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nicolas gauthier - Page 11

  • La famille, un refuge menacé ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la famille... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « La famille est certes une valeur-refuge. Mais de quelles familles parlons-nous ? »

    Pour la droite catholique et l’ensemble de la mouvance conservatrice, la famille n’a jamais été aussi menacée. Pourtant, ceux que l’on désigne comme ses ennemis n’ont, eux-mêmes, que le mot de « famille » à la bouche. Comment s’y reconnaître ?

    Tous les sondages montrent, en effet, que la famille reste, dans l’opinion, la valeur la plus sûre, on pourrait dire la valeur-refuge par excellence. Mais c’est vrai, aussi, qu’elle est constamment menacée et attaquée. C’est que, dans les deux cas, on ne parle pas de la même chose. Pour la plupart de nos contemporains, la famille est une sorte de cocon assez égalitaire où se rencontrent avant tout les sentiments affectifs du moment. Pour les défenseurs de la « famille traditionnelle », la famille s’inscrit avant tout dans la durée. C’est une structure hiérarchisée, qui renvoie à l’enchaînement des générations et vis-à-vis de laquelle on a un certain nombre de devoirs. Malgré la résonance carcérale du terme, la famille se définit alors comme la « cellule de base » de la société. Mais c’est précisément ce qu’elle a cessé d’être.

    Dans les pays occidentaux, l’époque actuelle a vu la fin de la civilisation patriarcale, qui est allée de pair avec la disparition de sociétés organisées principalement autour de l’impératif de reproduction et de l’autorité du « chef de famille » (aujourd’hui officiellement supprimée). Quatre autres faits concomitants sont également à prendre en compte : la déconsidération des valeurs « viriles », à commencer par celles du guerrier ou du citoyen-soldat, au profit d’une symbolique féminine-maternelle ; la désexualisation de la procréation, qui est désormais affaire de relations marchandes et de techniques assistées ; la « sentimentalisation », la privatisation et la désinstitutionnalisation du mariage et de la famille, à laquelle il n’est « plus rien demandé du point de vue de la formation du lien de société » (Marcel Gauchet) ; enfin, la consécration du « couple » défini comme une simple association contractuelle entre deux individus égaux en droit qui, en tant qu’association privée, n’exerce elle non plus aucune fonction sociale.

    Le concept de « famille » n’a-t-il pas évolué au fil des siècles ? Et aujourd’hui, est-il forcément le même selon les cultures et les latitudes ?

    La famille est un invariant, mais ses formes sont innombrables. Ce que beaucoup appellent la « famille traditionnelle », le trio papa-maman-enfant(s), est en réalité d’apparition tardive. La vraie société traditionnelle ne conçoit que la famille élargie, souvent jusqu’aux dimensions du clan. À partir d’une typologie rigoureuse des relations de parenté, de la tendance plus ou moins forte à l’endogamie, des normes relatives au choix du conjoint ou au partage de l’héritage, Emmanuel Todd, dont les travaux s’inscrivent dans la ligne de Frédéric Le Play, distingue plusieurs types de structures familiales, qu’il met ensuite en rapport avec les grandes tendances politico-sociales que l’on observe dans la société : la famille nucléaire absolue (libérale et indifférente à l’égalité), la famille nucléaire égalitaire (libérale et égalitaire), la famille souche (autoritaire et inégalitaire) et la famille communautaire (autoritaire et égalitaire). En France, la famille nucléaire égalitaire domine dans la partie nord. La famille souche, restée forte dans le Midi, se retrouve dans beaucoup de pays du tiers-monde, notamment le Maghreb et le Proche-Orient.

    On a souvent l’impression que beaucoup confondent les notions d’« amour » et de « famille ». Comme s’il suffisait de s’aimer pour constituer une famille, alors qu’il existe aussi des familles sans amour, parfois plus solides que d’autres. Y a-t-il là confusion des genres, si l’on peut dire en la circonstance ?

