elle des agents de la SEC, qu’un journaliste dépeint comme “abrutis par la consultation maladive de sites pornographiques pendant les horaires de bureau” ? Pas seulement, car il y a plus grave encore.

    En août dernier, le sénateur fédéral Charles Grassley s’indigne contre la SEC, qu’il décrit comme “un organisme dominé par les malfaiteurs financiers sur lesquels il est chargé d’enquêter”. Depuis la décennie 1990, la SEC (en théorie censée garder toutes ses archives 25 ans…) aurait en effet systématiquement détruit quelque 18 000 dossiers de ses enquêtes préliminaires, dont – entre bien d’autres – ceux de Madoff, Lehman Brothers, Goldman Sachs – bref, dit le rapport sénatorial, des archives sur les prédateurs ayant provoqué “la vague de corruption et de fraude qui a dévasté l’économie mondiale”.

    Membre de la commission de la justice au Sénat, Grassley souligne que ces dossiers contenaient sans doute des éléments qui auraient pu permettre de prévenir la crise financière de 2008 et l’escroquerie de Madoff.

    En cours, l’enquête sur ces destructions illicites de pièces de justice montre que ces faits sont réels – tout cela étant négligemment considéré par la SEC comme éléments “secondaires” ou “sans intérêt”.

    La SEC pourra-t-elle se ressaisir ? Difficilement, car un efficace lobbying des grands prédateurs financiers a amputé son présent budget de 222 millions de dollars (sur un total de 1, 2 milliard). Rappelons que les réserves financières pour litige de la seule banque JP Morgan, s’élèvent à 4 milliards de dollars…

    Or un budget amoindri signifie moins d’enquêtes, moins d’investigations elles-mêmes limitées dans le temps, donc moins de malfaiteurs poursuivis et plus d’arrangements à l’amiable – un rêve pour requin de Wall Street.

    Des prédateurs qui, s’ils se trouvent encore trop gênés aux entournures dans le cadre financier traditionnel, peuvent aujourd’hui aisément recourir à la “finance de l’ombre”. Une “soupe de structures, d’entités et d’intermédiaires hors des circuits traditionnels”, nous dit récemment Le Monde, hedge funds, firmes de capital-investissement, banques d’affaires, agences de notation, spéculateurs en matières premières, chambres de compensation, sociétés hors-bilan – un ensemble mondialement actif, mais laissé à peu près sans surveillance.

    Concluons par cette cruelle observation de Karl Marx (auteur dont le signataire use peu…) : “Dans son mode de gain comme dans ses jouissances, dit-il dans Les Luttes de classe en France, l’aristocratie financière n’est pas autre chose que la résurrection du lumpenproletariat dans les sommets de la société bourgeoise.” Marx décrivait alors la France de la monarchie de Juillet. Depuis sa fin, voici plus de 160 ans, il semble hélas qu’à Paris comme à Wall Street, bien peu ait changé.

    Xavier Raufer (Le nouvel Economiste, 4 novembre 2011)

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  • Dieu est-il brésilien ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du criminologue Xavier Raufer, cueilli sur le site de Valeurs actuelles et consacré à l'admiration extasiée, et bien imméritée, que suscite le Brésil dans les médias... 

     

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    Inquiétant Eldorado

    Hélas, on lit trop peu ces temps-ci Octobre 17 vu de France (Éditions sociales, 1967), sommet inégalé de l’hagiographie soviétolâtre dû au défunt chef stalinien Jacques Duclos, et ses élans grandioses sur « l’exaltante perspective de la société communiste de demain ». Amusé, le lecteur se dit alors qu’en 2011, c’en est bien fini de ces inepties.

    Eh bien non – car on en trouve d’analogues, voire de pires et par pleines pages, dans la presse européenne.

    Objet de l’adulation : le Brésil, dont de grands médias ne parlent plus que sur le ton de l’extase. « La cinquième puissance économique mondiale », s’ébahit l’un. Ce « gentil géant » est « un eldorado pour investisseurs », se pâme l’autre, concluant dans un râle que « Dieu est brésilien ».

