Le nouveau numéro de la revue Eléments (n°137, octobre-décembre 2010) est arrivé en kiosque cette semaine. Il est aussi possible de se le procurer sur le site de la revue. Le dossier central de cette livraison est consacré aux banlieues.
Du fait de l’immigration, le problème des banlieues se ramène pour la droite à un problème ethnique, pour la gauche à un problème social. La vérité est que les deux aspects sont indissociables, mais surtout que le phénomène des banlieues va bien au-delà. On ne peut l’appréhender en s’en tenant, d’un côté à la « culture de l’excuse », de l’autre aux fantasmes sur l’« islamisation ». (…) Les « jeunes des cités » ne remettent nullement en question le système qui les exclut. Ils cherchent moins la reconnaissance qu’un raccourci vers l’argent, qu’un branchement plus direct sur les réseaux du profit. (…)
Les bandes de crapules qui règnent par le trafic, la violence et la terreur sur les populations des quartiers « sensibles » sont plutôt la dernière incarnation en date de ce que Marx appelait le lumpenprolétariat. (…) Les « racailles » n’aiment pas le populo, mais le pognon. Leur modèle, ce n’est pas l’islam ou la révolution. Ce n’est pas Lénine ou Mahomet. C’est Al Capone et Bernard Madoff. (…)
La « banlieue » d’aujourd’hui ne se comprend que si l’on est conscient de la profonde mutation qui a affecté la ville. La grande métropole a cessé d’être une entité spatiale bien déterminée, un lieu différencié, pour devenir une « agglomération », une zone dont les métastases (« unités d’habitation », « grands ensembles » et « infrastructures ») s’étendent à l’infini en proliférant de manière anarchique dans des périphéries qui glissent lentement dans le néant. La grande ville n’est plus un lieu. Elle est un espace qui se déploie grâce à la destruction du site et à la suppression du lieu. (…)
La banlieue se définit par l’absence de pôle, elle est un espace urbain qui a rompu les amarres avec son ancien centre sans pour autant se reconstituer elle-même à partir d’un centre. (…) La banlieue est devenue un non-lieu. On y vit (ou on y survit), mais on n’y habite plus. Le drame est que la société actuelle, qui s’en désole, dénonce des maux (urbanisme sauvage et immigration incontrôlée) dont elle est la cause et déplore les conséquences d’une situation qu’elle a elle-même créée.
Au sommaire du dossier
• De la ville-machine à la ville-réseau, par Pierre Le Vigan
• Quand la ville se défait
• Ghetto et violences urbaines
• Pathologie des grands ensembles
• Le point de vue d’un criminologue, entretien avec Xavier Raufer
Et aussi…
• Un fonds culturel patrimonial, la chronique de Frédéric Guchemand
• Giovanni Papini l’éternel excommunié, par Jean-Charles Personne
• Science-fiction : le chef-d’œuvre de Fassbinder, par Ludovic Maubreuil
• La violence civilisée et celle qui ne l’est pas, entretien avec Thibault Isabel
• Sauver la planète… et répandre le cancer, par Flora Montcorbier et Robin Turgis
• Mort et résurrection de Léon Tolstoï, par François Bousquet
• J’ai 23 ans et je lis Éléments, par Mathieu Le Bohec