    Ah, l’amour ! « L’infini à la portée des caniches », disait Céline. « L’Hamour avec un grand H » dont se moquait Flaubert. Mais de de quoi parle-t-on ? D’éros, de philia ou d’agapè ? De l’amour pour une ou des personnes concrètes, ou de l’amour de tous, c’est-à-dire de personne ? Il est bien entendu préférable, sinon nécessaire, qu’il y ait de l’amour au sein des familles et au sein des couples. Mais cela ne suffit certainement pas à y faire régner l’harmonie. Concernant le mariage, tout dépend aussi de quelle manière on le considère : comme un contrat entre deux individus ou comme une alliance entre deux lignées. Au Moyen Âge, l’amour courtois est essentiellement dirigé contre l’institution du mariage. Dans la conception moderne des choses, où le mariage n’est qu’un contrat entre deux personnes qui s’attirent mutuellement, l’amour est évidemment l’élément-clé. Mais c’est aussi ce qui le rend fragile : on se marie parce qu’on s’aime, on se démarie parce qu’on ne s’aime plus. Il ne faut pas se le dissimuler : le mariage d’amour, qui privilégie l’intensité sur la durée, est aujourd’hui la première cause du divorce.

    C’est aussi ce primat d’un « amour » mal défini qui est à l’origine de la confusion entre Vénus et Junon. Toute amante d’un homme marié rêve de prendre la place de sa femme, comme si leurs rôles étaient interchangeables. Vous connaissez peut-être ces mots que l’on attribue tantôt à Démosthène, tantôt à Apollodore, prononcés au IVe siècle avant notre ère devant les citoyens assemblés en tribunal : « Les courtisanes, nous les avons pour le plaisir ; les concubines, pour les soins de tous les jours ; les épouses, pour qu’elles nous donnent une descendance légitime et soient les gardiennes fidèles de notre foyer. » Je trouve qu’ils contiennent beaucoup de sagesse. Les Anciens savaient la différence qui existe entre Vénus et Junon.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 8 août 2018)

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  • Un conflit d'ordre religieux et métaphysique...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque le conflit israélo-palestinien... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Pourquoi le conflit israélo-palestinien est d’ordre religieux et métaphysique… »

    Israël fête, cette année, son soixante-dixième anniversaire. Certains, à droite, y voient une extension de l’Occident en Orient. D’autres, à gauche, un État colonial. Les Israéliens paraissent eux-mêmes divisés sur la question, tiraillés qu’ils sont entre socialisme d’origine et fièvre mystico-religieuse. Que reste-t-il, aujourd’hui, des idéaux sionistes ?

    L’idéal sioniste se solde à la fois par un succès et un échec. Le succès porte un nom : c’est l’État d’Israël, dont la naissance en 1948, dans les conditions que l’on sait, montre bien qu’une idée qui n’a longtemps été qu’une abstraction (ou un rêve) peut parfois se réaliser dans les faits. C’est d’autant plus remarquable qu’à l’époque où Theodor Herzl écrivait son État des Juifs (1896), le sionisme était loin de faire l’unanimité dans les milieux juifs religieux. Ce succès comporte, d’ailleurs, un autre volet : l’extraordinaire renaissance de l’hébreu parlé, grâce notamment aux efforts d’Eliézer Ben-Yehoudah.

    L’échec tient au fait que l’idéologie sioniste s’était fondée, au départ, sur la conviction que seule la création d’un État juif permettrait au peuple juif de disposer d’un lieu sûr après des siècles de tribulations et de persécutions, alors que l’on constate aujourd’hui qu’Israël est peut-être le pays où les Juifs sont le moins en sécurité ! À cela s’ajoute que le vieux principe « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » était d’un parfait irénisme : la Palestine n’a évidemment jamais été une « terre sans peuple ».

    Le conflit israélo-palestinien dure depuis le début de l’État d’Israël. Comment pensez-vous qu’il pourrait prendre fin ?

    Israël ne veut pas d’un État binational, car il sait bien qu’à court terme, pour de simples raisons démographiques, cet État cesserait d’être un État juif. Mais il ne veut pas, non plus, d’une solution à deux États, estimant qu’un État palestinien constituerait pour lui une menace. Toutes les options paraissent donc bouchées.