    Or pour le criminologue informé, on est quand même loin du conte de fées, et le délirant culte “brésilâtre” semble, au vu des faits, pour le moins injustifié. Écoutons les experts brésiliens, lisons les rapports officiels du pays (ce que nul “brésilâtre” ne paraît jamais faire) ; voyons – surtout – ce que pensent les Brésiliens eux-mêmes de ces flots de doucereuses flatteries.

    D’abord, en matière de crime, excellent révélateur social. Là, le bilan du Brésil est affreux : premier pays du monde pour les décès par armes à feu (31 homicides pour 100 000 habitants à Rio de Janeiro en 2010 ; en moyenne 2 pour 100 000 dans l’Union européenne…), l’élucidation des crimes qui y sont commis avoisine zéro. Depuis 1980, plus de 3 millions de Brésiliens ont péri de mort violente – c’est plus de 10 fois le nombre de victimes des bombardement atomiques d’Hiro­shima et de Nagasaki.

    Chaque jour au Brésil, travailleurs sociaux et défenseurs de paysans sans terres sont assassinés par les mi­lices armées des grands propriétaires. Au quotidien, les populations des favelas (mot poli pour désigner les bidonvilles) sont rackettées par de véritables armées criminelles, contrôlant depuis des décennies ces coupe-gorge où, rien qu’à Rio, vivent quelque 30 % de la population locale.

    Abandonnés par l’État, ces malheureux dépendent pour tout des bandits, ou de milices “anticrime” (pires encore dans les faits) : transports urbains, télé­vision par câble, bonbonnes de gaz, eau et bien sûr… stupéfiants. Dans les métropoles brésiliennes, miliciens ou gangsters taxent les populations des favelas, im­posent des couvre-feux et allouent même les bara­quements !

    En août dernier encore, dans une banlieue de Rio, une magistrate (mère de famille de 47 ans) qui s’opposait à cette emprise criminelle sur les favelas est criblée de balles… par des policiers ripoux au service des gangsters. Pour faire bonne figure avant les jeux Olympiques et le Mondial de football, le gouvernement brésilien a timidement entrepris, fin 2010, de restaurer l’ordre dans 17 des 1 000 favelas de Rio – au prix d’une quasi-guerre civile durant laquelle des blindés équipés de mitrail­leuses de calibre 50 tiraient à l’aveugle parmi des baraques en planches et tôle ondulée. Or, quelques mois plus tard, l’armée revient dans ces bidonvilles, entre-temps reconquis par les bandits ! Le cycle classique corruption-intimidation…

    L’économie, maintenant. Si les récents précédents new-yorkais et irlandais ont un sens, ce pays est en pleine surchauffe – la dimension frauduleuse étant, là encore, majeure : salaires des patrons plus élevés qu’aux États-Unis, mètre carré de bureau plus cher à São Paulo qu’à la City de Londres, multiplication des milliar­daires locaux, dans un pays parmi les plus inégalitaires du monde où, dit un économiste écœuré, « l’abîme qui sépare le capital du travail atteint précisément le comble de l’obscénité ».

    Aux mains d’une gauche factice entièrement hypnotisée par Goldman Sachs (banque ayant, rappelons-le, inventé le miroir aux alouettes des Bric), le gouvernement brésilien voit aussi gonfler une énorme bulle du crédit à la consommation – 28 % du revenu disponible local servant désormais à rembourser des dettes (contre 16 % du revenu des Américains, pourtant extravagants en la matière). Le nombre de Brésiliens ayant plus de 3 000 dollars de dettes a cru de 250 % depuis 2004, alors que 150 millions de cartes de crédit circulent dans le pays, trois fois plus qu’en 2008 !

