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  • Pourquoi nous avons perdu le monde...

    Les éditions La Découverte viennent de publier un nouvel essai de Matthew B. Crawford intitulé Contact - Comment nous avons perdu le monde et comment le retrouver. Devenu réparateur de moto après avoir travaillé dans un think tank, Matthew B. Crawford a tiré de son expérience d'un retour au concret et au manuel un premier essai intitulé Éloge du carburateur (La Découverte, 2010).

     

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    " Après le succès d' Éloge du carburateur, qui mettait en évidence le rôle fondamental du travail manuel, Matthew B. Crawford, philosophe-mécanicien, s'interroge sur la fragmentation de notre vie mentale. Ombres errantes dans la caverne du virtuel, hédonistes abstraits fuyant les aspérités du monde, nous dérivons à la recherche d'un confort désincarné et d'une autonomie infantile qui nous met à la merci des exploiteurs de " temps de cerveau disponible ".
    Décrivant l'évolution des dessins animés ou les innovations terrifiantes de l'industrie du jeu à Las Vegas, Matthew B. Crawford illustre par des exemples frappants l'idée que notre civilisation connaît une véritable " crise de l'attention ", qu'il explore sous toutes les coutures et avec humour, recourant aussi bien à l'analyse philosophique qu'à des récits d'expérience vécue. Il met ainsi au jour les racines culturelles d'une conception abstraite et réductrice de la liberté qui facilite la manipulation marchande de nos choix et appauvrit notre rapport au monde.
    Puisant chez Descartes, Locke, Kant, Heidegger, James ou Merleau‐Ponty, il revisite avec subtilité les relations entre l'esprit et la chair, la perception et l'action, et montre que les processus mentaux et la virtuosité des cuisiniers, des joueurs de hockey sur glace, des pilotes de course ou des facteurs d'orgues sont des écoles de sagesse et d'épanouissement. Contre un individualisme sans individus authentiques et une prétendue liberté sans puissance d'agir, il plaide avec brio pour un nouvel engagement avec le réel qui prenne en compte le caractère " incarné " de notre existence, et nous réconcilie avec le monde. "

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  • La revue de presse d'un esprit libre... (9)

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    La revue de presse de Pierre Bérard

    Au sommaire :

    Alain de Benoist publie ces jours-ci une nouvelle version largement augmentée de son essai sur les droits de l'homme.
     
    • Sur radio Courtoisie, dans son Libre Journal des enjeux actuels du 5 avril  2016 Arnaud Guyot-Jeannin recevait Alain de Benoist, Thibault Isabel et Olivier Dard sur le thème "Comment analyser le modèle américain ?"
     
     
    Grégoire Gambier ;  roborative déclaration d'ouverture au troisième colloque de l'Institut Iliade qui s'est tenu le 9 avril devant plus d'un millier de personnes sur le thème "Face à l'assaut migratoire, le réveil de la conscience européenne". Celle-ci est suivie par l'introduction au colloque de Philippe Conrad qui explore la généalogie de l'immigration et les tabous qu'elle a engendrés du fait des "autorités morales". La troisième référence est empruntée au journal de Tv-Libertés du lundi 11 avril qui rend compte à partir de la onzième minute de ce colloque avec des interviews des divers participants. Bref, tout ce que la presse subventionnée s'efforce de soustraire à la connaissance de ses lecteurs.
     
     
     
     
    Paul Jorion s'exprime sur France Inter. Autant Paul Jorion est extrêmement lucide sur le plan économique, autant se montre-t-il angélique sur le plan de l'immigration (parler des "progrès" de l'intégration des communautés musulmanes en Belgique relève de la cécité volontaire). Par ailleurs il occulte dans son analyse du remplacement des hommes par des robots les coûts énergétiques de ce remplacement qui sont fort bien analysés par Jean-Marc Jancovici. Il semble plus pertinent de raisonner en terme de déplétion. Là encore, Jorion se montre trop optimiste...
     