    Je crois que c’est au politologue Quentin Skinner que l’on avait demandé un jour qui avait raison, selon lui, les Israéliens ou les Palestiniens. Il avait répondu que les uns comme les autres avaient raison, et que c’est pour cela que ce conflit ne prendrait jamais fin. C’est aussi mon avis, mais pour une raison différente : plus qu’un conflit politique, stratégique, territorial ou démographique, le conflit israélo-palestinien est d’abord un conflit religieux et métaphysique. Les conflits métaphysiques ne sont pas négociables. Ils ne peuvent faire l’objet d’un compromis, parce que le Bien ne peut pas faire de compromis avec le Mal. Quand les deux parties se regardent mutuellement, non pas seulement comme des ennemis, mais comme des incarnations du Mal, la guerre devient inexpiable. Elle ne prend fin qu’avec la disparition de l’un des belligérants.

    Les dernières manifestations palestiniennes dans la bande de Gaza se sont soldées par plus d’une centaine de morts et un millier de blessés. Israël affirme que le Hamas pousse lui-même en avant les manifestants, en particulier les enfants, pour qu’il y ait parmi eux le plus de victimes possible afin de s’attirer la sympathie de l’opinion internationale. Qu’en pensez-vous ?

    Dans ce cas, il y aurait une excellente façon de déjouer ce cynique calcul : ce serait de ne tirer sur personne ! Au demeurant, le raisonnement selon lequel l’armée israélienne sert la cause palestinienne quand elle tue des Palestiniens ne me paraît pas conduire bien loin… Pour ma part, je m’en tiens aux définitions courantes. Quand une armée régulière tire à balles réelles sur des manifestants seulement équipés de pierres, de bâtons, de cocktails Molotov et de cerfs-volants, cela s’appelle un massacre.

    Quant à la décision de Donald Trump de transférer l’ambassade de son pays de Tel Aviv à Jérusalem, dont la portée symbolique est évidente, rappelons qu’elle a été prise en violation de la résolution adoptée le 29 novembre 1947 par l’Assemblée plénière de l’ONU qui plaçait Jérusalem sous un régime spécial international (raison pour laquelle les ambassades étrangères se sont installées à Tel Aviv).

    En France, dans certains milieux conservateurs, il est souvent dit que ce qui se passe là-bas « ne nous regarde pas ». Beaucoup de gens de droite se disent aussi solidaires des Israéliens au seul motif que ceux-ci font face à des Arabes. Politique à courte vue ?

    Quand on montre la Lune, il y a toujours des idiots qui regardent le doigt ! Il y a aussi des gens qui préfèrent regarder « On n’est pas couché » plutôt que de s’intéresser à ce qui se passe à l’étranger. Je crois vain d’essayer de leur faire comprendre que ce qui se passe en Palestine n’est qu’une pièce sur l’échiquier proche-oriental, et que ce qui se passe sur cet échiquier nous concerne directement, ne serait-ce que parce que cela conditionne le maintien de la paix ou le déclenchement de la guerre dans le monde. À l’époque de la mondialisation, les conséquences des grands événements ne s’arrêtent pas plus aux frontières que les perturbations climatiques ou les nuages de Tchernobyl. Quant à ceux qui adorent voir tirer du Palestinien en Israël parce qu’ils aimeraient bien voir quelque chose de semblable se dérouler dans les banlieues, on ne peut que leur conseiller d’aller vivre quelque temps dans les territoires occupés. Ils constateront que les deux situations n’ont rien de comparable, que les « occupants » ne sont pas les mêmes et qu’il n’est pas très logique de déplorer « le Grand Remplacement » en France tout en soutenant, dans les territoires, le Grand Remplacement des Palestiniens (qui sont chez eux aussi) par des colons israéliens.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 16 juin 2018)

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  • Le retour en force des néoconservateurs américains…

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la politique moyen-orientale de Donald Trump... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Donald Trump, ou le retour en force des néoconservateurs américains… »

    Le monde entier semble critiquer le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, oubliant qu’il s’agissait de l’une des promesses de campagne de Donald Trump. Emmanuel Macron, après avoir tenté de faire changer d’avis le président américain, s’est vu renvoyer dans les cordes. Quelles conséquences ?

