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  • La marche sur Rome, l'autre révolution d'octobre...

    Les éditions Galliamard viennent de publier Soudain le fascisme - La marche sur Rome, l'autre révolution d'octobre, un essai d'Emilio Gentile. Historien italien, spécialiste du fascisme, Emilio Gentile a publié de nombreux ouvrages, dont La religion fasciste (Perrin, 2002), Qu'est-ce que le fascisme ? (Gallimard, 2004) ou L'apocalypse de la modernité (Aubier, 2011).

     

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    " Il s’était rasé de près, avait dissimulé son crâne chauve sous une perruque, pris un tram et, en cette nuit du 24 au 25 octobre 1917, s’était rendu au Palais d’Hiver pour s’emparer du pouvoir. Lénine avait compris qu’il fallait saisir l’occasion favorable qui ne se représenterait pas. Cinq années plus tard presque jour pour jour, dans la soirée du 29 octobre 1922, Benito Mussolini, chauve et mal rasé, vêtu d’une chemise noire, monta dans un train, acclamé par la foule, pour se rendre à Rome et y prendre le pouvoir. Lui aussi avait pressenti qu’il fallait profiter du moment propice. Au terme d’une insurrection de deux jours qu’il avait lui-même baptisée «marche sur Rome», l’Italie n’eut pas seulement un gouvernement, mais une dictature.
    Si les historiens conviennent qu’il y eut non une révolution bolchevique, mais un coup d’État, il n’en va pas de même pour la marche sur Rome. Comment se peut-il, pour reprendre des expressions de contemporains de l’événement, qu’«un opéra-bouffe», «une kermesse maladroite», «un rassemblement sans importance d’idiots utiles» ait donné naissance à l’un des régimes les plus tragiquement antidémocratiques et impérialistes du XXe siècle? Prenant pour fil conducteur du récit la confrontation entre l’homme d’action et l’occasion à saisir, c’est-à-dire le moment où la décision humaine intervient sur les circonstances pour fixer la voie à suivre, sans aucune garantie de succès, Emilio Gentile, dans une étude radicalement nouvelle, montre à l’œuvre un parti organisé comme une milice qui conquiert le gouvernement d’une démocratie parlementaire paralysée par ses renoncements. Le but de la conquête est affiché depuis le commencement : détruire l’État libéral et la démocratie, grâce à l’indifférence et à la passivité de la majorité de la population. La dictature fasciste débuta dès la marche sur Rome, puisqu’elle était l’inexorable conséquence de la nature même du parti. "

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  • Jihadismes : le tournant stratégique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de François-Bernard Huyghe, cueillie sur son site Huyghe.fr et consacré aux attentats de vendredi à Paris et à Saint-Denis. Spécialiste de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe a publié dernièrement Think tanks : Qand les idées changent vraiment le monde (Vuibert, 2013).

     

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    Jihadismes : le tournant stratégique ?

    Le Vendredi 13 sera-t-il notre onze septembre national ? va-t-il durablement changer la donne ? Au-delà de l'émotion, des réactions destinées à rassurer l'opinion (contrôles, mobilisation...) et au-delà des éléments de langage prévisibles ( fermeté, unité, ne pas céder à la barbarie, nos valeurs, refuser la peur et l'amalgame, se rassembler autour de la République, etc.), il est permis de de demander si les attentats annoncent un tournant stratégique. Ce que les médias traduisent souvent en disant que cette fois "c'est vraiment la guerre" (même si cela fait des mois que le président de la République répète que nous faisions la guerre "au terrorisme" et Valls que c'était la "guerre de civilisation" contre la barbarie).

    ⁃ Sur le plan technico-militaire, l'État Islamique (puisqu'il est désigné comme coupable et revendique, pourquoi en douter ?) a réalisé là une opération para-militaire sans commune avec ce que nous avions connu dans ce pays depuis la guerre d'Algérie, et encore... Trois équipes, trois formes d'action (se faire sauter, mitrailler dans la rue, prendre des otages dans un local, massacrer et attendre la police pour mourir).

    ⁃ Outre la coordination des frappes, le choix des cibles (plus de militaires, d'enfants juifs ou de dessinateurs sensés être ennemis de l'Islam, mais n'importe qui dans la rue, coupable simplement de vivre à Paris "capitale de l'abomination et de la perversion") est riche de sens. Ainsi que l'indique le communiqué de revendication, en frappant des gens au bistrot ou au concert, choses abominables à leurs yeux, les jihadistes voulaient punir notre débauche.

    ⁃ Significatif aussi l'emploi, pour la première fois sur notre sol de la technique du kamikaze à la ceinture d'explosif. En effet, il y a une considérable différence entre mener un opération en étant quasi certain d'être tué par la police et transformer son propre corps en arme en se faisant sauter pour tuer plus de victimes.

    ⁃ Par ailleurs, l'EI, par son communiqué et par les mots prononcés par les terroristes ( c'est pour la Syrie, c'est à cause de Hollande, nous fait savoir que nous sommes punis et qu'il n'y a pas vraiment de revendication à négocier. En effet, sauf à retirer nos troupes de tous les théâtres d'opération et sauf à se convertir au salafisme, on ne voit pas très bien comment Hollande pourrait les apaiser. Par ailleurs, comme l'indique le communiqué de revendication, en frappant des gens au bistrot ou au concert, choses abominables à leurs yeux, les jihadistes voulaient punir notre débauche. La France est pour eux politiquement agressive et moralement décadente.

    ⁃ À la limite, plus cela renforce les sentiments dits islamophobes et plus cela fait l'affaire de l'EI : les ennemis seraient ainsi "démasqués" et les communautés renvoyées à leur destin naturel : s'affronter à mort. C'est la forme moderne de la vieille stratégie provocation, répression, solidarité, radicalisation des luttes.

    ⁃ Plusieurs seuils symboliques ont ainsi été franchis, et il y a au moins une des parties qui est persuadée que nous sommes engagés non seulement dans une guerre mais aussi dans un affrontement global, métaphysique et historique, dont dépend le sort de l'humanité.

    -Comment peut réagir l'autre partie, nous en l'occurrence, à part faire plus de même (plus de lois , plus de contrôles, plus de précautions), donc plus de ce qui a largement échoué ?

    Bien entendu, il ne faut pas exclure qu'une répression policière classique, basée sur un meilleur renseignement, ne donne des résultats partiels. Mais on voit mal comment on pourrait empêcher de nouveaux jihadistes français, ou étrangers (venant assister leurs complices locaux), de recommencer un jour à partir du moment où ils sont prêts à mourir dans l'opération.

    Deux réactions psychologiques seront cruciales :
    La réaction du gouvernement : va-t-il persister dans sa politique du ni-Bachar, ni-Daesh et accepter de se convertir à une stratégie "realpoliticenne" de choix de l'ennemi principal ? Ce qui implique de discuter avec Bachar, avec les Iraniens et avec les Russes.
    La réaction de l'opinion, une fois passé le temps de la tétanie. Verra-t-on un nouveau 11 janvier où la bourgeoisie de centre ville défilera pour témoigner de sa résolution à garder les valeurs de la République, à vivre ensemble et à ne pas faire d'amalgame ? Sans doute, mais ce sera moins efficace cette fois. Une amplification des mouvements anti-migratoires, de la peur de l'islam et du regret des frontières ? Ce n'est pas inconciliable avec la première hypothèse. Réponse dans quelques jours.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 15 novembre 2015)

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