     
    Michel Onfray sur Public Sénat tient des propos perspicaces sur la politique extérieure et revient sur son livre concernant l'islam. Se prononce, in fine, pour la "gauche Condorcet". À partir de la soixantième minute.
     
     
    • Le sociologue Mathieu Bock-Côté redécouvre Julien Freund qui fut un compagnon de route de la mal nommée Nouvelle Droite. Elle fit appel à lui dès son colloque de 1975 Des élites pour quoi faire inaugurant ainsi une collaboration qui ne devait prendre fin qu'avec la mort de celui-ci. 
     
     
    • Sur son bloc-notes du Figaro Ivan Rioufol  remercie Poutine d'avoir contribué à la libération de Palmyre. S'y ajoute une critique de son livre La guerre civile qui vient (Pierre-Guillaume de Roux, 2016). Celle-ci fait appel à la Providence (avec majuscule) pour rendre compte de la lucidité d'Ivan Rioufol, alors que nul n'est besoin de recourir aux sortilèges d'un arrière monde pour dire honnêtement ce que l'on voit et le voir sans oeillère idéologique. Il suffit seulement de courage ce qui est déjà beaucoup par les temps qui courent... Présenter Rioufol comme un héraut de la déconstruction des déconstructeurs (suivant la formule d'Éric Zemmour) est en soi bien exagéré tant qu'il ne s'est pas attaqué au principal, le libéralisme, père de toutes les initiatives malheureuse prises en matière d'économie et de société depuis des lustres. La critique prend ouvertement le parti de désigner l'immigration comme fossoyeur de l'identité française. Cette assignation mono-causale est largement insuffisante car il n'est pas certain que l'Europe se porterait mieux si aucun immigré n'y avait mis les pieds. Il y a dans cette critique une confusion, souvent faite, entre les causes et les conséquences du phénomène; trop accorder aux conséquences permet de se soustraire à l'analyse des causes.
     
     
     
    Éric Zemmour dans sa chronique de RTL : "Saint Pasdamagame priez pour nous, Manuel Valls a blasphémé..."
     
     
    • Symbole de notre débâcle, la campagne Tous Unis Contre la Haine. L'immigrationnisme victorieux ne se repent jamais de ses propres erreurs, il est une lâcheté parée d'oripeaux grandiose nous dit sur Causeur Alain Nueil, romancier et professeur agrégé de français.
     
     
    Philippe Conrad, directeur de la Nouvelle Revue d'Histoire, dénonce sur Boulevard Voltaire les amis du désastre; tous ces imposteurs qui voudraient que l'Europe n'existe que pour nier sa propre identité substantielle afin de mieux accueillir l'Autre c'est à dire Big Other. 
     
     
    Jean-François Gautier s'exprime sur la perénité de la psuché collective des Européens. Selon lui l'histoire n'a pas de sens préalable mettant ainsi un terme à sa téléologie conduite depuis toujours par les "progressistes" amateurs de fins dernières.
     
     
    • Conflits, la remarquable revue trimestrielle de géopolitique dirigée par Pascal Gauchon vient de sortir son neuvième numéro. Il comporte comme dossier central un ensemble d'articles consacrés à la guerre civile. Parmi les nombreux collaborateurs de la revue on note les noms de Thierry Buron, Gérard Chaliand, Hadrien Desuin, Grégoire Gambier, Christian Harbulot, Tancrède Josseran, Hervé Juvin, Gilles Kepel, Bernard Lugan, Richard Millet, Xavier Raufer etc.
     
     
    Max SchelerTrois essais sur l'esprit du capitalisme. Né en 1874, mort en 1928, Max Scheler est à l'origine de l'anthropologie philosophique dont son élève Arnold Gehlen a été le principal continuateur.
     
     
    • L'autoportrait païen de notre ami Christopher Gérard.
     
     
    • L'ancien ambassadeur de France dans divers pays d'Afrique Michel Raimbaud décrypte la stratégie du chaos initiée par les idéologues néo-conservateurs américains et leur plan de reconfiguration du Proche Orient.
     