    La décision délirante de Donald Trump ne peut avoir que des effets désastreux, puisque à court terme, elle va renforcer en Iran la position des plus « durs », qui y voient déjà la confirmation qu’on ne peut jamais faire confiance aux Occidentaux, et qu’à moyen terme, elle peut tout simplement déclencher une nouvelle guerre. (Souvenons-nous qu’en 1941, le Japon avait été poussé à l’entrée en guerre à la suite de l’embargo maritime américain sur son pétrole et son acier.) Trump a, en revanche, été applaudi par Israël, pays qui possède plus de 200 têtes nucléaires braquées en permanence sur Téhéran et qui prétend lui interdire tout accès à l’arme nucléaire alors qu’il s’en est doté lui-même de manière illégale et n’a jamais autorisé le moindre contrôle international de ses propres installations.

    Cette décision, qui confirme que la politique étrangère des États-Unis est à nouveau passée sous le contrôle des néoconservateurs, est aussi et peut-être surtout une véritable déclaration de guerre aux pays européens qui se voient intimer l’ordre de violer à leur tour un accord multinational qu’ils ont mis des années à négocier, et que l’Iran a jusqu’ici scrupuleusement respecté, sous peine d’exposer leurs entreprises à d’énormes sanctions. Les Américains montrent ainsi le mépris dans lequel ils tiennent leurs partenaires au sein de l’Alliance atlantique.

    Du coup, c’est l’heure de vérité pour une Europe dont les entreprises ont déjà massivement investi là-bas : peut-elle et a-t-elle la volonté politique de tenir le coup face au diktat de la Maison-Blanche ? Tout cela profitera-t-il finalement à Pékin, qui est déjà le premier partenaire commercial de Téhéran ?

    L’Union européenne a fait savoir qu’elle envisageait quelques timides mesures de rétorsion et qu’elle allait demander aux États-Unis de bien vouloir autoriser quelques « exemptions ». La vérité est qu’elle n’en fera rien ou que cela ne débouchera sur rien : PSA et Total se sont d’ailleurs déjà couchés, preuve que ces entreprises ne se font aucune illusion sur les dirigeants de l’Union européenne. La seule réponse efficace serait, pour les Européens, d’annoncer solennellement que, désormais, ils ne reconnaissent plus l’extra-territorialité des lois intérieures américaines. Mais personne n’osera le faire. L’affaire est donc pliée d’avance.

    La Chine sera sans doute la première à profiter du retrait des entreprises européennes en Iran, ce qui ajoutera encore à sa spectaculaire montée en puissance. En parité de pouvoir d’achat, son PIB est d’ores et déjà supérieur à celui des USA, dont elle est aussi le premier créancier étranger (1.200 milliards, sur les 20.200 milliards de dettes fédérales). La Chine dispose à la fois de l’étendue, du nombre, de la puissance et d’une très active diaspora. Déjà en guerre économique et technologique avec les États-Unis, son alliance avec la Russie est plus solide qu’on ne le dit généralement. Son projet de nouvelle « route de la soie », dit projet OBOR (One Belt One Road), témoigne de sa volonté de se désenclaver de son environnement montagneux et de sa façade maritime limitée pour renouer avec sa tradition d’expansion commerciale vers l’Europe et l’Asie.

    Avec Trump, nous assistons au renforcement de l’axe Washington-Riyad-Tel Aviv, à savoir trois capitales n’ayant lutté que de loin contre l’État islamique – quand elle ne le finançait pas, pour ce qui concerne la deuxième. C’est un fait nouveau ?

    C’est surtout un éclaircissement des fronts. On a désormais, d’un côté, un axe Washington-Riyad-Tel Aviv (si le jeune prince saoudien n’est pas assassiné à court terme), de l’autre un axe Moscou-Damas-Téhéran. D’un côté les sunnites, de l’autre les chiites. Bien entendu, je simplifie. La Russie n’a pas l’intention d’affronter directement les Israéliens (avec plus d’un million d’individus, les Juifs d’origine russe constituent la première communauté juive en Israël), les intentions de la Turquie restent comme d’habitude labyrinthiques et, d’autre part, le maillon faible de l’axe n° 1 est de toute évidence l’Arabie saoudite. Mais géopolitiquement, cette confrontation a un sens. Dans de telles conditions, l’intérêt politique, stratégique et civilisationnel de la France et de l’Europe serait de toute évidence de se tourner vers l’Est, c’est-à-dire de rompre son allégeance aux États-Unis et de se solidariser de l’ensemble continental eurasiatique. Mais c’est, précisément, le moment que semble avoir choisi Emmanuel Macron pour multiplier les signes d’allégeance atlantiste – ce qui est dramatique.

