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ernst jünger - Page 18

  • Figures de proues !

    Les éditions Heligoland publient le premier numéro (n°1, équinoxe 2010) de la revue Figures de proues, sous-titrée Cahiers de recherche sur l'héritage littéraire, culturel et l'imaginaire européen. Nous reproduisons ici le sommaire de ce numéro ainsi que son éditorial, signé par Pierre Bagnuls, qui fixe bien les ambitions de cette nouvelle revue à laquelle nous souhaitons bon vent !

    Il est possible de commander ce numéro ou, mieux encore, de s'abonner sur le site de la revue : Figures de proues.

     

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    Se relier à l'essentiel

    Le temps fuit… Il accélère… Nous sommes engagés dans le monde de l’efficience technique, dans le monde de la concurrence libérale, dans le monde du résultat et de « la lutte de tous contre tous » avec des moyens technologiques qui accroissent notre puissance démiurgique de manière encore jamais vue. L’homme immergé dans ce système ne maîtrise plus grand-chose. Il n’agit pas, il est agi, il ne gouverne pas, il est dirigé par une sorte de fatalité technologique et entropique sur des pans entiers de son existence. L’homme est désormais en état de tutelle. Sa responsabilité lui échappe. Travailler plus, produire plus, consommer plus, acheter plus… Toujours plus ! Mais il n’y est guère question d’identité, d’éthique ou de dépassement de soi, bien sûr. Le règne de la quantité, signe des temps, s’est emparé d’une bonne part de notre vie. Le matériel, la matérialité, le matérialisme occupent une place de plus en plus importante dans notre rapport au monde, et ce, au détriment du culturel et du spirituel. Le monde tel qu’il va nous dérobe de mystérieuses prérogatives, celles qui font de nous justement des êtres humains de qualité.

    La civilisation telle qu’elle va est en passe de nous voler notre âme. Qu’est-ce que notre destin, qu’est-ce qu’« une vie réussie », qu’est ce que « la vie bonne », quelles sont les « fins dernières » ? Mystère profond ! Où allons-nous, vers quoi nous dirigeons-nous et pourquoi ? Notre capacité de choix et la sagacité de nos prévisions se réduisent à une « peau de chagrin », qui, chaque jour, rétrécit tragiquement. Avons-nous seulement le temps et les moyens de la réflexion ? Même une courte pause ? L’homme court après sa propre ombre. L’homme est réduit à une ombre. L’homme est réduit à l’usage qui est fait de lui dans une société anonyme et utilitaire. L’homme est condamné à n’être qu’un rouage interchangeable. Foin de la personne et de son identité propre, place à l’individu, au « citoyen » abstrait et à la masse.

    Le poète René Char affirmait écrire « en cours de chute », parce que l’amour, ce lien sublime était brisé. Il existe encore bien d’autres « liens sublimes » pour un homme encore capable de se « situer » dans le Cosmos. Cosmos à l’origine signifie « beauté ». Voilà un autre lien. Ne voyons pas là un lien qui enchaîne à un pesant boulet dans un univers fermé, rétréci et étouffant, mais un lien qui relie, qui rassemble, qui réunit en toute liberté. Un lien qui fait sens, qui donne un sens : de ces liens qui permettent de trouver « l’issue », chère à Nietzsche, « des milliers d’années de labyrinthe ». Le monde où nous vivons nous bringuebale en tous sens, mais il n’y a plus de sens, de direction, de cheminements, de navigations, de buts, d’objectifs et de finalité. L’intériorité de chacun menace de devenir champ de ruines ou désert dans la tempête matérialiste et tueuse de la modernité.

    Sommes-nous devenus des clones, des automates, des robots, des « titans » ? Plus rien aujourd’hui ne se fait sous le signe de la réflexion profonde, de l’action mûrement méditée, mais au contraire, sous le signe de l’agitation pour l’agitation, réactif aléatoire et pusillanime, coquille de noix sur les flots de l’océan d’un présent impérieux et impétueux. Toutes les amarres lâchent les unes après les autres, laissant pressentir une situation paroxystique, un nouveau chaos. Ernst Jünger, qui fut un véritable « sismographe » des événements, présageait pour les temps prochains, une période « difficile pour l’esprit » qui serait « un nouvel âge de fer ». Il ajoutait : « Hölderlin, dans Pain et Vin, a écrit que viendrait l’ère des Titans. Dans cette ère à venir, le poète sera contraint à la léthargie. Les actions seront plus importantes que la poésie qui les chante et que la pensée qui les reflète. Ce sera donc une ère très propice pour la technique mais défavorable à l’esprit et à la culture. » Un espoir cependant : Hölderlin, voyant un siècle plus loin que Nietzsche, affirmait le « retour des dieux » après celui des « êtres de fer ». Et, dans l’intermède ou l’interrègne, le penseur de Wilflingen, pressentait que : « plus la massification s’accroît, plus grande est la valeur et la force spirituelle de ceux, très rares, capables de s’y soustraire. » La figure éternelle de l’homme libre, de l’écrivain, du penseur, du littéraire, du poète resurgit dès lors. Figure intemporelle. « Le véritable écrivain, comme la véritable richesse, se reconnaît non pas aux trésors qu’il possède, mais à sa capacité de rendre précieuses les choses qu’il touche. Il est donc semblable à une lumière qui, invisible en soi, réchauffe et rend visible le monde. (…) C’est précisément en cela que réside la puissance de l’écrivain : savoir se méfier du chaos, ne pas se laisser emporter par l’atmosphère apocalyptique. » Plus que jamais donc, penseur et poète ont un message fondamental à dévoiler.