     
    • Un nouveau venu dans la presse quotidienne régionale de réinformation : Parisvox.info . Entretien avec ses animateurs Xavier Eman et Stéphane Renaud.
     
     
    • Panama Papers : le retour des "chéquards" de Panama pue la manipulation grossière. Non que les informations produites par un consortium de journalistes "d'investigation" soient fausses, mais qu'elles aient été amputées d'une grande part de ses affiliés. Le fait que presque aucun citoyen américain, mis à part quelques dizaines de petits poissons inoffensifs, ne figure dans cette myriade de noms pourrait laisser supposer que la fuite a été pilotée. On s'étonne moins de ces absences quand l'on sait que l'organisme qui a dévoilé les fameux documents est financé par l'Open Society de George Soros. Le Monde a d'ores et déjà tenté maladroitement d'allumer des contre-feux pour expliquer ces mise en congé mais il est bien connu que celui qui paye l'orchestre choisit la musique. Raison, sans doute, pour laquelle les autorités chinoises, russes et syriennes on été visées les premières à coté du menu fretin. Et, last but not least, Marine le Pen dont une relation aurait planqué la somme faramineuse de 316 000 euros à Hong-Kong... Somme qui a été déclarée au fisc français si l'on en croit l'avocat de l'intéressé qui fournit des documents probants. Bref tout ce tintouin contre les ennemis de l'Occident pourrait bien se révéler n'être qu'un minable feu de paille. Il nous aura du moins permis de nous remettre en mémoire la septième promesse de François Hollande dans ses 60 engagements pour la France : "J'interdirai aux banques françaises d'exercer dans les paradis fiscaux". La leçon à tirer de tout cela c'est que contrairement à la prophétie de Marx ce ne sont pas les prolétaires, mais l'hyper classe oligarchique qui n'a plus de patrie (fiscale).
     
    - La mise au point de la Fondation Polémia qui voit dans ce pseudo scandale mondial une affaire qui arrange l'Empire, suivie d'une lettre de Marine Le Pen qui considère les accusations la ciblant comme un cas d'école de pure désinformation destinée à manipuler les foules.
     
    - L'avis de Hildegard von Hessen am Rhein sur Boulevard Voltaire.
     
    - La dernière partie du texte Se méfier des campagnes de désinformation de Jean-paul Basquiat sur le site de Europe solidaire
     
    - Le point de vue plein d'humour (noir) d'Éric Zemmour qui pose, lui aussi, les bonnes questions : pourquoi Panama et pourquoi pas le Delaware, pourquoi les copains de Poutine et pas les copains de Wall street d'Obama, pourquoi le syrien Assad et pas le turc Erdogan ? Qui instruit, qui vérifie, qui condamne, qui alerte ? Et il conclue sur la sécession des élites rappelant l'ouvrage éponyme de Christopher Lasch. 
     
    - Le point de vue de l'OJIM.
     
    - Celui de Causeur.
     
    - Celui des aborigènes d'Europe de Terre autochtone.
     
    - Celui récapitulatif de l'économiste Jacques Sapir qui pose les bonnes questions au sujet de ces Panama Papers.
     
    - Auquel on ajoutera cet article du Temps, quotidien suisse qui dénonce l'opacité fiscale aux États-Unis même devenus le refuge des grandes fortunes mondiales qui veulent échapper à l'impôt.
     
    - Enfin relevée sur Antipresse, lettre hebdomadaire gratuite publiée par Slobodan Despot, cette singulière "prophétie" résumée ici par Novopress.
     
    Cyril Hanouna, symbole de la télé poubelle, ici croqué par l'OJIM.
     
     
    • De l'OJIM toujours, la réaction de Brice Couturier, seule voix discordante des matins de France Culture, en réplique à l'homogénéité idéologique des invités de l'émission.
     