    Le 4 octobre 2016, un mois avant l’élection de Donald Trump, le général Mark Milley, alors chef d’état-major de l’armée américaine, affirmait : « Une guerre future de haute intensité entre des États-nations de grande puissance est pratiquement certaine. Elle sera très hautement mortelle. » Et pour qu’on comprenne bien, il ajoutait : « Ne vous y trompez pas, l’armée américaine détruira n’importe quel ennemi, n’importe où, n’importe quand. » Nous voilà prévenus.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 14 juin 2018)

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  • Italie : le coup de tonnerre !...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'arrivée au pouvoir en Italie de la coalition populiste... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Le principal ennemi du nouveau gouvernement italien ? Les marchés financiers et les technocrates européens ! »

    Avec la constitution, en Italie, d’un nouveau gouvernement reposant sur l’alliance de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles, respectivement représentés par Matteo Salvini et Luigi Di Maio, tous deux nommés vice-Premiers ministres, assistons-nous à un nouvel épisode de ce « moment populiste » dont vous dessiniez les contours dans l’un de vos récents essais ?

    Malgré la tentative de coup d’État légal du président Mattarella qui, s’arrogeant des droits que la Constitution italienne ne lui accorde pas, et avant de se raviser devant le tollé soulevé par son attitude, a tenté le 27 mai de mettre son veto à la constitution de ce nouveau gouvernement pour complaire à la Commission de Bruxelles et aux marchés financiers, les représentants de la Lega et du Mouvement 5 étoiles sont arrivés au pouvoir. Les sondages montrent qu’ils ont l’appui d’une nette majorité du peuple italien, auquel ils affirment vouloir « redonner la parole » tout en rompant dans pratiquement tous les domaines (immigration, austérité, revenu de citoyenneté, système fiscal, etc.) avec la vulgate dominante. Il est évident que l’élection d’une majorité souverainiste et « anti-système » en Italie, pays fondateur du Marché commun et troisième économie de l’actuelle Union européenne, est un véritable coup de tonnerre. C’est, en effet, ce type d’événement que laissait prévoir mon livre Le Moment populiste.

    Cela dit, il suffit d’examiner dans le détail la composition du nouveau gouvernement italien pour constater que ce n’est pas, à proprement parler, un gouvernement populiste. Ce qu’on peut dire, en revanche, c’est qu’il s’en rapproche. Giuseppe Conte, le nouveau président du Conseil, n’a en tout cas pas éludé la question : « Si populisme, a-t-il dit, signifie être capable d’écouter les besoins des personnes, alors nous le revendiquons ! »

    Quelles sont les chances de ce gouvernement « anti-système » de parvenir à mettre en œuvre avec succès sa politique ?

    Les obstacles seront évidemment nombreux, soit qu’ils viennent de l’inexpérience relative des nouveaux gouvernants, soit qu’ils tiennent à l’irréalisme de certaines de leurs propositions, soit encore qu’ils résultent de rivalités ou de divergences de vues entre la Ligue et le mouvement 5 étoiles qui, pour être l’un et l’autre opposés au « système », ne sont néanmoins pas d’accord sur tout et s’adressent aussi à des électorats socialement et géographiquement différents (la Ligue étant surtout implantée dans le nord et 5 étoiles dans le sud).

