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  • A propos de la guerre juste...

    Les éditions Apopsix viennent de publier un essai de Jean-François Chemain intitulé Bellum iustum - Aux origines de la conception occidentale de la guerre juste, avec une préface de l'historien Yann Le Bohec, grand spécialiste de l'histoire romaine. Agrégé et docteur en Histoire, Jean-François Chemain a décidé, après une longue carrière en entreprise d'enseigner en ZEP. Il a publié deux témoignages sur cette expérience, Kiffe la France (Via Romana, 2011) et Tarek, une chance pour la France ? (Via Romana, 2017).

     

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    " Après sept décennies de paix intérieure et extérieure, le Vieux Continent renoue avec la peur de la guerre civile et étrangère, de la récession économique et de la régression sociale. Chacun craint une catastrophe, mais quelle forme prendra t-elle ? Peut-être toutes à la fois ? La « guerre froide » se ranime, les Anglais quittent le navire européen dont certains prévoient le prochain naufrage, le patron de la D.G.S.I. annonce l'imminence d'une guerre civile en France, les marchés financiers jouent aux montagnes russes ...

    L'Empire Romain semble, en temps de désarroi, donner matière à réflexion, par la manière dont ce peuple conçu mentalement la guerre et sut vivre, année après année, avec elle. Car, s'il fut un peuple qui connut la guerre, ce fut bien les Romains, qui n'ont vécu, de la fondation du temple de Janus à la bataille d'Actium (soit pendant 6 siècles) que deux ans de paix.

    Ce livre propose de tirer du passé des leçons qui pourraient nous aider à traverser des temps incertains. "

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  • Pourquoi cette étrange pusillanimité ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Bilger, cueilli sur son blog Justice au singulier et consacré à l'attentat islamiste de la rue Monsigny à Paris, le 12 mai 2018 dans la soirée. Ancien magistrat, Philippe Bilger est notamment l'auteur de récits ou d'essais comme 20 minutes pour la mort (Rocher, 2011) ou Contre la justice laxiste (L'Archipel, 2014).

     

    Attentat Monsigny_Asimov.jpg

    Je ne sais pas mais il faudrait !

    A chaque fois l'imprévisible surgit et frappe.

    A chaque fois le terrorisme armé d'un couteau ou d'un véhicule fait irruption dans notre quotidienneté, blesse, meurtrit, massacre pour mourir à son tour.

    Dans la soirée du 12 mai, un Russe tchétchène de 20 ans naturalisé français en 2010, Khamzat Azimov, fiché S depuis 2016, entendu déjà par la police au mois d'avril 2017, a respecté à la lettre ce processus malfaisant et a fini comme évidemment il le souhaitait.

    Un jeune homme de 29 ans est mort poignardé, et il y a eu plusieurs blessés. La police est intervenue 9 minutes après l'attaque, évitant l'aggravation de ce bilan déjà trop lourd. Le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur lui ont naturellement rendu hommage.

    Compassion exprimée par plusieurs communiqués officiels pour les victimes et leurs familles.

    Le président de la République déplore "le prix du sang une nouvelle fois payé par la France" - ce qui est tragiquement vrai - mais ajoute "qu'elle ne cèdera pas un pouce aux ennemis de la liberté". Je comprends mal cette dernière affirmation.

    Il me semble que c'est faire beaucoup d'honneur aux terroristes islamistes que de les percevoir seulement comme des ennemis de notre "liberté". Un pouce ? Malheureusement chaque crime est déjà une défaite. Faut-il considérer alors que notre résolution continuera à s'afficher telle quelle en espérant un avenir moins sanglant sur ce mode odieusement intermittent ?

    Analyses médiatiques de plus en plus pauvres parce que condamnées à reprendre quasiment mot pour mot les considérations développées pour les précédents attentats. En ce sens le dialogue sur France Inter entre une "spécialiste" de la Tchétchénie et le journaliste a été surréaliste le 13 mai : le second s'obstinait à lui faire déclarer du nouveau quand lassée elle était incapable de sortir des sentiers déjà longuement battus.