     
    • Les millionaires français font-ils leur alya ? 7000 d'entre eux ont décidé de "s'élever spirituellement" en rejoignant la Terre Sainte (coté israélien bien entendu) en 2015. On espère pour eux que Yahweh leur accordera sa mansuétude. En cash ?
     
     
    Alain Finkielkraut dans L'esprit de l'escalier nous parle de l'hommage tronqué du journal Le Monde à propos de l'écrivain hongrois Imre Kertész, ce lauréat hongrois du prix Nobel, qui vient de mourir. L'hommage que lui a rendu Florence Noiville (épouse de Martin Hirsch) dans ce qui fut le quotidien de référence vaut en effet son pesant de fabulation. Dans son dernier livre L'ultime auberge, Kertész écrit ceci : "Les jours misérables du déclin de l'Europe. L'Europe s'aplatit devant l'islam, lui supplie de lui faire grâce. Cette comédie me dégoute. L'Europe meurt de sa lâcheté et de sa faiblesse morale, de son incapacité à se défendre et de l'ornière morale évidente dont elle ne peut s'extraire depuis Auschwitz". Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, nous rappelle Finkielkraut, Theodor Adorno a énoncé ce nouvel impératif catégorique : "Penser et agir de façon à ce que Auschwitz ne se répète pas, que rien de semblable ne se produise". Adossés à cet impératif, poursuit Finkielkraut, nous avons donc appelé à la venue d'une humanité que ne romprait aucune séparation intérieure... Voulant faire de l'Europe un exemple, nos intellectuels les plus conséquents ont défini l'Europe, avec Ulrich Beck, par cette formule saisissante : " Vacuité substantielle, tolérance radicale". Nous avons donc choisi en guise d'identité, de nous déprendre de nous-mêmes, ainsi étions nous sûrs de n'exclure personne. En l'absence d'un "nous", il ne pouvait y avoir de partage entre "nous" et "eux". Europe des valeurs, des normes, des procédures. Europe comme marché et droits de l'homme et non Europe comme civilisation. Cette application de l'impératif catégorique d'Adorno nous désarme. Elle est, dit Kertész, rescapé d'Auschwitz, notre ornière morale. Et voici comment Florence Noiville choisit de traiter ce passage de L'ultime auberge :  "Hormis peut-être dans son dernier ouvrage, L'ultime auberge, ça et là, quelques remarques déconcertantes de sa part, dues peut-être au grand âge, sur l'Europe et sur l'islam, il y a toujours quelque chose de profondément lumineux et d'éminemment généreux chez Kertész". Conclusion tranchante de Finkielkraut : "Si un survivant d'Auschwitz s'avise de sortir des sentiers battus du devoir de mémoire, le couperet tombe, il est gâteux ! Rien ne peut donc démentir le politiquement correct".
     
     
    • Le rendez-vous de Béziers Les 27, 28 et 29 mai organisé par Robert Ménard.
     
     
     
     
    • La plaisanterie de la semaine illustre un des drames de la fausse notoriété : Yann Moix piégé par un selfie. Chroniqueur d'On n'est pas couché, le commis de BHL serait-il relaps ? A-t-il replongé dans l'hérésie ? On s'interroge avec anxiété sur l'authenticité de ce cliché.   
     
     
    • Règlement de comptes dans le camp "antiraciste". Laurent Joffrin, directeur de Libération et chien de garde de l'esprit libéral voit ici sa prose disséquée par d'authentiques anti-racistes.
     
     
    Éric Verhaeghe trace un portrait de la faune noctambule qui hante La Nuit Debout et de ses références hors du temps. Dans cette sorte de ZAD où cohabitent idéalistes impénitents, agitateurs trotskistes, punks à chien et vendeurs de merguez triomphent les idées molles énoncées dans le charabia de la bobocratie. C'est sans doute pourquoi elles intéressent tant le parti des médias. Sous le subterfuge de la "convergence des luttes" les "nuitards" constituent de fait la nouvelle classe discutante bien éloignée du "prolétariat" dont on se réclame sans cesse. Ils peuvent bien plaider pour le "vivre ensemble", mais n'empêche, ils demeurent strictement entre blancs, et quand un immigrés est convoqué pour ses trois minutes de parole, c'est toujours un sans-papier qui vient raconter sa pénible aventure. Il n'est ainsi que le prétexte pour les couche-tard de cultiver leur autisme. À droite on se demande pourquoi ces rassemblements sont tolérés en plein état d'urgence. C'est peut-être parce qu'ils illustrent le refoulé nostalgique d'une gauche devenu depuis longtemps l'aile complexée du mondialisme libéral. Un refoulé qu'elle ne parvient pas à exorciser.
     
