La candidate du puritanisme éthique ?... Vous l'avez reconnue, cette candidate aux présidentielles de 2012, c'est Eva Joly... Et Philippe Bilger ne la rate à la suite de sa sortie grotesque sur le 14 juillet... Le texte est tiré de son blog Justice au singulier.
Eva Joly est dangereuse
La mort, le deuil et les absurdités.
J'en veux beaucoup à Nicolas Hulot, qui a fait gagner Eva Joly à force de maladresses politiques tellement ostensibles qu'elles apparaissaient délibérément suicidaires. Puisque la meilleure, Cécile Duflot - encore remarquable il y a quelques jours sur France Inter -, désirait passer son tour, on aurait préféré, pour le combat présidentiel, cet homme plutôt que cette femme, ce Français plutôt que cette Franco-Norvégienne, le maniement de notre langue plutôt par celui-là que par celle-ci, la culture et l'histoire de l'un plutôt que celles de l'autre.
Parce que Marine Le Pen s'est étonnée à plusieurs reprises de la légitimité de cette candidate - si François Bayrou avait cédé à ses exigences, elle serait aujourd'hui au MoDem ! -, je sais qu'il est interdit d'enfourcher la même monture (jdd.fr). Il n'empêche que la dernière "sortie" d'Eva Joly remet dans le débat cette question lancinante. Ne faudrait-il pas soumettre les candidats à l'élection présidentielle aux mêmes apprentissages et épreuves que ceux qu'on impose aux étrangers désirant séjourner durablement dans notre pays ?
Eva Joly a annoncé qu'elle supprimerait le défilé militaire du 14 juillet pour le remplacer par un défilé citoyen si la démocratie française tombait sur la tête et l'élisait (lefigaro.fr). Il n'y a pas de quoi s'indigner. C'est plutôt pathétique, comme l'a souligné à juste titre Henri Guaino. Cette intention, qui se veut provocatrice, est surtout ridicule et démagogique. Elle flatte la pente facile du pays et croit jouer sur du velours alors s'elle s'exprime sur du sang versé et un courage au quotidien dont nous ferions bien de nous inspirer dans nos missions civiles. Je ne doute pas une seconde que certains applaudiront Eva Joly, persuadés qu'on est profondément française parce qu'on a su placer en détention provisoire des puissants ou prétendus tels et qu'on a le culot, en pleine tragédie internationale, de lancer, pour voir en quelque sorte, un brûlot bête et méchant.
Je parie aussi que l'avenir nous confrontera de sa part à d'autres inepties du même type. Il est évident qu'elle ne cessera de nous menacer d'un puritanisme éthique qui est aussi éloigné de la morale publique que j'appelle de mes voeux, que la République d'une authentique liberté d'expression. Je crois également ne pas me tromper en prévoyant des médias aussi enivrés par l'autorité et le simplisme de cette personnalité atypique qu'ils l'ont été dans les portraits qu'ils lui ont consacrés à foison sans que jamais ils aient osé introduire de la réserve et de la critique dans la relation d'un parcours professionnel qui les aurait justifiées.
Parce que je ne rêve pas, comme elle, d'une présidence "des accents et du sang mêlé" - quel conformisme rentable !- pas plus qu'ambiguë dans ses choix, ses fonctions ici ou là et ses inclinations, qu'on ne vienne pas m'opposer que je serais un suppôt du racisme. Je ne fantasme sur aucune pureté française ni ne m'enivre d'un quelconque "pétainisme". Je n'ai pas le moindre goût pour les expulsions gratuites. Je ne veux pas vider la France de ceux qui l'aiment et la respectent. Les étrangers, de quelque nationalité qu'ils soient, nous honorent grâce à leur présence quand ils honorent la France et ses valeurs. Je me contente seulement d'aspirer à un président de la République qui serait français sans équivoque ni confusion et dont la première mesure ne serait pas de porter atteinte à une date, à un symbole, à l'histoire de notre pays.
Ce serait la moindre des choses, non ?
Philippe Bilger (Justice au singulier, 15 juillet 2011)