    Mais le principal danger viendra, bien sûr, des marchés financiers et des technocrates de l’Union européenne qui, comme cela s’est déjà passé en Grèce, feront tout ce qui est en leur pouvoir pour faire capoter le programme de ce nouveau gouvernement. On se souvient de la petite phrase de l’Allemand Günther Oettinger, commissaire européen au Budget, assurant que « les marchés financiers vont apprendre aux Italiens comment voter ». Et aussi de l’article du Financial Times qualifiant Salvini et Di Maio et, avec eux, leurs 17 millions d’électeurs de « barbares » (Salvini répliquant aussitôt : « Nous préférons être des barbares que des domestiques. »). On voit mal, dans ces conditions, les instances européennes accepter l’annulation de tout ou partie de la dette publique italienne, comme le réclame le nouveau gouvernement…

    Reste, aussi, à dissiper quelques équivoques. Le nouveau gouvernement affirme, ainsi, que la Russie est « à percevoir, non pas comme une menace, mais comme un partenaire ». Mais comment pourra-t-il combattre les sanctions prises contre la Russie alors qu’il a aussi confirmé son « appartenance à l’Alliance atlantique, avec les États-Unis comme allié privilégié ». Le nouveau gouvernement va-t-il, par exemple, refuser les nouvelles bombes atomiques B61-12 que les États-Unis se préparent à déployer en Italie contre la Russie ?

    Cet événement est, en tout cas, une pierre de gros calibre jetée dans le jardin d’Emmanuel Macron. Et à l’échelle de l’Europe ?

    C’est en effet une très mauvaise nouvelle pour Emmanuel Macron, qui a tout misé depuis son élection sur une relance de la construction européenne. Or, l’Union européenne est, aujourd’hui, prise dans une véritable dynamique de désintégration. L’Italie se dote d’un gouvernement à l’exact opposé de toutes les orientations macroniennes au moment même où, en Allemagne, l’ère Merkel est en passe de s’achever, où l’Espagne, qui vient elle aussi de changer de gouvernement, continue à se débattre dans le psychodrame catalan, où le populisme gronde en Autriche, en Slovénie, au Danemark et ailleurs, où la Grande-Bretagne n’en finit pas de négocier les conditions de son Brexit et où le groupe de Visegrád a quasiment fait sécession par hostilité aux diktats européens en matière migratoire.

    Cette érosion des partis institutionnels au profit des mouvements « populistes » est le résultat de trente ans de frontières ouvertes, de délocalisations et de déclin des classes moyennes. Marcel Gauchet écrivait récemment que « le clivage actuel est celui de la France sans avenir contre la France pour laquelle l’avenir n’est pas un problème ». Ce diagnostic peut se transposer aisément à toute l’Europe, au point que l’on peut se demander si les prochaines élections européennes ne révéleront pas une quasi-majorité d’eurosceptiques. Ce serait alors le début de la fin.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 9 juin 2018)

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  • Les pompiers pyromanes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Nicolas Gauthier, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la pétition contre le « nouvel antisémitisme » signée par 300 "personnalités"...

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    Pétition contre « le nouvel antisémitisme » : les pompiers pyromanes ?

    Trois cents « personnalités » viennent de signer une pétition contre « le nouvel antisémitisme », à l’occasion décrété « cause nationale ». Dans ce texte, on lit notamment : « Dix pour cent des citoyens juifs d’Île-de-France – c’est-à-dire cinquante mille personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République. Il s’agit d’une épuration ethnique à bas bruit au pays d’Émile Zola et de Clemenceau. »

    Et les pétitionnaires de pointer ce nouveau péril : « L’antisémitisme d’une partie de la gauche radicale qui a trouvé dans l’antisionisme l’alibi pour transformer les bourreaux des juifs en victimes de la société. » Fort bien. Et les mêmes d’exiger l’abrogation de certaines sourates du Coran pas toujours très tendres à l’égard des mêmes juifs. Fort bien, une fois encore, mêmes si cela fait tout de même beaucoup de problèmes d’un coup, surtout lorsque posés par ceux-là mêmes qui ont contribué à les créer.

    En effet, les pompiers d’aujourd’hui ne seraient-ils pas, un peu, les pyromanes d’hier ? Ceux qui, avec la création d’un mouvement tel que SOS Racisme, en plein règne mitterrandien, ont largement hystérisé les rapports entre les communautés. L’objectif de cette opération de basse politique, téléguidée par l’Élysée et mise en œuvre par les trotskistes de la Ligue communiste révolutionnaire – l’actuel NPA d’Olivier Besancenot –, fut de créer de la haine là où il n’y en avait pas. En persuadant les immigrés que les autochtones étaient la cause de tous leurs malheurs, par exemple. Résultat : les uns se sont enfermés dans une posture victimaire, tandis que les autres, à force de se faire dire qu’ils étaient racistes, ont parfois pu le devenir. Tout cela pour accompagner la progression du Front national, tout en interdisant, en raison d’une morale de façade, à la droite de s’allier avec lui, permettant de fait à la gauche de demeurer au pouvoir alors qu’elle était minoritaire dans les urnes. Les mêmes payent désormais au prix fort leur cynisme passé.