     
    Frédéric Lordon du Monde Diplomatique à Tolbiac le 30 mars dernier devant les étudiants en grève contre la loi El Khomri. Ambiance rétro rappelant les happenings soixante-huitards, la tabagie en moins, puritanisme hygiéniste oblige.
     
     
    Roger Martelli est un vieux crabe stalinien reconverti dans le mensuel Regard où il sévit aux cotés de la bécassine de service Clémentine Autain. Dans cette tribune parue dans Le Monde il fait mine de croire contre toute évidence que les "identités fermées" sont le moteur du capitalisme oubliant que des frontières sûres sont le bouclier des humbles (Régis Debray). Pour se guérir de cette loufoquerie le remède est simple : se dessiller les yeux, considérer les multiples déclarations du MEDEF en faveur d''un "société ouverte" et lire enfin les démonstrations lumineuses de Jean-Claude Michéa.
     
     

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  • Alain de Benoist : La force du religieux, le pouvoir de mobilisation de la religion nous échappent...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré au djihadisme et à ses causes...

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    Alain de Benoist : Djihadisme et choc des civilisations ? Une formule fourre-tout

    Le djihadisme à la sauce Daech fait la une des gazettes, non sans raison. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

    L’État islamique reste à bien des égards une énigme. Ce n’est pas un État, bien qu’il en ait certaines caractéristiques. Ce n’est pas un mouvement terroriste (il mène avant tout une guerre conventionnelle), mais il a aussi recours au terrorisme. Il se donne pour islamiste, mais quand on examine la liste de ses dirigeants, on ne trouve pratiquement aucun islamiste, mais plutôt des cadres déchus de l’ancien État irakien. Xavier Raufer le décrit comme une « armée mercenaire », ce qui n’est probablement pas faux, mais mercenaire au service de qui ?

    Le recours au « choc des civilisations » permet-il de mieux expliquer les choses ?

    Le « choc des civilisations » n’est qu’une formule dans laquelle chacun met ce qu’il veut. La principale faiblesse des explications « culturalistes » des conflits est de faire l’impasse sur les logiques politiques qui conduisent à ces conflits, et aussi de faire oublier que l’immense majorité des conflits ont toujours eu lieu (et continuent d’avoir lieu) au sein d’une même civilisation.

    Voir dans le djihadisme un phénomène qui s’inscrirait dans la lignée des conquêtes musulmanes ou ottomanes des siècles passés revient à faire abstraction d’un contexte totalement nouveau. Moins qu’un affrontement entre l’Occident et l’islam, j’y vois plutôt la reconstruction conflictuelle de deux imaginaires également travaillés par le déracinement et la mondialisation, ce qui permet de comprendre pourquoi le djihadisme manifeste si souvent une mentalité qui retourne la modernité contre elle-même (les djihadistes sont des modernes malgré eux). J’y vois moins un conflit entre une appartenance universaliste et une identité particulière qu’une lutte entre deux universalismes rivaux.

    Il faut aussi faire la part d’une immense frustration – qui n’est pas seulement de l’ordre de la frustration sexuelle. Il y a une envie et un amour frustré d’Occident dans la volonté destructrice (et autodestructrice) de le jeter à bas. La volonté des islamistes de recourir au djihadisme pour condamner sans appel une société par laquelle ils estiment avoir été eux-mêmes condamnés explique le continuum entre violence sociale de droit commun et violence politico-religieuse. La logique du ressentiment, le renversement classique du désir frustré en agressivité, aboutissent très logiquement à ce qu’Alain Badiou décrit comme un « mélange de propositions héroïques mortifères et, en même temps, de corruption occidentale ».