    Ajoutons-y une bureaucratie immense et paralysante, une sécurité civile inexistante, une corruption grave, un népotisme et un clientélisme énormes, permettant toutes les fraudes. Et quasiment pas d’infrastructures majeures entreprises depuis trente ans. De grands groupes, dont Carrefour, commencent d’ailleurs à regretter d’avoir écouté les sirènes médiatiques à propos d’un pays devenu le cauchemar du numéro deux mon­dial de la distribution.

    Sur place, les plus optimistes espèrent que l’inévitable et explosive correction ne surviendra pas avant les jeux Olympiques, organisés à Rio en 2016 – mais refusent de le certifier.

    Voici le paradis inventé par ce que nous avons baptisé “DGSI” (Davos Goldman Sachs Idéologie).

    Xavier Raufer (Valeurs actuelles, 20 octobre 2011)

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  • La finance pousse au crime...

    Les éditions Choiseul viennent de publier, sous la direction de Xavier RauferLa finance pousse au crime, un recueil de textes consacrés à la pénétration du monde de la finance mondialisée par celui du crime organisé. Parmi les contributeurs, on trouve le commissaire divisionnaire Jean-François Gayraud, Charles Prats, magistrat et membre du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique, Pascal Junghans, journaliste et spécialiste de l'intelligence économique, et Noël Pons, conseiller au Service Central de Prévention de la Corruption.

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    "Et si, dans le monde de l’après-Guerre froide, la finance globalisée était devenue plus qu’un objet de convoitise, l’épicentre même d’une prédation géante et largement impunie ? Avec la crise des subprimes, Wall Street a révélé un visage inquiétant : celui d’élites « en cols blancs » certes cupides et arrogantes, mais aussi truqueuses et fraudeuses. Profitant de la dérégulation, la finance américaine a importé dans l’univers policé de la haute finance les pires méthodes du banditisme classique, celui des « cols bleus ». Elle s’est transformée en véritable « scène de crimes » dont les auteurs resteront largement impunis. Les États appelés à la rescousse de banques irresponsables ont vu leur dettes souveraines plonger, la croissance stagner, l’inflation et le chômage augmenter. Pourtant, deux ans après cette crise majeure, tout semble presque oublié et revenu à la « normale » : business as usual. Les grands financiers ont repris leurs mauvaises habitudes puisqu’aucune réforme essentielle de la finance internationale n’a réellement vu le jour. Une certitude donc : la prochaine crise financière à forte dimension frauduleuse n’est plus désormais qu’une question de date."
     
     
     
    Sommaire

    Avant-propos

    Xavier RAUFER 

    La Société humaine, la finance, le crime

    Xavier RAUFER 

    L’affaire Madoff

    Xavier RAUFER, Jean François GAYRAUD 

    Subprimes : crise innommable, donc incurable ? Ou comment récompenser les fraudeurs…

    Jean-François GAYRAUD 

    Mystères et ruses de la « corruption douce »,

    Noël PONS 

    Prédation financière au préjudice de l’État

    Charles PRATS 

    Les ADR non parrainés, nouveau trou noir de la finance mondiale,

    Pascal JUNGHANS 

    Chronologie d’une tragédie. D’une crise de l’endettement privé à une crise de l’endettement public

    Jean François GAYRAUD 

    Glossaire. Les dix mots/maux de la crise

    Jean François GAYRAUD 

    Bibliographie commentée

    Jean François GAYRAUD 

    À propos des auteurs



     

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  • Quelles guerres après Oussama ben Laden ?...

    Les éditions Plon viennent de publier un court essai de Xavier Raufer intitulé Quelles guerres après Oussama ben Laden ?. Criminologue réputé, l'auteur appelle les Européens à prendre conscience des vraies menaces que sont le crime organisé et la multiplication des zones grises propices à l'hybridation politico-mafieuse... Un ouvrage percutant et rapide à lire.

