Nous reproduisons ci-dessous un billet d'humeur de Xavier Eman, cueilli sur A moy que chault ! et consacré aux humanoïdes moyens que la société contemporaine produit en série... Animateur du site d'information Paris Vox et collaborateur de la revue Éléments, Xavier Eman a récemment publié un recueil de ses chroniques mordantes intitulé Une fin du monde sans importance (Krisis, 2016).
Recette
Comment faire pour qu'un peuple ne pense plus, ne rêve plus, n'aime plus ?
Tout d'abord lobotomisez-le dès l'école maternelle afin d'obtenir des adolescents illettrés et analphabètes, gavés de culpabilisation, de visions historiques aussi éparses que mensongères, sans aucune structure mentale ni colonne vertébrale culturelle, d'autant plus prétentieux qu'il sont ignares. A ce titre, l'absolu fiasco de l’Éducation Nationale ces 40 années est sans aucun doute l'une des plus importantes et fondamentales réussites et réalisations du système.
Prendre ensuite ces ados et les plonger dans une vision de la sentimentalité et du couple naviguant entre la niaiserie romantique hollywoodienne et le porno hardcore, Walt Disney et John B.Root. Une pipe dans le grand huit de Disneyland avec Mouloud, le migrant clandos déguisé en Mickey, qui prend des photos ! Ca c'est le top ! Ridiculisez toute idée de construction, de stabilité et d'effort au profit d'une psychologisation à outrance des rapports humains, afin de multiplier les célibataires tardifs, les multi-divorcés, les queutards névrosés, les paumés en tous genres et les schizophrènes mi-putes mi-princesses.... Ce qui compte c'est « l'épanouissement personnel », c'est à dire le caprice permanent... Et si ça ne fonctionne pas, rassurez-vous, on a des tas de médicaments pour vous aider à y parvenir...
Offrez alors aux jeunes adultes ainsi obtenus des boulots alimentaires privés de sens, aberrants ou vains, de l'ennui climatisé 9 heures par jour, du tertiaire bien débile, des « process » et des « power point » pour vendre des yaourts ou des crèmes pour la chatte, des réunions de merde dans des bureaux anonymes, du « marketing », de la manipulation pour les nuls nommée « management »...
Saupoudrez le tout de loisirs débilitants, des Chtis à Mykonos, qui permettent de penser qu'il y a plus con que soi, à Hanouna le nouveau héros « populiste », des films pour mongoliens pissant encore au lit de type Avengers 18 ou Transformers 24 à l'exposition intensive de ses miches sur Instagram...
Laissez-les mitonner avec juste assez de fric pour aller se tremper le cul une fois par an dans une mer chaude quelconque, servis par des néo-esclaves souriants (du moins jusqu'à l'étape du viol et de l'égorgement), mais pas assez pour devenir propriétaires, pour conserver la maman au foyer ou envisager de changer de carrière afin de tendre vers davantage d'autonomie...
Démoulez enfin des êtres aberrants, contradictoires, orgueilleux, hystériques, ni adultes, ni enfants, égoïstes jusqu'au délire mais incapables de vivre seuls, plongés dans une perpétuelle néoténie geignarde...
Mais que lui reprocher à cet humanoïde absurde ? Que peut-on lui demander à ce bipède après ses deux heures quotidiennes de transports dégueulasses, ses 8 ou 9 heures de photocopieur, d'Excel et de Word, son passage au supermarché, sa lessive à 40c pour laver ses chaussettes, sa tambouille expédiée sur ses plaques à induction ? Rien, bien sûr. Même plus l'énergie ni l'envie de sortir se bourrer la gueule, d'ouvrir un livre ou de regarder un film sans super-héros intergalactique... Restent les séries bien sûr, au format réduit pour correspondre au temps de somnolence résiduel entre la fin de la vaisselle et l'endormissement.
Xavier Eman (A moy que chault ! , 1er février 2019)