    C’est ce que, dans les pages de Figures de Proues, au cours de cabotages culturels, de navigations littéraires, nous rechercherons. Nous nous mettrons en quête d’un véritable archipel intellectuel, formé d’îles et d’îlots, de refuges et de criques, d’anses et de baies où le pilotage se fait à vue, où la navigation devient calme, enserrée par une multitude de terres émergées, parmi les lochs, les fjords et les canaux, où s’offrent des perspectives multiples et toujours renouvelées. Nous trouverons en ces lieux protégés, calmes et sereins, en ces sites solitaires et désertés, la matière spirituelle d’une nouvelle essentialité, d’une centralité.

    Nous aborderons ces lieux cachés, ces havres, en compagnie de nombreuses figures de proues : personnalités emblématiques, écrivains, penseurs, poètes qui seront les égides, les inspirateurs de nos déambulations nautiques. Nous ne dédaignerons pas non plus les navigations hauturières où nous retrouverons la haute mer et ses étendues immenses, ses pièges, peut-être aussi. Découvrir, c’est affronter.

    C’est ainsi qu’une bonne partie de ces cahiers cherchera à mettre en avant des textes fondateurs et essentiels qui sont souvent tombés dans l’oubli. Un oubli injuste : soit qu’ils aient été noyés dans la masse des publications contemporaines, ou victimes des orchestrations arbitraires et velléitaires du système des modes, ou bien encore consumés, par l’opprobre et la malveillance, dans l’autodafé intellectuel à sens unique que dirige la férule vigilante des intransigeants « commissaires » du « culturellement correct ». De larges extraits composeront donc une véritable anthologie consacrée aux messages fondamentaux et principaux des auteurs cités. Ces textes choisis possèderont toujours une haute tenue littéraire, un style indéniable, une esthétique vigoureuse, une exigence sourcilleuse en regard du travail d’écriture. Bien sûr, au-delà de la simple approche esthétique, ces textes dévoileront une matière riche faite pour donner à penser, à réfléchir, à se former, à se cultiver. Ils seront des ouvertures sur un monde de « vraies richesses », qui n’ont rien à voir avec « les espèces sonnantes et trébuchantes », mais qui apprennent à vivre en se reliant à l’essentiel. Une autre rubrique des cahiers sera composée de textes rédigés par nos soins sur des thèmes et des sujets qui entreront en résonance littéraire avec l’esprit de la revue. Enfin, nous livrerons au lecteur une bibliographie sélective, qui ne sera pas systématiquement au service des « nouveautés » et des dernières parutions qui ont souvent la vie courte, mais qui aura été choisie parce qu’elle nous paraît receler des travaux formateurs, aux perspectives intéressantes, voire des chefs d’œuvres « incontournables » et impérissables, en regard de l’imaginaire européen enraciné et authentique.

    En route pour les rivages de « nos îles au trésor » !

    Pierre BAGNULS

    Rédacteur en Chef

     

    Au sommaire de la revue : 

    Editorial

    •Se relier à l’essentiel 

    Essai Culture Littérature Poésie

    • Le recours au refuge : escapades littéraires

    Textes fondateurs

    • Le temps des vendanges par Ernst Jünger

    • Automne par Ernst Jünger

    • Cette lancinante idée d’Europe par Pierre Drieu La Rochelle

    • La société de l’argent                                                                 

    • La joie du corps par Jean Giono

    • Le mal est dans l’oubli du corps Pierre Drieu La Rochelle

    • Une morale de la responsabilité Thierry Maulnier

    Livres Libres et Recensions

    • L’ours, le grand esprit du Nord

    •Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois

    Le collège de Sociologie

    • Le vent d’hiver par Roger Caillois

    • Deux romans vikings réalistes : « Frères jurés » et « Orm le Rouge »

    • Mythologie scandinave – légendes des Eddas

     

     

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  • Les hyènes

    "Est-ce par hasard que l'hyène pénètre dans le cercle lumineux des feux de bivouac ? Autrefois, on n'en rencontrait qu'isolément, dans les sections grillagées des maisons de fous et des prisons. Maintenant, les barrières sont tombées, et les glapissements plaintifs que jadis les chasseurs étaient seuls à entendre à la lisière du désert nous cernent avec une jubilante avidité. Les vautours et les hyènes - ils surviennent quand ont disparu les aigles et les lions."

    Une belle réflexion d'Ernst Jünger, tirée de son essai Trois galets, publié dans Le contemplateur solitaire, un recueil de textes variés que les éditions Grasset ont la bonne idée de rééditer au mois de mars de cette anée.

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