« Voué à cette idéologie fétichiste et décorative, l'art n'a plus d'existence propre. Dans cette perspective, on peut dire que nous sommes sur la voie d'une disparition totale de l'art en tant qu'activité spécifique. Ceci peut conduire, soit à une réversion de l'art dans la technique et l'artisanat pur, transférée éventuellement dans l'électronique, comme on peut le voir aujourd'hui, soit vers un ritualisme primaire, où n'importe quoi fera office de gadget esthétique, l'art finissant dans le kitsch universel, tout comme l'art religieux en son temps a fini dans le kitsch saint-sulpicien. »
Jean Baudrillard, « Illusions, désillusions esthétiques », in Krisis n°19
De l'art les merdes prétentieuses et narcissiques de Jeff Koons, Damian Hirst ou Takashi Murakami ? Non du kitsch, bien gros et bien cher, pour remplir la fondation Pinault. Et c'est justement à ce kitsch, qui domine la production artistique contemporaine, que s'intéresse Valérie Arrault dans son livre L'empire du kitsch, publié aux éditions Klincksieck. Une critique sans concession à découvrir !
"Le kitsch avance, le kitsch gagne chaque jour un peu plus les esprits sans qu'aucune voix ne s'élève contre lui. Longtemps repoussé et contenu dans la sphère du simple mauvais goût et de l’inadaptation de son esthétique à sa propre époque, selon ses contempteurs (Hermann Broch, Umberto Eco ou Milan Kundera pour ne citer que les plus célèbres), le kitsch, à la faveur de l’égalitarisme des valeurs esthétiques et de leur mélange, ne cesse de se développer.
Dès l’effondrement du bloc soviétique et la disparition des grands récits idéologiques qui structuraient le monde, il a repris son offensive, mais cette fois-ci au nom d’un « libéralisme libertaire » triomphant, consacrant le procès d’individualisation cher à Serge Lipovetsky et l’avènement de l’ère du narcissisme triomphant.
Las Vegas, ville d’architecture et de jeu, Jeff Koons, Pierre et Gilles, et Disneyland sont ici convoqués pour tenter de démasquer cette offensive."