Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • La barbarie...

    « La situation ne deviendra désespérée que si tout pouvoir de décision est laissé, en matière d'enseignement notamment, à des hommes foncièrement étrangers à la culture, aux technocrates et aux hommes politiques qui s'en font les porte-parole. » Vers la barbarie, entretien avec Michel Henry (Krisis n°1, été 1988)

     

    Les Presses universitaires de France viennent de rééditer l'essai de Michel Henry intitulé La barbarie. Mort en 2002, professeur de philosophie à l'université de Montpellier, Michel Henry a publié plusieurs romans ainsi que de nombreux ouvrages de philosophie. A l'occasion de la publication de cet essai, il avait donné un entretien à la revue Krisis, publié dans son premier numéro.

     

    La barbarie.jpg

    « Ce livre est parti d'un constat simple mais paradoxal, celui d'une époque, la nôtre, caractérisée par un développement sans précédent du savoir allant de pair avec un effondrement de la culture. Pour la première fois sans doute dans l'histoire de l'humanité, savoir et culture divergent au point de s'opposer dans un affrontement gigantesque, une lutte à mort, s'il est vrai que le triomphe du premier entraîne la disparition de la seconde. »

    Publié pour la première fois en 1987 (Ed. Grasset et Fasquelle), ce texte suscita un fort intérêt mais aussi de virulentes critiques. Il se révèle de nos jours d'une actualité malheureusement cruelle. Il témoigne de " ce sentiment tragique d'impuissance que tout homme cultivé éprouve aujourd'hui devant les faits ". Il importe, pour penser notre époque, de revenir aux réflexions d'un philosophe qui analyse et pense les causes de la barbarie de notre monde.

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Valls à contretemps...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir cueilli sur son blog RussEurope et consacré à la nomination d'Emmanuel Valls au poste de Premier ministre...

     

    Valls 2.jpg

    Valls à contretemps

    Au lendemain de ce qu'il faut bien appeler l'une des pires défaites subies par la «gauche de gouvernement» dans des élections locales, une défaite qui vit des villes gouvernées par les socialistes pendant plus de 100 ans passer à droite (comme Limoges), le Président s'est décidé à remercier le Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault et à nommer à sa place Manuel Valls. Le discours dans lequel cette décision importante fut annoncée fut pénible à entendre et encore plus à regarder. Un homme fatigué, au visage inexpressif, récitait ces banalités que savent trouver les politiques en ces moments-là, tel un oncle de province venu à un enterrement d'un vague cousin et qui récite sans trop y croire des condoléances. On a eu droit à «gouvernement de combat», et «équipe resserrée», des mots qui n'ont strictement aucun sens et qui sont usés d'avoir trop servi. La voix était mal posée et le Président buta à deux reprises sur les mots, comme si la décision lui coûtait. Et il est vrai que pour un homme d'habitudes, dont il est dit qu'il n'aime pas trancher, c'était tailler dans le vif que d'annoncer une telle nomination. Pourtant, cette décision pourrait s'avérer une redoutable erreur, et l'obliger à faire sous peu des choix qui seront autrement plus dramatiques.