     

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    "Voilà Oussama Ben Laden éliminé. Depuis deux ans d'ailleurs, son courant islamiste jihadi, naguère encore capable des pires attentats, était discrédité dans tout le monde musulman. En matière de sécurité globale, quelles menaces, quels conflits désormais ? Le problème est grave, car l'Europe identifie mal ses ennemis. Or les combattre suppose de les connaître : comment préparer la défense de demain si l'on ignore tout de ceux qu'il faudra affronter ? Alors que, aujourd'hui, l'ennemi ne va plus de soi et que bandits et terroristes mutent et s'hybrident toujours plus, à l'heure où s'accroît la mondialisation criminelle, ce livre répond précisément à ces questions, grâce à l'apport croisé de la géopolitique et de l'expertise criminologique."

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  • Tour d'horizon... (12)

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    Au sommaire :

    - sur Le nouvel Economiste, Xavier Raufer dresse le bilan des deux guerres "antiterroristes" d'Irak et d'Afghanistan...

    A la mi-2011 : les fondamentaux de la "sécurité globale"

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    - sur son blog personnel, Malika Sorel s'intéresse aux ingérences américaines dans la politique française concernant les minorités ethniques...

    L'inacceptable ingérence américaine

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    Will. i.am des Black Eyed Peas, pose avec l'ambassadeur des Usa en France Charles H. Rivkin et la secrétaire d'Etat à la jeunesse Jeannette Bougrab le 25 juin 2011 à Paris avant la rencontre avec des jeunes du 20ème arrondissement de Paris, dans le cadre du Hip Hop festival de Paris.

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  • Drogue : la fin de l'utopie néerlandaise ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Xavier Raufer, publié initialement sur Ring (qui vient de reprendre son activité après près de deux mois d'arrêt pour développement) et consacré à l'échec de l'expérience néerlandaise de légalisation de la consommation de cannabis...

     

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    Stupéfiants : la fin de l'utopie néerlandaise