    Le paradoxe est que les fondateurs de SOS Racisme, Alain Krivine et ses disciples, mêmes acquis à la cause palestinienne, n’étaient arabo-musulmans que de loin. C’est une litote.

    Toujours à propos de l’hystérisation relative à l’antisémitisme, on rappellera deux fake news demeurées fameuses : l’attentat de la rue Copernic en 1980 et la profanation du cimetière de Carpentras, dix ans plus tard. Dans ces deux affaires, le coupable était, là encore, dénoncé à l’avance : cette « extrême droite », paraît-il responsable de tous nos maux, à en croire la vulgate médiatique dominante. Dans le premier cas, c’était la faute de Louis Pauwels et du Figaro Magazine ; dans le second, de Jean-Marie Le Pen et du Front national. Déontologie journalistique, quand tu nous tiens…

    Et aujourd’hui ? La faute au gauchisme et à l’islam, semble-t-il. C’est bien vague : l’un comme l’autre n’étant pas des personnes juridiquement constituées, il sera délicat de les traîner devant les tribunaux. D’où l’accueil critique fait à cette pétition par certains éditorialistes – Jean-Michel Helvig, par exemple. Et cet ancien directeur de Libération d’écrire ce lundi, dans La République des Pyrénées : « Chacun sait bien que l’islam n’est pas une église unifiée où une autorité peut officiellement toiletter un dogme anachronique. Au demeurant, le “nouvel antisémitisme” visé par le texte est porté par des individus qui s’embarrassent peu d’une lecture interprétative de textes séculaires. »

    En la matière, l’autocritique vaudrait d’ailleurs mieux que la simple critique, sachant que ces belles âmes ont été les premières à stigmatiser tous ceux qui s’alarmaient de l’immigration de masse, de la création de gigantesques ghettos ethnico-religieux, de la montée en puissance d’un islam radicalisé et réduit à sa seule dimension identitaire.
    On notera qu’à force de crier au loup, ce dernier a néanmoins fini par prendre forme. Et pas n’importe quelle forme, s’agissant de celle des agneaux que ces mêmes autorités morales couvaient jadis. Quelle ironie. On en rirait presque.

    Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 24 avril 2018)

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  • Pas de sympathie pour les traîtres...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'actualité, avant l'attentat de Trèbes... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Décroissance ou toujours plus ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2018).

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    Alain de Benoist : « Pour les libéraux « occidentalistes », c’est plus que jamais la Bérézina »

    Une fois n’est pas coutume, il s’agit d’un tour d’horizon de l’actualité et non point d’un sujet spécifique. Que penser de la triomphale réélection de Vladimir Poutine, avec 76,6 % des voix dès le premier tour ?

    Je m’en réjouis, bien entendu. Mais le plus important, c’est de constater que les seuls concurrents de Poutine étaient les communistes de Pavel Groudinine (11,7 % des voix) et les ultra-nationalistes de Vladimir Jirinovski (5,6 %), tandis que l’unique candidat libéral, Ksenia Sobtchak, a décroché le score mirobolant de 1,6 % des suffrages : à peu près le score de Philippe Poutou à la présidentielle de 2017 ! Pour les libéraux « occidentalistes », c’est donc plus que jamais la Bérézina. Emmanuel Macron (24 % des voix au premier tour, trois fois moins que Poutine) se trouve maintenant face à un nouveau tsar en Russie, à un nouvel empereur en Chine, à un nouveau sultan en Turquie, tous trois au summum de leur popularité. Partie inégale.

    La tentative d’assassinat de l’ex-agent double Sergueï Skripal, dont les Anglais, immédiatement soutenus par Macron et par Donald Trump, ont immédiatement attribué la responsabilité à la Russie, n’a apparemment pas nui au maître du Kremlin ?