    Pour ne pas évoquer le bavardage profus et de pur remplissage sur BFMTV dans la soirée du 12 mai avec la mention qui aurait été comique en d'autres circonstances de "l'auteur présumé". Un auteur qui n'était plus à présumer : ce criminel, heureux d'obtenir sa mort comme une récompense, ayant frappé et tué au vu de beaucoup !

    Sur les plateaux de télévision et dans les émissions de radio on s'exprimera sentencieusement sur ce terrorisme renouvelé. Avec la même objectivité froide et prétendument savante d'après l'action.

    Le parquet antiterroriste de Paris - remarquable et auquel heureusement on a renoncé à accoler un Parquet national sur le modèle du PNF dont les prestations ont été pour le moins contrastées - est saisi et nous avons eu droit encore à une exemplaire communication du procureur Molins, dont quelques-uns de ses collègues devraient s'inspirer.

    Les parents, les familiers du tueur mort sont entendus, placés en garde à vue. Des perquisitions opérées. Pour mettre au jour des connexions ? Pour trouver des explications à cette ignominie qui résulte de desseins délirants et d'une appétence perverse pour un sacrifice digne de ce nom seulement si un massacre l'a précédé ?

    Face à cette réalité à l'implacable et tragique redondance, la routine de l'horreur terroriste jamais programmable, artisanale même si elle est téléguidée, insaisissable, laisse au sens propre et figuré désarmés. Il n'est pas indifférent que même un Jean-Luc Mélenchon ait fait profil bas en déclarant : "Je n'ai pas l'intention de dire que le gouvernement aurait laissé faire, ça n'est pas vrai" (LCI) et, à rebours, il est absurde de la part de LR et du FN de dénoncer "l'inaction d'Emmanuel Macron".

    L'envie, face à ce tableau sombre et menaçant, gangrenant le présent et pourrissant le futur, est de se révolter, de refuser l'angoisse de l'inéluctable. Ce pessimisme serait désespérant qui interdirait même de concevoir d'autres modalités de lutte jamais encore expérimentées. Mais lesquelles ? La modestie m'oblige à admettre que je ne sais pas. Pourtant il faudrait.

    Encore conviendrait-il de ne pas s'obstiner par dogmatisme à récuser des opportunités opératoires de nature à prévenir d'autres désastres.

    J'admets qu'il ne suffirait pas d'une politique internationale atone et aphone ou d'orientations radicalement différentes pour s'attirer les bonnes grâces de nos adversaires fanatiques.

    Il n'est même pas sûr qu'une démocratie encore plus musclée, à la supposer possible sans dénaturer profondément son esprit et permettant un quadrillage de tous les instants, serait décisive dans l'éradication du terrorisme organisé ou de l'instant. Il y aura toujours sur notre destin collectif et nos destinées individuelles son risque et, bien plus, malgré la fermeté républicaine, sa concrétisation. Aussi rare qu'on l'espère.

    Cependant comment ne pas s'étonner alors de l'entêtement avec lequel le pouvoir, encore par la voix de Benjamin Griveaux pourtant bien gêné aux entournures et ressassant une leçon désaccordée avec le réel, maintient sa position sur les fichés S français et étrangers ? (Grand Jury RTL-Le Figaro- LCI)

    Le porte-parole du gouvernement a eu beau répéter que la fiche S servait à la police et au renseignement et qu'elle leur avait permis de déjouer un certain nombre d'attentats, il n'est pas parvenu à convaincre qu'un changement de législation pour les nationaux - autorisant leur interpellation par exemple - et l'expulsion des étrangers ne seraient pas efficaces pour mieux combattre le danger terroriste et éviter son aléatoire survenue.

    Dès lors que pratiquement tous les criminels islamistes ont relevé ou relèvent de cette catégorie trouble, le bon sens n'imposerait-il pas de se pencher sur elle pour une exploitation plus efficiente et enfin coercitive des données personnelles de chaque fiche ? Pourquoi cette étrange pusillanimité qui nous prive d'une chance de plus, d'une avancée probable, cette répugnance à transformer un outil en une arme ?

    Stagnation d'autant plus regrettable que c'est sans doute sur ce seul plan que la mélancolie du "je ne sais pas" pourrait être effacée par le volontarisme concret du "il faudrait".

    Philippe Bilger (Justice au singulier, 14 mai 2018)

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