    Une erreur de casting

    C'est une erreur d'abord car Manuel Valls ne répond pas à l'attente des Français, que ce soit sur le chômage ou le pouvoir d'achat. Non que l'homme soit sans qualités. Simplement, ces dernières ne sont pas la réponse à la question posée par le corps électoral, qu'il se soit manifesté ou qu'il se soit maintenu. Il n'est tout simplement pas en adéquation avec la situation du pays. Même dans la demande de «sécurité», qui est réelle, on mélange la sécurité des biens et des personnes, la sécurité sociale et surtout la sécurité de l'emploi. Or, Manuel Valls n'a pas de réponses aux questions posées. Et ce n'est pas la feuille de route laborieusement balbutiée par le Président qui peut lui en fournir. Il n'est pas possible de conserver le cap défini depuis maintenant plusieurs mois et de lutter contre le chômage. Les chiffres de ces 22 derniers mois le montrent de manière incontestable. Or, aujourd'hui, le chômage est bien la première des préoccupations des Français. La Président n'a pas évoqué sa malencontreuse promesse d'inversion de la courbe, et pour cause. Cette dernière ne cesse de monter. Mais, en plus, cette politique ne réussit même pas à réduire les déficits. Les chiffres publiés par l'INSEE en font foi. En dépit des hausses d'impôts, le déficit pour 2013 atteint 4,3%. Car, à chaque nouvelle ponction fiscale le PIB se réduit, ce qui réduit à son tour et mécaniquement les recettes fiscales. Notons que sans ce déficit, pourtant important, l'économie française serait plongée dans une profonde récession. Mais, c'est bien cher payer la résilience de la croissance, qui aura été de 0,3% en 2013. Si la France avait effectivement réduit son déficit à 3,7%, comme annoncé à Bruxelles en début d'année 2013, il y a gros à parier que nous serions en dessous de 0%. Le pacte de solidarité qui a été annoncé comme un «équivalent» au pacte de responsabilité mal ficelé, bricolé et rejeté par les partenaires sociaux, risque fort de donner lieu à son tour à un nouveau bricolage.

    Une erreur de politique

    Mais il y a erreur derrière l'erreur. En fait, François Hollande cherche à jeter du lest (un peu…) mais il reste persuadé que sa politique est la bonne. Ce en quoi il se trompe lourdement. La France souffre d'une problème de compétitivité, non seulement à l'export, mais aussi sur son marché intérieur. Le «pacte de responsabilité» ne va jouer qu'à la marge. Non seulement l'écart de compétitivité accumulé depuis 2000 du fait de la différence d'inflation structurelle avec l'Allemagne est trop grand, mais la hausse constante de l'Euro (justement dénoncée par Arnault Montebourg) creuse cet écart dans notre commerce avec les pays «hors-zone Euro».

    Les experts du Ministère des finances ont calculé qu'une dépréciation de 10% par rapport au Dollar aurait un effet sur la croissance globale de 1,5%. Si l'on extrapole avec une dépréciation tant avec les pays «hors-zone» qu'avec les pays de la zone Euro, on aboutit à un potentiel de 5% de croissance avec une dépréciation de -20%. Mais, pour cela il faudrait quitter le zone Euro. Cela, notre Président s'y refuse, tout en sachant pertinemment que c'est la solution à la fois la plus simple et la plus efficace pour que l'industrie française retrouve sa compétitivité. Il ne peut concevoir que la monnaie unique soit un échec quand tout son intellect ne cesse de le répéter. Il y a quelque chose de tragique dans l'obstination d'une volonté contre l'intelligence. Et cette tension aussi était perceptible dans la courte allocution télévisée du Président. Il a même évoqué la possibilité d'une «renégociation» avec l'Europe des conditions économiques faites à la France. Mais ici, on n'est plus dans le domaine de l'erreur mais dans celui du mensonge. Car, ces conditions que François Hollande prétend «renégocier», il les a fait voter par le Parlement. On ne voit pas, dans ces conditions, ce que nos partenaires pourraient bien accepter de «renégocier». La vérité, et l'on peut penser que François Hollande en est désormais conscient, c'est que l'Euro est un piège qui condamne la croissance et nous contraint à une austérité suicidaire. Mais, cette conscience est étouffée immédiatement par l'illusion que l'Euro est politiquement indispensable à l'Union européenne, alors même qu'il la détruit de manière implacable.

    Dès lors, se refusant à prendre le choix logique d'une sortie de l'Euro, il ne reste plus à François Hollande qu'une politique faite d'expédients. Le dernier est la nomination de Manuel Valls à Matignon. Les effets positifs ne se feront sentir que quelques semaines, et le Président se retrouvera, après les élections européennes, dans une situation encore pire que celle qu'il affronte maintenant. Peut-être est-il dans son caractère de ne pouvoir se décider à prendre la mesure qui s'impose. Mais alors, il ne fallait pas briguer la fonction qu'il occupe. Présider, sous la Vème République, c'est gouverner. Et gouverner, c'est choisir.

    Jacques Sapir (RussEurope, 31 mars 2014)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!