    Elle a, au contraire, encore renforcé sa popularité. Les Russes savent mieux que personne que si Poutine a sans doute des défauts, il est difficile de le considérer comme un idiot. J’ai, pour ma part, beaucoup de mal à imaginer que Vladimir Poutine n’avait vraiment rien de plus pressé, à la veille d’une élection présidentielle (pour ne rien dire de la Coupe du monde de football), que d’aller faire tuer un individu inactif depuis plus de cinq ans, en utilisant un gaz neurotoxique pointant vers le Kremlin. Comme l’a écrit Slobodan Despot, autant laisser sur place sa carte d’identité ! Je comprends, en revanche, fort bien comment pareil coup monté pouvait être utilisé contre lui, afin de servir la russophobie des gouvernements et des médias. Quant au sort de Sergueï Skripal, il m’indiffère : je n’ai pas de sympathie pour les traîtres.

    Nicolas Sarkozy mis en examen dans l’affaire d’un présumé financement libyen de sa campagne électorale ?

    Sarkozy s’est, à mon avis, déjà déshonoré deux fois : la première en réintégrant la France dans le giron de l’OTAN, dont le général de Gaulle l’avait fait sortir, la seconde en déclenchant contre la Libye une guerre criminelle dont nous n’avons pas fini de subir les conséquences. Sur l’affaire dont vous parlez, je ne suis pas dans le secret de l’instruction. Je ne ferai donc de procès d’intention à personne, non par respect de la présomption d’innocence (ainsi dénommée par antiphrase, puisque c’est au contraire quand on est suspecté d’être coupable que l’on est mis en examen), mais parce que je n’ai qu’une confiance très mesurée dans la Justice de mon pays. En tout état de cause, si les charges étaient avérées, ce serait un scandale d’État sans précédent.

    Le projet de réforme de la SNCF, incluant la remise en cause des privilèges des cheminots, et l’imposant programme de grèves annoncé par les syndicats ?

    Les grèves des transports ne sont jamais très populaires, ce que l’on peut comprendre. Mais arrêtons de prendre pour boucs émissaires des cheminots dont les « privilèges » ne sont qu’une goutte d’eau face à ceux des grands patrons du CAC 40 ! Ce n’est pas la faute des cheminots si les trains n’arrivent plus à l’heure et si les lignes de chemin de fer ne sont plus entretenues. Ce ne sont pas eux qui sont responsables de la gestion désastreuse qui a transformé la SNCF en tonneau des Danaïdes (47 milliards de dettes). La seule vraie question qui se pose dans cette affaire est de savoir si la SNCF va rester un service public au service de tous les usagers, où qu’ils habitent, ou si l’on va s’orienter progressivement vers une privatisation dont les conséquences inéluctables seront une hausse des tarifs (+27 % en Angleterre depuis dix ans) et la suppression programmée de centaines de petites lignes à la rentabilité insuffisante, ce qui accentuera encore la coupure entre les métropoles et la France périphérique.

    Macron n’aurait jamais été élu sans le soutien massif des retraités et des fonctionnaires, deux catégories l’une et l’autre protégées jusqu’ici des effets de la mondialisation. Dès son élection, il s’est attaqué aux premiers, il s’attaque maintenant aux seconds, qui représentent 22 % du salariat. Il scie donc lui-même la branche sur laquelle il est assis. Le jour où la classe moyenne, qui se trouve déjà en état d’insécurité culturelle, se retrouvera en état d’insécurité sociale, les choses basculeront.

    Les dernières élections italiennes ont vu la victoire massive des populistes de tous bords. Pour le moment, seule la France semble « résister » à cette vague en Europe. Pourquoi ?

    Elle n’y résiste pas tant que ça, puisque les grands partis de gouvernement ont déjà presque disparu, et que c’est pour faire face à la déferlante populiste que Macron a saisi cette occasion d’engager une recomposition générale du paysage politique. Mais vous avez raison : la déferlante en question pourrait être plus ample. Ce qui manque, c’est un homme (ou une femme) susceptible de l’incarner.

    Mayotte se trouve en première ligne face à l’immigration clandestine. Que faire ?

    L’indépendance me semble être une bonne solution.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 26 mars 2018)

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