    Le père Hervé Benoît a été mis à pied par l’archevêque de Lyon, Mgr Barbarin, pour avoir publié une tribune dans laquelle il mettait en regard ceux qui ont trop de religion et ceux qui n’en ont pas assez. Peut-on placer sur le même plan deux sortes de zombies, les uns en proie à un hédonisme échevelé, les autres cherchant à transcender le vide de leur existence par un idéal religieux, fût-il dévoyé ?

    Sans doute, mais il faut aller plus loin. Les membres de Daech ne se présentent ni comme des résistants ni comme des rebelles (il n’y a aucun potentiel émancipatoire dans la violence fondamentaliste), mais comme des soldats d’une armée divine. C’est ce que nous ne parvenons pas à comprendre. Et c’est pour cela que nous nous obstinons à ne voir dans ces jusqu’au-boutistes de la vérité que des paumés ignorants, des barbares, des déséquilibrés ou des fous (d’où l’idée qu’ils n’ont « rien à voir avec l’islam »).

    Comme le dit Marcel Gauchet, nous sommes sortis de la religion, non pas au sens où il n’y aurait plus de croyants, mais en ce sens que les valeurs religieuses ne sont plus la clé de voûte de la société, qu’elles ne constituent plus le mode de structuration hétéronome des communautés humaines. La privatisation de la foi, la montée d’une laïcité qui tend à rabattre la croyance sur la sphère privée, sinon sur le for intérieur, sont allées de pair avec un apaisement de la façon dont l’engagement religieux est vécu par les croyants eux-mêmes.

    L’Église ne cherche plus à lancer des croisades, et ses fidèles résistent en général très bien à l’appel des sirènes de la violence sacrée. Nous avons oublié les épisodes de fanatisme religieux de notre propre histoire, les époques où l’on trouvait normal de tuer ad majorem Dei gloriam.

    Nous avons du mal à comprendre que des hommes veulent tuer et se faire tuer aussi vite que possible parce qu’ils pensent que c’est le moyen le plus sûr d’accéder au paradis. Les chrétiens eux aussi estiment que la mort ouvre la porte de la vie éternelle, mais ils ne sont en général pas très pressés de mourir. Persuadés que la foi est affaire de croyance personnelle, nous ne parvenons pas à imaginer que le religieux puisse être le moteur d’actions meurtrières. Nous avons tendance à y voir un alibi, une légitimation de surface. La force du religieux, le pouvoir de mobilisation de la religion nous échappent. Nous avons oublié le sens profond du théologico-politique.

    Une certaine gauche, depuis l’époque des Lumières, s’imagine de son côté que la religion, considérée comme « superstition » ou obscurantisme archaïque (Lénine parlait de « brouillard mystique »), est appelée à s’éteindre du fait des progrès de la science et de la raison – ce qui est absurde puisque la science, par définition, ne s’intéresse pas au pourquoi (elle ne s’occupe que du comment). Cette idée que la croyance est une chimère sans consistance nourrit notre conviction qu’aucun absolu ne mérite qu’on tue en son nom.

    C’est ce que dit très bien Jean Birnbaum dans son dernier livre : « Comment la gauche, qui tient pour rien les représentations religieuses, pourrait-elle comprendre la haine funeste de ces hommes vis-à-vis des chrétiens, leur obsession complotiste à l’égard des juifs, mais aussi la guerre à mort qui oppose chiites et sunnites à l’intérieur même de l’islam ? Comment pourrait-elle accepter que le djihadisme constitue désormais la seule cause pour laquelle des milliers de jeunes Européens sont prêts à aller mourir loin de chez eux ? » Plutôt que de répéter des banalités, c’est à cela qu’il faudrait réfléchir.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 1er avril 2016)

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