    Jeune loup sur la touche ? Ex-ministre démodé ? Longtemps, le politicien au rancart eut un truc pour attirer l’attention : exiger la libéralisation du cannabis. Sitôt, les micros de tendaient, les invitations aux talk-shows s’empilaient, tant ces fausses audaces ravissent les médias. Avec, toujours, un argument massue : voyez les Pays-Bas, leurs coffee-shops où le cannabis se vend librement - la tolérance, ça marche !Eh bien non. Et même, les Pays-Bas abandonnent désormais leur historique tolérance envers les drogues « douces », avec la fermeture programmée des fameux coffee-shops qui - Ô mânes de Tartuffe - ne vendent pas de café, mais de la drogue.Il faut dire que, trente-cinq ans durant, les Pays-Bas ont tout fait pour que leur laxiste utopie vire au drame. Et d’abord, de croire les usuels Diafoirus-sociologues et leur culture de l’excuse, prônant que de pauvres victimes de l’exclusion et du racisme survivent en vendant de la tisane sympa à une innocente jeunesse conviviale. Résultat : des Pays-Bas transformés en centre commercial mondial pour narco-trafiquants, et une croissante réputation de « narco-Etat » dans les instances européennes de Bruxelles. Pour la police néerlandaise en tout cas, nul ne manque dans cette sorte d’Onu du crime : triades chinoises, mafia turque, cartels colombiens, gangs africains, israéliens, vietnamiens, marocains ; un enivrant paradis pour amateurs de « diversité » criminelle. Le local maintenant : comme le sait tout criminologue sérieux, seul le crime organisé peut contrôler durablement un marché illicite. Ainsi, voici un siècle et inexorablement, les tenaces mâchoires, les puissants crocs mafieux se sont refermés sur les drogues. Toutes les drogues. Et par conséquent, ce n’est pas une capitulation sympa et festive, vendue comme doctrine sociologique ou progrès social, qui leur fera lâcher prise.Ainsi, le gros du marché du cannabis néerlandais (Nederwiet, ou Skunk), est-il contrôlé par le crime organisé, « fermes à cannabis » et Coffee-shops tout ensemble. Et qui dit marché dit concurrence : le paisible narco-paradis a bientôt viré à l’enfer, avec explosion des homicides entre gangs, braquages, jets de grenades et tirs d’armes de guerre visant les rivaux, etc.Puis les bandits ont ciblé les élus « pas cool » avec eux : ayant déclaré que les Coffee-shops de sa ville « étaient liés au crime organisé » Rob van Gijzel, maire d’Eindhoven, est sous surveillance policière. Menacé avec sa famille, Fons Jacob, maire de la ville voisine de Helmond, a dû fuir et se cacher. D’où le retournement néerlandais. Une décision brutale ? Non. La fin du laxisme local en matière de drogue était prévisible depuis juin 2010 : lors d’une discrète conférence au ministère français de l’Intérieur, des experts officiels néerlandais et belges avaient révélé l’ampleur du désastre. Selon eux, « l’investissement du crime organisé dans la culture indoor du cannabis » était massif aux Pays-Bas. « La production de cannabis contrôlée par le crime organisé se situant entre 300 et 800 tonnes », pour « un chiffre d’affaires [annuel] de un à trois milliard d’euros ». Ce contrôle criminel du business du cannabis s’accompagnant « d’une montée des homicides liés à la rivalité entre gangs (25 morts en 2009), «  des séquestrations et tortures » et du « trafic des êtres humains et du travail forcé ».Uniquement aux Pays-Bas ? Non : la gangrène gagnait le nord de la Belgique, où « les organisations criminelles hollandaises s’implantent de plus en plus ». « Au Brabant septentrional et en Flandre s’est constitué une sorte de Rif [montagnes marocaines où se cultive le cannabis] indoor qui produit 1 000 tonnes d’herbe » [par an] ». Au total, un appel au secours où les Pays-Bas et la Belgique ressentaient cher payer trente ans de laxisme. Le cannabis était naïvement laissé en vente libre par petites doses pour éviter les guerres de gangs et le crime organisé ? Résultat : les mafias, les homicides, le travail forcé, la drogue par tonnes et des milliards de narco-euros corrompant les campagnes de la région. Telle est la leçon à retenir. C’est sur cette base simple et réaliste que devra se bâtir toute politique européenne anti-drogue. Une construction désormais possible, maintenant que les Pays-Bas abandonnent leur laxiste utopie. Et d’autant plus urgente qu’en la matière, une crise menace, du fait d’une imminente « rupture majeure dans la géopolitique du cannabis » (Drogues, enjeux internationaux, bulletin de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, N°1, mai 2011). Rappel préalable : le cannabis compte dans l’Union européenne 23 millions d’usagers récréatifs, dont 4 millions de fumeurs pluri-hebdomadaires. Or, sur ce marché énorme, s’amorce une guerre de territoires entre la résine de cannabis du Maroc, dominante en Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, France) et l’herbe Sinsemilla, elle cultivée clandestinement en serres, surtout en Europe du nord et en Grande-Bretagne. En présence : la résine marocaine, qui est pauvre en principe intoxicant : de 3 à 16% de THC (Tétrahydrocannabinol) ; venant du Maghreb, elle doit donc être transportée de loin. Et la Sin-semilla (sans graines en espagnol), une plante femelle ultra chargée en THC (de 20 à 35%). Cultivée en Europe, près des consommateurs, elle est à la fois bon marché et « forte », donc attrayante pour les drogués.Or la Sinsemilla est désormais en pleine conquête de l’Europe du Sud - à commencer par la France.D’où, deux conséquences prévisibles :- Une guerre européenne entre gangs vendant la résine, ou la Sinsemilla,- Un déport des dealers de résine vers la cocaïne, pour combler leur manque à gagner.Or, toujours et partout dans le passé, de tels soubresauts dans un marché illicite ont généré de sanglantes guerres de gangs. Voilà qui explique pour bonne part l’évolution néerlandaise - et qui rend plus urgente encore l’élaboration d’une politique européenne anti-drogue cohérente et ferme.

    Xavier Raufer (Ring, 21/06/2011)



     

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